La
rénovation du Palais impérial
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Discussion sur un ouvrage controversé
YANG
RUICHUN
Le film Le
dernier empereur, du réalisateur italien Bernardo Bertolucci,
a très certainement marqué
bien des spectateurs occidentaux car beaucoup de ceux-ci font
preuve d’un vif intérêt à visiter la Cité interdite (Palais impérial),
grandiose et pleine de mystère.
En effet, dès les premiers jours
de l’ouverture du Palais impérial aux visiteurs, le lieu a été
l’un des favoris des touristes chinois et étrangers. Ce palais,
de plus de 500 ans et où ont vécu vingt-quatre empereurs des dynasties
des Ming (1368-1644) et des Qing (1644-1911), est un grand vestige
de la culture chinoise. Son rayonnement historique et culturel
fascine les visiteurs qui n’ont de cesse de s’extasier. Il y a
cent ans, un Américain a décrit ainsi le Palais impérial :
« Vous êtes touché par tout ce que vous y voyez. Il a une
beauté particulière et bouleversante. »
C’est le complexe de palais antiques
le plus grand et le plus complet du monde, et il accueille chaque
jour un grand nombre de visiteurs chinois et étrangers. Seulement
en 2001, le Palais impérial en a reçu huit millions.
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Les
têtes des dragons ont été réparées. |
À la dernière décade de mars dernier,
les travaux complets de rénovation du Palais impérial, qui ont
été le sujet des discussions durant plusieurs années, ont été
officiellement amorcés. M. Jin Hongkui, vice-directeur du service
de protection du patrimoine culturel, relevant du Bureau d’État
de l’administration des musées et du patrimoine culturel, est
fort confiant : « Nous espérons que, d’ici à 2008, le
Palais impérial subira une grande métamorphose. Nous avons devant
nous un magnifique complexe de bâtiments antiques, mais après
la rénovation, il n’aura l’air ni délabré ni flambant neuf. »
Dans ce grand ouvrage, le projet
de construction d'un pavillon souterrain moderne, destiné à exposer
des millions de reliques, a suscité l’attention des experts en
patrimoine et en architecture antique et ceux des divers milieux.
En peu de temps, une foule de questions ont fusé de partout :
Quelle est la valeur du pavillon d’exposition ? Défigurera-t-il
la structure originale et le style du Palais impérial ? Comment
préserver ces vestiges
de la civilisation humaine ?
Des années dans
les cartons
Ce projet de construction d'un
pavillon souterrain a été élaboré dès 1994. La cour Shangsiyuan,
près de Donghuamen, a alors été choisie comme emplacement du pavillon.
Cette cour est l’ancienne écurie de la famille impériale. Actuellement,
hormis un mur, il n’y a aucun édifice. C’est le terrain vacant
le plus grand du Palais impérial. En 1988, l’administration du Palais
impérial a confié à l’Institut d’études de la prospection de Beijing
la tâche des levés sur cet emplacement. L’exposé technique a révélé :
« La couche de sol est homogène et sa texture est bien serrée.
Le sol a une haute charge d’appui. On n’a trouvé aucun sol de
mauvaise qualité. Il a peu d’influence sur les bâtiments antiques
voisins. »
La construction d’un pavillon d’exposition
souterrain a pour but de résoudre le dilemme entre la protection
des édifices antiques et la collection des objets anciens. Le
Palais impérial en possède environ un million. Toutefois, seulement
1 % de ces objets sont exposés et 99 % sont conservés dans un
entrepôt souterrain, de sorte que les visiteurs n’ont pas l’occasion
d’admirer ces précieuses reliques.
Les directeurs du Palais impérial
ont tous été préoccupés par les conditions d’exposition des objets
anciens, vu les problèmes entre la protection des édifices anciens
et l’exposition des reliques. Dans les constructions en bois,
il est parfois difficile d’introduire des équipements modernes
et un système de sécurité. Par exemple, dans le cas de certains
objets d’art spéciaux tels que la soie et la peinture, le Palais
impérial ne les expose pas longtemps. En général, la peinture
et la calligraphie ne sont exposées que pendant vingt jours, un
mois tout au plus, car les rayons ultraviolets peuvent les détériorer.
Les broderies sont plus fragiles et se décolorent sous le soleil.
