De
capitale en capitale
LOUISE
CADIEUX
Quand
on vit à Beijing, la capitale du pays, on a parfois l’impression
que tout ce qui est important s’y passe. C’est toutefois oublier
qu’à l’heure actuelle, en Chine, de nombreuses capitales provinciales
se modernisent et se métamorphosent à vue d’œil. Pour ce faire,
ces villes se parent comme des belles et s’animent pour courtiser
les investisseurs étrangers et les touristes qui apportent capitaux
et devises, gage d’une prospérité croissante et d’une vie meilleure.
Une mission de travail au
Henan m’a fait reprendre conscience qu’il y a Beijing…et d’autres
capitales.
Zhengzhou,
capitale d’une province stratégique
 |
L’atmosphère
de fête qui règne au Centre des expositions internationales
Zhongyuan à l’ouverture de la foire économique et commerciale
du Henan. |
Descendre du train à Zhengzhou,
capitale de cette province du Centre de la Chine, après huit heures
de trajet, c’est poser le pied dans une province habitée par quelque
95 millions de personnes. Déjà là, l’expérience vaut la peine
d’être vécue! Bien sûr, Zhengzhou ressemble un peu à toutes les
villes qui portent le titre de capitale --bâtiments administratifs et gouvernementaux
en grand nombre, avenues larges et bien propres, fonctionnaires
polis et légèrement guindés-- mais au moment de ma visite, la
ville offrait l’animation bon enfant des jours de foire. Des ballons
multicolores flottaient un peu partout, les banderoles de bienvenue
décoraient le devant de nombreux bâtiments, les hôtels bouillonnaient
d’activités; en fait, les gens semblaient tous mobilisés pour
accueillir avec le sourire ceux « venus d’ailleurs ». La raison :
pendant quatre jours, on tenait la Foire économique et commerciale
du Henan, afin d’attirer les investisseurs à s’y établir. J’ai
donc vécu de près ce qui y était à l’ordre du jour et suivi la
horde des visiteurs.
Savoir
séduire et convaincre
Pour une province ou une ville
chinoise, vanter ses mérites et se démarquer des autres qui font
de même, cela semble, à première vue, un exercice qui relève du
défi. Pourtant, les Chinois, fin maîtres de l’art des négociations
commerciales, ont mis au point un procédé qui a fait ses preuves.
On organise des foires commerciales dans lesquelles entreprises
et investisseurs se rencontrent, non seulement dans le cadre d’une
exposition commerciale conventionnelle avec stands, produits et
négociations, mais également dans celui, plus large, de visites
touristiques et de rencontres personnelles où prévaut une atmosphère
décontractée. Dans ce contexte, les intéressés arrivent à mieux
se connaître, à juger de la pertinence ou non d’une coopération
mutuelle, sans négliger les facteurs plus objectifs qui décident
de l’investissement. À
raison, on croit que les capitaux fructifient non seulement dans
un terreau fertile, mais aussi dans un environnement amical. La
foire qui s’est tenue à Zhengzhou correspondait bien à ce modèle
et montrait que la ville est devenue une capitale fière et moderne.
Pour l’occasion, quelque 2 000
investisseurs du pays et de l’étranger et plus de 350 journalistes
étaient rassemblés au Centre des expositions internationales Zhongyuan
afin d’y entendre, de la bouche même des hauts dirigeants de la
province, les derniers détails de la situation de développement
et les objectifs du Henan. On y a présenté plus de 210 projets
clés en attente d’investissements dans les domaines de l’agriculture,
de la médecine, des transports, de la bio-ingénierie, de l’électronique
et des nouveaux matériaux. Puisque, jusqu’à maintenant, l’ouverture
sur l’extérieur semble avoir porté ses fruits, les dirigeants
ont aussi exprimé leur détermination à l’accentuer. Grâce à elle, on désire trouver, outre les capitaux,
les ressources en gestion et en marketing qui manquent à la province.
