Découvrez le Chadao de Chine
LIU KAI
 |
Depuis toujours et
pour toujours, le thé est une poésie, un paysage et un art
de vivre. À travers les tableaux choisis des dynasties des
Ming et des Qing, l’on constate que les Chinois se passionnaient
pour le thé et cherchaient à le savourer en s’unissant avec
la nature, dans la paix. Pourquoi ? C’est que de génération
en génération, ils ont été profondément influencés par le
taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme. |
Le terme Dao,
qui signifie
« la voie spirituelle », est considéré par les Chinois comme un système complet
de pensée religieuse et philosophique qui traite des préceptes
de la vie et de l’univers . Dans ce contexte, les Chinois
ne veulent pas appliquer ce terme à n’importe quelle réalité.
Contrairement au Japon où l’on parle presque partout de
Chadao ( Dao du thé ), de Dao des fleurs, de Dao de la lutte, etc., en Chine, que ce soit en matière de diététique
ou de jeux, seul le thé peut être à la hauteur du terme Dao.
Le Chadao fait
partie de la culture orientale, différente de la culture occidentale,
car elle n’offre généralement pas de définition précise et scientifique,
mais accentue davantage la spontanéité, la perception et la motivation
pour s’y initier et la comprendre.
L’interprétation
de certains savants chinois
Laozi,
fondateur du taoïsme, dit dans son Dao De Jing :
« Le Dao que l’on peut définir n’est pas le Dao,
le Dao éternel, alors que le nom que l’on peut prononcer
n’est plus le nom éternel. Le « néant » est l’origine
du ciel et de la terre, ce qui porte un nom est la mère des êtres
et des choses. C’est du « néant » que l’on désire s’initier
au mystère du Dao, c’est dans les choses et les êtres que
l’on veut percevoir le merveilleux du Dao. »
Influencés par cette
pensée, au fil des dynasties, les experts chinois du thé n’ont
pas réussi à coller une définition précise au Chadao, bien
que ce mot eût été utilisé depuis la dynastie des Tang.
Ces dernières années,
des savants commencent à tenter de définir le Chadao sous
différents aspects. Wu Juenong dit : « Le Chadao,
c’est le fait de prendre le thé comme une boisson précieuse et
sublime, car il est un genre de plaisir spirituel, un art de vivre,
voire même le meilleur moyen d’améliorer son humeur. Il résume
même l’esprit fondamental du Chadao en Chine : la
modestie, la beauté, l’harmonie et le respect.
Chen Xianbai estime
que le Chadao de Chine comporte sept sens et principes
caractéristiques : l’art du thé, l’éthique du thé, les principes
du thé, l’évolution du thé, la doctrine du thé et le dao
du thé, mais l’esprit du thé réside dans l’harmonie. Le Chadao
de Chine est une voie qui conduit l’individu, au travers des
pratiques du thé, à découvrir le merveilleux de cette boisson,
afin d’en arriver à perfectionner son sens moral. En bref, la
théorie de Chen peut être résumée en « sept arts et une
essence ».
Zhou Shuren dit simplement :
« Le Chadao, c’est non seulement le fait de s’accorder
un peu de relaxation, malgré les nombreuses occupations quotidiennes,
et de se donner des moments agréables quand les affaires ne marchent
pas à souhait, mais aussi de ressentir la beauté et l’harmonie
dans la réalité imparfaite et d’éprouver l’éternité dans un court
laps de temps. »
Pour sa part, Liu
Hanjie estime que le Chadao est justement une manière de
préparer le thé et une façon de le boire.
En effet, définir
le Chadao est une tâche ingrate, car sa culture proprement
dite ressemble à ce que dit Laozi. Le bouddhisme trouve également
que le Dao ne se perçoit que par le cœur. S’il fallait
absolument le définir, on risquerait de faire disparaître le mystère
du Chadao et d’enfermer l’imagination des buveurs de thé.
De boire le thé
à savourer le thé
 |
Pour nous qui vivons
dans un monde au rythme de vie trépidant, une ambiance calme
qui permet de savourer le thé pour relaxer le corps et l’esprit
est devenue une chose nécessaire. |
Autre pays, autre
conception du thé. Les caractères de la nation chinoise préconisent
le naturel, la simplicité et la modestie, jamais la forme ou la
complexité. Il en va de même pour la façon de boire le thé :
on en distingue deux en Chine. L’une est de boire du thé d’une
façon « mixte », c’est-à-dire de boire le thé en y ajoutant
du sel, du sucre, du lait, des écorces d’orange, de la menthe,
de la cannelle ou des jujubes, au gré de chacun ; l’autre,
c’est de le boire d’une façon « pure ». En d’autres
mots, cela veut dire de ne rien y ajouter pour ne pas gâter l’arôme
original. Le processus se subdivise en quatre niveaux. Le niveau
le plus bas, « boire du thé », correspond à la méthode
de ceux qui boivent dans un grand bol et à grandes gorgées ;
dans le niveau au-dessus, « savourer le thé »
, il s’agit d’évaluer à la fois la couleur, l’arôme et le goût
des thés, d’apprécier la qualité de l’eau et des ustensiles, ainsi
que de savoir savourer les thés ; dans le deuxième niveau
en importance, il s’agit de prendre en ligne de compte des facteurs
tels que l’ambiance, la musique, l’art de la préparation et les
relations humaines, en somme « l’art du thé » ;
quant au premier niveau, le plus élevé, les buveurs y associent
la philosophie, l’éthique et la moralité, et ils cherchent à cultiver
un esprit équilibré, à former leur caractère et à goûter la vie
en savourant le thé, pour atteindre l’élévation suprême de l’esprit –le Chadao de Chine. Ce dernier se différencie de l’art du
thé car il considère non seulement la forme, mais aussi l’essence
spirituelle.