Dans ce contexte, construire un
pavillon souterrain semble être un projet logique. En 1998, en
interview avec un journaliste, le vice-directeur du Musée du Palais
impérial, M.Tan Bin, a déclaré que la seule façon de
préserver l’aspect original du Palais impérial était d’ouvrir
un pavillon moderne. Ainsi, selon
ses dires, on pourrait offrir une exposition dans des conditions
modernes. Et de poursuivre : « Si ces conditions se
réalisent, le Musée du Palais impérial, qui a plus de 70 ans,
se classera aux rangs des musées modernes de première qualité
dans le monde. »
L’un des concepteurs du pavillon
souterrain du Louvre, le grand architecte Ieoh Ming Pei, a dit
aux experts chinois, lors d’une conférence internationale:
« Tôt ou tard, vous serez obligés de suivre le chemin du
Louvre. »
La construction d’un pavillon souterrain
semblait gagner la confiance de tous. Or, il est curieux que ce
projet n’ait pas démarré en 1998.
Dès lors, il a été ajourné durant des années.
Les
pour et les contre
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Animal
monstrueux en or avec traits en bronze. |
Selon les révélations de certaines
personnes du milieu, ce projet est resté dans les cartons parce
qu’il a affronté les objections des experts en protection des
vestiges antiques et en architecture, non seulement de la part
de gens de l’extérieur du Palais impérial, mais aussi de l’intérieur.
La première raison est que ce projet
nuira non seulement à la disposition originale du Palais impérial,
mais aussi aux constructions anciennes hors terre.
« Ancien veut dire vieilli ;
tout en reconnaissant l’histoire, nous devons aussi le léguer
et, pour ce faire, nous tenons à protéger le Palais impérial et
à le garder intact », dit un vieil expert du Palais impérial
qui veut garder l'anonymat.
En rapport avec les constructions
hors terre, la construction du pavillon souterrain consiste à
ne pas saboter leur aspect original. Toutefois, ce vieil expert
estime que ce défi est à toutes fins pratiques impossible. En effet,
il y aura inévitablement un changement de structure.
Aux yeux des experts du patrimoine
culturel, les vestiges (les ruines) sont des objets anciens: ils
ont également besoin d’être protégés. Dans ce contexte, entamer
des travaux de construction sur des vestiges présente quelque
chose d’irréversible. L’ancien directeur de l’Institut de recherche
des anciennes constructions de Beijing, M. Wang Shiren, estime
que, s’il est obligatoire de construire un pavillon d’exposition,
il vaut mieux le construire hors terre, avec des matériaux légers.
Si, un jour, on n’en a plus besoin, on pourra le démolir. Or,
avec une construction souterraine, il est impossible de remettre
quelque chose en état, les vestiges auront subi une destruction
irréparable.
Néanmoins, que la construction
d’un pavillon souterrain puisse causer des torts à des constructions
antiques reste une chose difficile à comprendre pour beaucoup
de profanes. La cour Shangsiyuan est un terrain vacant qui est
situé à une bonne distance du Palais impérial ; quelles seront
alors les liaisons nécessaires?
Wang Shiren et Fu Qingyuan, ingénieurs
en chef de l’Institut de recherche du patrimoine culturel de Chine,
et quelques experts en architecture ancienne ont répondu à cette
question.
Selon eux, les fondements du Palais
impérial forment une structure complète, composée de sol damé
et de briques de la ville. L’intégralité du fondement a formé
un soutien solide pour les constructions hors terre du Palais
impérial. En dépit de plusieurs tremblements de terre d’importance,
aucun palais principal ne s’est écroulé: la structure du fondement
en est certainement la raison.
Feu M. Shan Shiyuan, expert en
architecture ancienne, avait fait une métaphore : « Le
Palais impérial est comme un jade intact: si vous touchez à une
seule de ses parties, cela en détruira l’intégralité. »
Zhang Kegui, ingénieur et directeur
du service des constructions anciennes du Musée du Palais impérial,
exprime un avis différent. Selon lui, l’opinion selon laquelle
le fondement du Palais impérial est une structure intégrale ne
serait pas entièrement exacte. On a découvert, après avoir fait
les levés, que les fondements d’un groupe de constructions ne
conviennent qu’à ce groupe, et que la disposition des fondements
du bâtiment principal est différente.
Il a encore fait remarquer les
facteurs en faveur de la construction d’un pavillon d’exposition
souterrain. Selon ses dires, on investira ainsi moins de capitaux
dans la décoration extérieure d’un bâtiment et on pourra également
économiser de l’énergie, puisque la température et l'humidité
sont plus constantes qu’en surface.
