Parlons
coiffure, en commençant par celle de Ronaldo
HUO
JIANYING
Ronaldo,
célèbre star du football, s’est démarqué lors de la Coupe du monde
par sa nouvelle coupe de cheveux. Aujourd’hui, elle est en vogue,
malgré sa forme bizarre d’une tuile.
Pas du tout bizarre pour les
Chinois !
Selon les dires d’un coiffeur brésilien,
dès la sortie de cette coupe de cheveux, il en a réalisé cinquante
à prix fort en real brésilien (un dollar US au moins).
Par ailleurs, une jeune Brésilienne
de 25 ans s’est exclamée: « Mon Dieu,
mais pourquoi donc Ronaldo a-t-il adopté cette coupe de
cheveux ? Il a poussé mon ami à faire de même et je ne peux
l’accepter. Je lui ai donc demandé de se faire raser la tête. »
Quant à la femme de Ronaldo, il
semble qu’elle ait conservé une attitude modérée en disant que
si cette coiffure pouvait le rendre heureux, il pouvait la garder.
Cette coupe de cheveux ne semble
pas obtenir la faveur des femmes. On dit que Ronaldo aurait déjà
présenté ses excuses aux mères des enfants qui ont demandé à se
faire coiffer selon cette mode…
En fait, bien que cette coiffure
ait suscité l’attention partout dans le monde, son nom diffère
selon les endroits. Les Chinois l’appellent la « coupe de Afu ».
Les coiffeurs de Beijing croient
que cette coupe de cheveux ressemble à la coiffure traditionnelle
des figurines chinoises en argile. Selon leurs dires, si les jeunes
adoptent cette mode en été, c’est qu’elle permet de les garder
au frais et qu’elle est facile d’entretien. En voyant la coupe
de Ronaldo voler la vedette cette année, les coiffeurs ont donc
modifié un peu la coupe de Afu
pour l’adapter à la mode et ils en ont tiré de bonnes retombées
économiques.
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Les
Afu, des figurines d'enfants modelées dans l'argile;
celles de Wuxi sont particulièrement
renommées. |
La coupe de Afu n’est qu’une manière traditionnelle de coiffer les enfants, en
usage depuis les temps anciens en Chine ; les jeunes qui
aspirent à se pavaner avec les coiffures en vogue à la Coupe du
monde choisissent donc plutôt la coupe « à la Mohican » de David
Beckham.
Afu est l’appellation des figurines d’enfants, modelées dans l’argile et
originaires de Wuxi, province du Jiangsu. Ces figurines remontent
à l’époque de la dynastie des Ming (1368-1644). Il y a plus de
400 ans, à la colline Huishan, tout près de la ville de
Wuxi, on avait construit un grand nombre de temples et on y apportait
des offrandes, telles que diverses figurines modelées dans l’argile,
afin d’attirer la bonne fortune: bonheur, progéniture nombreuse,
longévité, etc. Parmi ces figurines, les Afu
sont les plus célèbres.
D’après une légende, dans l’Antiquité,
un garçon appelé Afu aurait fait le sacrifice de sa vie pour dompter
un démon qui avait mis en péril la vie de la population. Pour
commémorer ce garçon, on l’a modelé avec la terre de sa région
natale, et par la suite, on aurait transformé cette figurine en
deux jeunes enfants potelés et mignons, un garçon et une petite
fille. Le petit garçon ne garde qu’une touffe de cheveux en forme
de pêche sur le sommet de la tête, et les cheveux de la petite
fille sont enroulés en deux chignons de chaque côté de la tête.
Aux temps anciens, la coiffure des enfants chinois variait selon
leur gré. Les petites filles avaient les cheveux longs et, de
chaque côté de la tête, elles les enroulaient en chignon ou les
tressaient en deux petites nattes. Quant aux garçons, ils ne gardaient
qu’une touffe de cheveux, soit sur le sommet de la tête, au devant,
soit en arrière, soit tout autour de la tête en forme de couronne.
La partie gardée sur le devant s’appellait Liuhai’er.
Les cheveux attachés et ceints
d’une couronne : le symbole d’un homme adulte
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Cent
enfants,
un dessin traditionnel qui présente la coiffure des
garçons chinois à l'ancienne époque.
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Dans l’Antiquité, au moment où
un jeune noble atteignait l’âge adulte, on tenait un couronnement.
À l’époque des Zhou (XIe siècle-256 av. J.-C. env.),
l’âge adulte était atteint à 20 ans. La cérémonie avait lieu dans
le temple et était présidée par le père du jeune homme, et les
témoins étaient les hôtes invités. Pour le couronnement, on attachait
d’abord les cheveux, avant de les enrouler en chignon que l’on
ceignait ensuite d’une couronne. Le couronnement comportait trois
étapes: la première était la pose d’une couronne en chanvre noir,
ce qui représentait la classe aristocratique, la deuxième, celle
d’une couronne en cuir représentant l’obligation du service militaire
et la troisième, celle d’une couronne en chanvre noir fin et rouge qui témoignait de la capacité
de participer officiellement à la vie sociale. Pour les hommes
du commun, la cérémonie était beaucoup plus simple. On attachait
les cheveux du jeune et on les couvrait d’un tissu pour exprimer
que celui-ci était déjà entré dans l’âge adulte. Dans les deux
cas, les cheveux attachés et ceints d’une couronne étaient le
symbole d’un homme adulte. La qualité de la couronne dépendait
du statut social, de la situation économique, etc.