Selon les dires de Li Keqiang, son gouverneur, le Henan possède
ses propres avantages de développement par rapport aux provinces
côtières plus développées : vaste bassin de main-d’œuvre
et de consommation avec une densité de population rarement vue
dans le monde; abondantes ressources minérales (plus de 150 types)
et bonnes ressources en électricité (près de 1 500 cours
d’eau), riche agriculture dont l’importance est primordiale dans
l’ensemble du pays. En outre, la position centrale de la province
entre l’Est et l’Ouest sert de pont entre ces deux régions du
pays, et son réseau de transport connaît un développement fulgurant.
Avec un PIB de 68,2 milliards de dollars et un taux de croissance
de 10 % en 2001, des chiffres qui parlent d’eux-mêmes, et plus
de 6 900 entreprises étrangères déjà établies, est-il vraiment
besoin de présenter les attraits touristiques et historiques du
Henan pour mieux convaincre les sceptiques? Les dirigeants l’ont
cru bon et nous ont fait visiter quelques-uns des sites renommés
de la province.
Une
histoire ancienne, des présentations modernes
 |
Le
bâtiment moderne du Musée provincial du Henan à Zhengzhou. |
Le
Musée provincial du Henan à Zhengzhou.
C’est l’antithèse des musées qui sentent le renfermé et la poussière :
c’est un bâtiment moderne, ouvert et aéré qui présente bien ses
trésors (affichettes en anglais et guides bilingues qui s’enquièrent
du niveau de compréhension des non initiés).
C’est le musée de Chine ayant la plus grande superficie,
et ses reliques
 |
L’aiguière
en bronze des Printemps et Automnes, ornée de lotus et de
grues, une des fiertés du Musée provincial du Henan. |
couvrent toutes les époques.
On peut facilement y passer une couple d’heures à admirer la vaste
collection de bronzes, porcelaines, jades et reliques (plus de
100 000 pièces présentées dans sept sections) déterrés dans
le sol du Henan, berceau de la nation chinoise, et à écouter un
concert de carillons et
d’instruments de musique de l’époque des Xia et des Shang ( XXIe
siècle- XIe siècle av. J.-C.). Quelques reliques font
particulièrement la fierté du musée, dont les plus anciennes
et les plus grosses porcelaines découvertes en Chine, une aiguière
en bronze carrée, très haute et lourde, découverte en 1928, qui
est l’objet le plus précieux conservé au musée, ainsi que la première
pierre à encre avec inscription de Chine. En attendant de pouvoir
vous rendre en personne au musée, pourquoi ne pas le visiter d’un
simple clic ?
(http : // www.chnmus.net.)
Le
temple de Shaolin et son institut de wushu.
S’il y a un endroit du Henan qui est connu dans le monde entier,
c’est bien celui-là, surtout depuis le grand succès du film Tigre
et Dragon qui a
mis en vedette le savoir-faire enseigné par les moines de Shaolin.
On considère ce temple comme le lieu de naissance du wushu,
une facette unique de la culture chinoise traditionnelle, gardée
vivante de génération en génération par les moines de Shaolin.
À voir la démonstration de leurs prouesses et de leurs contorsions
qui transforment leur corps tantôt en tigre, en singe, en serpent
ou en dragon, ainsi que la discipline des mouvements de groupe,
je me suis émerveillée, bien sûr, mais j’ai été surtout marquée
par la
 |
Démonstration
d’arts martiaux au temple Shaolin. |
maîtrise de l’énergie que cela
présuppose. Quant à l’institut de wushu, il se consacre à la formation
de jeunes, venus du monde entier, et il en fait des maîtres de
la discipline. La quantité de prix que ses élèves ont remportés
témoigne de la qualité de la formation qui y est dispensée
Nous en mettre plein la vue?
Oui, le temple le fait; mais il nous réserve également une promenade
agréable dans la forêt de pagodes (plus de 240) où sont gardées
les cendres des grands maîtres du temple..