Actuellement, du côté du Musée
du Palais impérial, il a assuré que la construction souterraine
n’influencera pas les constructions anciennes avoisinantes.
Finalement, ceux qui préconisent
une construction souterraine semblent remporter.
Un
autre point de vue
En plus de la construction du pavillon
d’exposition souterrain, la protection et la rénovation du Palais
impérial ont également attiré l’attention. On s’inquiète des conséquences :
le Palais impérial aura-t-il toujours une place de choix dans
le cœur des gens ? Aura-t-il perdu son style original ?
Il est tellement lourd d’histoire…. En fait, ce souci n’est pas
superflu.
Depuis longtemps, des bâtiments
du Palais impérial ont été occupés par certains secteurs ou boutiques
de tourisme. Selon des employés du Musée du Palais impérial, la
moitié de la zone non ouverte est occupée par une zone de travail.
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Le
mur aux Neuf Dragons composé de 270 tuiles vernissées. |
Actuellement, il manque de bons
travailleurs en peinture à l’huile, en menuiserie et en maçonnerie;
réparer des constructions anciennes exige une grande maîtrise
technique dans ce domaine. L’expert en lavis, Wang Zhongjie, estime
que l’étude est le principe de base dans la préservation des bâtiments
antiques. Le lavis du Palais impérial était différent selon les
époques ; un tout petit défaut peut lui faire perdre son
aspect original. Il ne faut pas peindre le Palais impérial en
neuf, ce serait déformer son aspect, et il faut être prudent dans
la rénovation du Palais impérial qui n’a jamais été réparé.
La description d’un fonctionnaire
du Bureau d’État des musées et des découvertes archéologiques
a rassuré: « Le Musée du Palais impérial fait tout son possible
pour remettre en état tous ses palais, permettre aux visiteurs
d'admirer non seulement les objets antiques et le grandiose des
bâtiments, mais aussi pour trouver comment fonctionnaient les
dynasties féodales, comment vivait la cour impériale. Le Musée
du Palais impérial sera non seulement un spécimen du patrimoine
culturel, mais aussi un support de la culture vivante. »
Jusqu’à présent, diverses discussions
se poursuivent ; quel que soit le point crucial de ce vif
débat, on constate par là que la conscience des Chinois envers
la protection des bâtiments antiques augmente de jour en jour.
Cette conscience provient du respect et de la fierté pour la civilisation
elle-même. Après tout, le Palais impérial est unique au monde.
Faits
sur la Cité interdite
1. La Cité interdite, qui s’appelle
aussi le Palais impérial, a été le palais impérial de deux dynasties :
les Ming et les Qing. Elle couvre 72 hectares et comprend 1 228
bâtiments et 9 999,5 pièces. C’est le complexe
de constructions antiques le plus grand et le plus complet du
monde. Sa disposition architecturale est harmonieuse et symétrique.
L’utilisation de la brique ou de la tuile respecte strictement
le régime féodal, une manifestation de l’autorité suprême de l’empereur.
La Cité interdite, en tant que palais impérial, a vu vivre 24
empereurs de deux dynasties durant 491 ans. La Cité interdite
a enregistré le changement des
années du passé, leur historique, scientifique et artistique.
Dans ce contexte, la Cité a été classée en 1961 parmi les unités
d’État de premier échelon en matière de protection du patrimoine
culturel. En 1987, elle a été classée à la liste du patrimoine
culturel mondial de l’UNESCO.
2. La grande rénovation du Palais
impérial
En mars dernier, on a débuté la
grande rénovation du Palais impérial sous six aspects. Premièrement,
on remettra en état la surface du sol et des voies du Palais impérial,
et on posera des briques d’argile à la place du béton
et du bitume. Deuxièmement, on effectuera la réparation
du Palais de la Vaillance et des palais Shoukang, Cining et du
jardin Cining. Troisièmement, on réparera les caissons, les plafonds
et les cloisons, etc. Quatrièmement, on nettoiera un grand nombre
d’objets en pierre et en bronze à ciel ouvert. Cinquièmement,
on réparera les murs de la ville et ceux de la cour. Finalement,
on améliorera les installations de base désuètes -systèmes de
protection contre l’incendie et systèmes techniques de sécurité-
et on améliorera les conduites d’eau souterraines et le système
d'approvisionnement en électricité.
Yang Ruichun est journaliste de Nanfangzhoumo