Les cheveux attachés et fixés
par une épingle : le signe d’une femme adulte
Dans l’Antiquité, les jeunes filles
devaient subir la cérémonie
de l’épingle lorsqu’elles atteignaient 15 ans ; on les considérait
alors en âge de se marier. Elles enroulaient leurs cheveux en
chignon et les fixaient à l’aide d’une épingle. La mode du chignon
variait souvent, soit par la forme ou par la position. Le port
du chignon par les dames et les jeunes filles de la noblesse donnait
la tendance de la mode. À l’époque des Tang (618-907), la vie
aisée a permis aux femmes d’élaborer des coiffures magnifiques
et imposantes et de commencer à porter la perruque. Pour magnifier
encore davantage leur chignon, les femmes lui ajoutaient une perruque
décorée de toutes sortes de parures d’or, d’argent, de perles,
de fleurs, voire même de simples peignes en bambou et en bois.
Pour les Anciens, les cheveux
sont précieux comme la prunelle des yeux
Confucius a dit : «
Le corps, la peau et les cheveux sont un don des parents ;
les protéger et ne pas leur faire de mal constituent le premier
devoir de la piété filiale ». Cette phrase nous permet donc
de constater que les Anciens avaient une haute considération pour
les cheveux qui, selon eux, reflétaient souvent la physionomie
et même les qualités morales d’une personne.
Une tenue vestimentaire négligée
était toujours considérée comme une impolitesse et une honte.
Un jour, dans le chaos causé par une guerre, le cordon attachant
le chapeau de Luzi, disciple de Confucius, a été coupé, et Luzi
s’est écrié: « Je peux mourir, mais mon chapeau doit bien
tenir ». Au moment où il mettait de l’ordre dans ses cheveux
et s’occupait de son cordon coupé, il fut tué.
Pour augmenter sa confiance en
soi, Cao Cao (155-220), un militaire et le héros de l’Hitoire
romqncée des Trois Royaumes, ordonna de ne pas saccager
les champs lors d’une incursion guerrière en vue de la prise du
pouvoir, à défaut de quoi les coupables seraient décapités. Un
jour, au moment d’une campagne, le cheval que Cao Cao avait capturé
eut peur et piétina les pousses dans les champs. En vertu de l’ordre
qu’il avait donné, Cao Cao aurait dû se voir infliger la peine
capitale. Comme il devait commander les troupes, il ne pouvait
pas être décapité, mais il coupa ses cheveux à la place. Ce geste
montre que, à l’époque, les cheveux étaient
précieux comme la vie.
Les cheveux ou la tête ?
Quasi un choix de vie et de mort
Les Chinois n’auraient pu imaginer
que, dans l’histoire, une coiffure se transformerait en
calamité.
En 1644, les Mandchous fondèrent
la dynastie des Qing et prirent en main le gouvernement de la
Chine. Pour consolider le pouvoir pris par une faible minorité
et assurer le pouvoir sur les Han qui représentaient la majorité
de la population chinoise, la cour des Qing effectua un contrôle
sévère à leur égard. La cour fermait la porte aux influences
extérieures et, à l’intérieur, elle éliminait celles de la dynastie
des Ming. En juin et en
juillet 1645, à deux reprises, la cour promulgua une ordonnance
par laquelle elle demandait à tous les hommes d’adopter la coiffure
et la tenue de l’homme mandchou et sanctionnait sévèrement ceux
qui s’y refusaient. La coiffure des hommes mandchous ne ressemblait
pas à celle de Ronaldo. On rasait le devant de la tête pour ne
garder des cheveux qu’à l’arrière, en vue de les tresser en une
natte. Cet ordre eut les répercussions suivantes : «
On devait garder les cheveux de celui qu’on allait décapiter et
s’il n’était pas décapité, on devait lui raser les cheveux ».
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Brique
Les femmes en voyage de
la dynastie du Sud et du Nord (420-589). |
Malgré cet ordre rigoureux, il
y eut bon nombre d’opposants inflexibles qui menèrent une lutte
acharnée. À l’époque, il y eut même un soulèvement au sud du Yangtsé
pour protéger les cheveux. Sous la domination des Qing, durant
260 ans, 50 % des Chinois ont été rasés pour adopter cette coupe
de cheveux. Le triste de l’histoire, c’est que la coiffure et
l’habit des Qing enchaînèrent en quelque sorte les esprits et
empêchèrent le progrès et le développement de la société.
Dans les dernières années des Qing,
la révolution des Taiping se répandit dans presque toute la Chine.
Dans le programme du Royaume céleste des Taiping, il y avait le
rétablissement de la coiffure des Han. Malheureusement, les cheveux
et les têtes des révoltés furent coupés sans pitié sous la répression exercée par le gouvernant. Bien
que les dominants de la dynastie des Qing eussent gardé leur natte,
ils n’en ont pas moins perdu finalement leur trône.
Après la victoire de la Révolution
de 1911, les révolutionnaires coupèrent sans aucune distinction toutes les nattes qui pendaient aux nuques
des hommes, même celles des Mandchous. La dynastie mandchoue des
Qing, qui avait opprimé les autres ethnies avec sa coiffur,e a
finalement récolté ce qu’elle avait semé. Il est bien étonnant
que le cycle de l’histoire, illustré par le cycle des événements
liés aux « coupes de cheveux », ait coïncidé avec la
grandeur et la décadence d’une dynastie. C’est la conséquence
inéluctable du déroulement de l’histoire. On ne peut arrêter le
développement et le progrès de la société.
Une longue histoire peut parfois
compliquer des choses simples. La nature a donné des cheveux à
l’être humain. C’est un phénomène de caractère purement physiologique,
mais dans la longue marche de l’histoire, les cheveux
ont parfois pris une couleur politique et ils ont été marqués
par les époques. Heureusement que toutes ces conceptions ridicules,
décadentes et bornées ont changé !
Désormais, les cheveux
sont considérés comme un élément de la beauté de l’être
humain et ils enrichissent la vie par la diversité de leur coiffure.