Luoyang,
la « fine fleur » des capitales
Le cap a ensuite été mis vers
Luoyang, cité emblématique des pivoines. Cependant, il ne faut
pas oublier que Luoyang a aussi été une ancienne capitale :
à partir de 770 av. J.-C., neuf dynasties l’ont choisie. Puis, du VIe
au Xe siècle, la
ville a été non seulement une métropole nationale, mais également
l’une des villes les plus prospères du monde. Aujourd’hui, Luoyang
conserve une fierté certaine de son passé célèbre et, sans oublier
son développement industriel, elle mise beaucoup sur l’omniprésence
de ses monuments historiques et de ses sites pittoresques.
Au moment de ma visite, la fête
internationale annuelle des pivoines battait son plein. Pour admirer
ces « belles », il fallait parfois jouer du coude, tant on se
pressait de partout pour se faire photographier, dessiner, peindre,
humer ou simplement admirer les pivoines blanches, roses, jaunes,
vertes (eh, oui!) et noires. Quoi de plus normal! Bien que, dit-on,
la ville compte plus de deux millions de pivoines de quelque 500
espèces, leur beauté est éphémère et chacun se disait fort probablement
qu’il serait bien dommage d’avoir à attendre l’année suivante
pour se réjouir de la vue de ces fleurs magnifiques.
Le
temple du Cheval blanc. C’est le premier
temple bouddhique à avoir été construit sur le sol chinois, il
y a 1 900 ans. Son nom tire son origine d’une légende selon
laquelle les livres canoniques auraient été transportés de l’Inde
vers la Chine sur un cheval blanc, histoire immortalisée par le
roman Le Voyage vers l’ouest.
Outre son importance historique, le temple constitue un bel exemple
d’ensemble architectural antique. Fait intéressant, les bâtiments
des Ming et des Qing sont érigés à l’endroit original de la construction
du temple.
 |
Les
grottes de Longmen, inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO. |
Les
grottes de Longmen. Inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2001, ces grottes
constituent l’attrait majeur de Luoyang. Situées à 13 km du centre-ville,
en bordure de la rivière Yi, ces grottes sculptées à flanc de
falaise, sur un kilomètre, constituent l’un des trésors de l’art
bouddhique. Leur construction a débuté en 493 et s’est échelonnée
sur plus de 400 ans. On y dénombre plus de 2 000 grottes abritant
100 000 statues. La plus grande mesure 17,4 mètres, la plus
petite, 2 cm. Certaines
d’entre elles sont particulièrement dignes de mention. On dit
que 800 000 ouvriers auraient travaillé pendant vingt ans
pour compléter la statue de Sakyamuni de la grotte Binyang. La majestueuse grotte Fengxian
est celle ayant la plus grande valeur artistique, la grotte Yanfang
contient plus de 140 prescriptions de médecine traditionnelle
chinoise sur pierre et la grotte aux 10 000 bouddhas, plus
de 15 000 statues. J’avais visité ces grottes, il y a cinq
ans, et j’en avais gardé le souvenir d’un lieu où l’environnement
était naturel. Cette fois-ci,
j’ai été agréablement surprise de constater que l’affluence accrue
des visiteurs est bien gérée : les inévitables boutiques
de souvenirs ont été regroupées en dehors du site proprement dit,
et, du parking, des voiturettes motorisées font constamment la
navette vers les grottes, ce qui assure des déplacements rapides
et pratiques et permet aux visiteurs de garder leur énergie pour
la visite.
De retour à Beijing, je crois
toujours que ma visite au
Henan a été capitale à bien des points de vue. Sans jeu de mots
facile, je peux dire qu’elle m’a ouvert les yeux sur l’énergie
millénaire qui se dégage de cette province, énergie qui se déploie
maintenant à moderniser ce berceau du pays.
(Photos fournies par l’auteur
et par le gouvernement provincial du Henan.)