JUILLET 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Les thés de l’Anhui, des connus et des moins connus

LIU KAI

Fresque des Liao qui présente le traitement du thé.

LA province de l’Anhui se trouve dans l’est de la Chine et s’étend de 29°41´à 34°38´de latitude Nord  et de 114°54´à 119°37´de longitude Est. Elle est divisée en trois parties par les fleuves Yangtsé (traverse le sud de la province) et Huaihe (s’étend au nord de la province) : le Huaibei, le Jianghuai et le Jiangnan. Le Huaibei offre l’aspect d’une vaste plaine à perte de vue, le Jianghuai se compose de nombreuses collines basses, tandis que le Jiangnan se caractérise par des montagnes noyées de brumes et de nuages. Les deux dernières régions sont connues non seulement pour leurs merveilleux paysages, dont les monts Huangshan, site classé par l’UNESCO comme patrimoine culturel et naturel mondial, et le mont Jiuhua, un des quatre monts célèbres de l’histoire bouddhique, mais aussi comme des régions importantes de production des thés de l’Anhui. En effet, la topographie, le climat et la nature des sols dans le sud montagneux de l’Anhui concourent à former un terroir qui convient parfaitement à la croissance des théiers qui préfèrent les zones au climat chaud et humide avec alternance de soleil et de pluies régulières au cours d’une année.

Historiquement, le théier était cultivé dans les provinces suivantes : Anhui, Fujian, Guangdong, Guizhou, Henan, Hubei, Hunan, Jiangsu, Jiangxi Shanxi, Sichuan, Yunnan et Zhejiang. Ces zones étaient subdivisées en quatre : zone sud, zone sud-ouest, le sud de la région du Yangtsé et le nord de cette région.

De nos jours, les plantations de thé se répandent largement dans l’Anhui. Les zones productrices de thés couvrent principalement les régions suivantes : celles des monts Huangshan et Dabieshan et les basses collines du sud du Yangtsé qui jouissent d’un climat subtropical typique.

D’hier à aujourd’hui

L’histoire du thé de cette province remonte à très loin dans le temps. C’est au règne de Han Xiandi (192-219) que le thé fut introduit du sud-ouest de la Chine, via le Shanxi et le Henan, à l’ouest de l’Anhui.  À l’époque des deux Jin (265 – 420), la culture et la fabrication des thés étaient tellement florissantes qu’apparurent les tributs en thé. Sous les Tang (618 – 907), on y produisai des thés tels que le thé Huangya (manufacturé avec des bourgeons jaunes), le thé Tianzhu, qui doit son nom aux monts Tianzhushan, le thé Yashan, le thé Niueling et le thé Fangcha, etc. Depuis la dynastie des Song du Sud (1127-1279 ), la fabrication des thés célèbres a pris son essor dans la zone montagneuse du sud de l’Anhui et elle a connu son apogée sous les Ming et les Qing (1368-1911)

Licence commerciale de thé délivrée au règne de l’empereur Tongzhi des Qing à la Maison Fang Longxing dans le sud de l’Anhui et Bon de commerce et d’écoulement du thé délivré aux commerçants de thé de l’Anhui par la dynastie des Qing.

La technologie de traitement du thé Songluo de Xiuning, créé au début des Ming, a été renommée à l’échelle des zones productrices de thé, peu après le milieu des Ming, et ce thé est devenu le thé renommé d’alors. Le thé noir Qimen, créé en 1875, s’est démarqué parmi les grands crus chinois, et il s’est imposé comme l’un des trois grands thés noirs au parfum le plus persistant du monde. Grâce à sa qualité, différente des autres thés de la même catégorie, le thé Huoshanya, manufacturé à partir des bourgeons ayant une seule feuille et cueillis avant la chute des « gouttes de pluies » , est devenu le thé réservé exclusivement à l’usage des familles impériales des Ming et Qing. À la fin de la dynastie des Qing, les thés en provenance de Huizhou et Luan ont bénéficié d’une grande réputation, tant en Chine qu’à l’étranger, et ils furent appelés communément « les grands thés Huilu ».