Ses quatre principes
fondamentaux
D’après M. Lin Zhi,
un adepte de thé de Wuyishan, l’harmonie, la sérénité, la joie
et la vérité doivent être les quatre principes fondamentaux du
Chadao de Chine. L’harmonie est le cœur de la
philosophie des pratiques du thé en Chine et l’âme du Chadao.
La sérénité est son moyen unique d’apprentissage, la joie est la sensation éprouvée,
et la « vérité », l’aspiration ultime.
L’harmonie est
une conception philosophique commune du confucianisme, du bouddhisme
et du taoïsme à laquelle tend le Chadao. Cela signifie
que toute pratique se compose de deux aspects fondamentaux, le
Yin et le Yang, et est le résultat de l’harmonie
du Yin et du Yang.
Lu You, le dieu du Thé, a écrit dans la première étude
sur le thé, connue sous le nom de Chajing (Classique
du thé ) : « Le fourneau, fabriqué en fer, dont
la propriété est le métal, est installé par terre, dont la propriété
est la terre ; le charbon de bois, sous le fourneau, pour chauffer
le thé a la propriété du bois,
le charbon de bois brûlé a la propriété du feu, et le liquide
du thé chauffé dans le fourneau a la propriété de l’eau ».
On voit ainsi que la préparation du thé est un processus d’interaction
permanente entre les cinq matières ( le métal, le bois, l’eau,
le feu et la terre). Il est donc évident que les conceptions de
l’harmonie, résultant du mouvement cyclique concomitant des cinq
matières, forment la base de la philosophie du Chadao de
Chine.
Les confucianistes
ont formulé une pensée de neutralisation – la voie du milieu –
de la conception philosophique « l’harmonie suprême »
Ils estiment que l’harmonie est la neutralisation, le degré, la
convenance. En bref, elle est à point, ni trop ni peu. « L’harmonie
suprême » se traduit complètement dans les pratiques du thé.
Par exemple, au moment de l’infusion du thé :
L’infusion soigneusement faite,
N’est
ni acide, ni sucrée, ni amère.
Le
thé fait d’une vitesse opportunément maîtrisée,
Dont
la quantité n’est ni trop ni peu.
Au moment de recevoir
les invités :
Offrir les thés avec respect aux invités plus âgés,
Préparer
les thés pour l’affection profonde exprimée.
Au moment de savourer
le thé :
L’affection
profonde n’est éprouvée qu’après avoir
terminé
le bon thé,
Approuver
que seul le thé soit la plante herbacée d’élite.
L’apprentissage
du Chadao s’achève dans la sérénité
Le Chadao est une voie merveilleuse pour ceux qui aspirent à cultiver
leur caractère, à se purifier et à faire une recherche sur eux-mêmes.
La sérénité est la voie obligatoire à l’apprentissage du
Chadao de Chine. Comment percevoir le mystère de l’univers
dans une toute petite théière ? Comment savourer la vie par
le thé ? Une seule réponse --- dans la sérénité, le calme.
Laozo dit : « Me
laissant prendre par le vide parfait et occuper par la paix en
moi, laissant engendrer les êtres et les choses, je contemple
leur retour, ils retournent à leur origine, le retour est le silence,
le silence est de renouer avec son destin.
Cette méthode dite
« contempler le retour à l’origine en silence et par le
vide », créée par le taoïsme, a évolué plus tard en théorie
des pratiques du thé --- « savourer le thé dans la paix » .
Le
frais s’élève dans la cour calme
et la flamme de bougies devient froide,
Les
bambous s’agitent dans le vent
et la lune brille dans le ciel.
Le Chadao de
Chine vise à créer, par les pratiques du thé, une atmosphère calme
et une paix intérieure, à atteindre la vacuité.
Quand le parfum subtil
du thé pénètre dans votre corps, votre âme deviendra transparente
dans le silence et le vide, votre esprit se purifiera au fur et
à mesure que le silence et le vide s’enfonceront, vous vous unirez
à la nature, vous vous fondrez dans l’univers. C’est pourquoi
on dit souvent : « La méditation et le thé ont le même
goût. »