C’est à l’époque couvrant la fin des Ming et le début des Qing que la commercialisation et l’exportation des thés vers l’Europe commencèrent. Les thés exportés en grande quantité étaient les thés de Wuyi et de Songluo. Au milieu des Ming, alors que la demande de thé augmentait en Europe de l’Ouest, des commerçants de thé, venus de l’Anhui, ont été les premiers à faire le commerce du thé avec les étrangers, et c’est eux qui ont exploité le « Tunlü » et le thé noir « Qimen », qui ont écrit l’époque glorieuse du thé de l’Anhui. Il est clair que l’Anhui a joué un rôle principal dans les thés de Chine depuis les dynasties des Ming et des Qing. Cela s’explique tant par la meilleure qualité du thé de cette province que par l’influence favorable qu’a exercée l’administration des pouvoirs et du marché d’alors. En d’autres mots, le développement des thés offerts en tribut a été promu et stimulé par les gouvernements anciens, tandis que leur commercialisation a été accélérée par la demande accrue et les bénéfices tirés des opérations commerciales des commerçants de thé de l’Anhui. À la fin du XIXe siècle, les thés provenant de l’Anhui vendus à l’intérieur du pays ne représentaient que 10-20 %, mais le volume de leur exportation occupait 80-90 %.

Les thés spéciaux 

Trois thés sur les dix grands thés renommés en Chine proviennent de l’Anhui : Huangshan Maofeng, Luan Guapian et le thé noir Qimen.

Le Huangshan Maofeng  est originaire des monts Huangshan, site touristique très connu pour ses forêts verdoyantes, ses eaux limpides, son climat tempéré et son sol fertile.

Dans ces lieux, les théiers vivent dans un vrai paradis : nuages, brumes, air frais, pluies abondantes et léger ensoleillement qui donnent des feuilles épaisses, résistantes au vieillissement et qui développent un parfum exceptionnel.

Au début, le Huangshan Maofeng était originaire des sommets du Sourcil (en chinois, Meimao). Dans les Notes sur le thé de Xu Cishu des Ming, on peut lire : « Huangshan Maofeng rivalise avec le thé Longqing ». En 1959, il est devenu un des dix grands thés de Chine.

Le Luan Guapian a plus de 300 ans d’histoire. Il fut, durant les dynasties des Ming et des Qing, un thé de tribut. Sur la liste des aliments destinés à l’impératrice douairière Cixi, il est écrit expressément qu’il fallait lui fournir 700 g de Luan Guapian à chaque mois. En chinois, le nom de ce thé signifie « graines de melons » auxquelles ressemblent le thé fini. Les régions productrices de ce thé se répartissent sur les pentes des monts Dabieshan, d’une altitude moyenne de 500 m ; à cet endroit, la couverture forestière atteint 50 %, la température annuelle moyenne, 15,3 ºC et les pluies, de 1 200 à 1 400 mm. De nombreuses plantations se trouvent sur des flancs qui sont noyés en permanence par les brumes et les nuages, ce qui donne de grosses feuilles épaisses qui donnent plusieurs infusions. La caractéristique principale de ce thé tient à ses feuilles « robustes », prêtes à utiliser, alors que dans le cas des autres thés verts, on recherche des feuilles « tendres ». Par exemple, le Huashan Yinhao (Aiguilles d’argent de la montagne Jiuhuasha) fait sa renommé grâce à ses 147 000 (au maximum 170 000) bourgeons terminaux les plus tendres contenus dans un 500g.

Le Luan Guapian a été classé en 1949 parmi les dix grands thés de Chine et est souvent servi par le gouvernement chinois aux hôtes étrangers. On distingue trois niveaux de qualité : le « Tipian », le meilleur, manufacturé avec des bourgeons terminaux plus tendres et cueillis avant le 5 avril ; le « Guapian », la deuxième qualité, fabriqué avec des feuilles situées à proximité des bourgeons terminaux et cueillies avant le 20 avril (gouttes de pluies) et le « Meipian », la troisième qualité, produit avec des troisièmes ou quatrièmes feuilles cueillies avant le mois de juin (Meiyu ou « pluies des prunes »).

Le thé noir Qimen provient du district Qimen. Au cours de l’histoire, il a été un thé rare de Chine que l’on exportait, et on le surnommait l’un des trois grands thés noirs les plus profonds et les plus parfumés du monde. Les deux autres proviennent de Darjeeling en Inde et de Uva au Sri Lanka.

Le thé noir Qimen, une variété de thé fermenté, est réputé pour la couleur ambrée de ses infusions, ses feuilles noires délicates et luisantes, et son goût malté et chocolaté, subtile  original. En 1915, il a remporté la médaille d’Or à l’occasion d’un Salon international qui a eu lieu à Panama. En 1980, il a gagné la médaille d’Or nationale. En 1987, il a remporté pour la deuxième fois une médaille d’Or internationale. L’apparition du thé noir Qimen remonte à plus de cent ans et est devenu un thé d’élite.

La dernière décennie

Des feuilles fraîchement cueillies prêtes à subir le traitement.

Actuellement, dans l’Anhui, les plantations de thé couvrent 0,2 million hectares, le quatrième rang du pays. Sa production de thé atteint 50 000 tonnes par an, soit 9 % du rendement total du pays ou le sixième rang de Chine. Il y a cinq millions de cultivateurs et un million d’opérateurs s’affairant dans la plantation, la production et la distribution du thé, lesquels se répartissent dans 50 villes et districts de l’Anhui. Le volume d’exportation annuel représente de 20 à 30 millions de dollars US.

Le thé noir se vend principalement sur les marchés de l’Europe de l’Ouest, des États-Unis, du Canada et des pays du Sud-Est asiatique. En ce qui concerne le commerce du thé vert, dont le volume commercial mondial est de 80 000 tonnes, la Chine réalise l’exportation de 70 000 tonnes, soit plus de 80 % du volume mondial du thé vert ; pour sa part, la province de l’Anhui exporte 10 000 tonnes par an, soit 15 % du volume d’exportation totale du pays, et les principaux marchés se répartissent sur le continent africain et au Proche-Orient.

Stratégie de développement et mesures adoptées pour le Xe Plan quinquennal

Dans le but de mieux répondre aux exigences de l’évolution du marché mondial et de garder sa position sur les marchés mondiaux, l’Anhui continuera à déployer de grands efforts pour généraliser la culture des théiers de bonnes espèces dans de vastes régions productrices de thé, sur la base de modèles appliqués ailleurs avec succès. La province possède maintenant 29 des meilleures espèces de théiers, dont 19 espèces clonées, lesquelles jouent un rôle déterminant dans le développement de l’industrie du thé. Cependant, pour l’heure, la vulgarisation des espèces clonées en Chine est très modeste (à peine 16 %).

Le 16 septembre 1958, le président Mao Zedong visite l’Usine de thé de la commune Shucha de l’Anhui.

Dans les plantations de théiers, l’Anhui procédera à la culture mixte, ce qui permet non seulement d’assurer l’approvisionnement des feuilles fraîches de thé de bonne qualité, mais aussi de maintenir l’équilibre écologique, de contrôler et d’éliminer efficacement certaines maladies des plantes et ravages des insectes nuisibles. Par exemple, dans la région productrice des monts Huangshan, on a établi un système bio-écologique à trois niveaux : la culture des arbres aux sommets, la création des plantations de thé sur les pentes et la culture céréalière aux pieds des montagnes.

« Les montagnes renommées produisent des grands thés », dit le proverbe chinois. Le thé préféré du président Jiang Zemin provient des monts Huangshan. Il a demandé au premier ministre Zhu Rongji, d’offrir des thés fabriqués dans ces monts à M. Gu Yuxiu, son ancien professeur de l’Université Jiaotong de Shanghai, au cours de sa visite officielle effectuée en 1999 aux États-Unis.

La province développera vigoureusement les thés organiques et non polluants, mettra en oeuvre une stratégie verte afin d’offrir des denrées alimentaires saines. Ces dernières années, l’Anhui s’est aperçu à ses dépens que les consommateurs des pays importateurs ne sont nullement disposés à accepter la présence de résidus de pesticides dans les thés, et la province a mis en place une série de mesures à cet effet : faire prendre conscience aux cultivateurs et aux producteurs de thé de l’importance et du rôle de la stratégie verte, renforcer le contrôle et la surveillance de l’utilisation de pesticides par une mise à jour de la législation et de la  réglementation au niveau provincial.

Dans le district Xiuning relevant de la ville de Huangshan, on a l’objectif d’y implanter, à l’essai, la culture de thé organique de la plus grande envergure, autant au niveau provincial que national. Le district est maintenant le plus grand cultivateur de thé organique du pays avec ses 206 hectares de plantations de théiers organiques, certifiés par le Centre de certification du thé organique au sein de l’Institut national de recherche sur les thés de Chine. Finalement, pour garder à l’Anhui sa position sur le marché mondial du thé, outre ces mesures, on y applique le système international de certification de la qualité pour mieux contrôler la qualité dans les divers processus, de la production à la distribution.

Liu Kai travaille à la Société générale d’importation et d’exportation des thés de l’Anhui.