Comment 
                mon chat a survécu à la modernisation…
              GUO 
                LI
              
                
                    | 
                
                
                  | Qui pourrait résister 
                    à ce minois? | 
                
              
              HIER, je suis allé récupérer 
                mon chat que j’avais malencontreusement abandonné lors de mon 
                déménagement. Il faut dire qu’alors, tout était passablement pêle-mêle, 
                vu qu’on avait commencé à démolir ma vieille demeure. J’habitais 
                dans un vieux quartier de l’arrondissement Chaoyang, dans l’est 
                de Beijing. On y trouvait des vieilles maisons délabrées, séparées 
                par des petites ruelles ; dans ce quartier, vivaient des 
                gens du peuple auxquels se mêlaient quelques artisans et petits 
                commerçants. C’est il  y 
                a un an qu’on avait annoncé qu’on démolirait pratiquement tout 
                ce vieux quartier.
              La modernisation, 
                ça dérange
              Mon chat est un chaton blanc, 
                fidèle à son maître et très vif devant les inconnus à qui il lance 
                des miaulements en signe de salutations. Comment avais-je pu le 
                laisser dans une maison qu’on allait démolir!
              Le jour fatidique, nous étions 
                occupés par le déménagement car on devait absolument quitter rapidement 
                pour céder la place à ce qui allait être la nouvelle construction 
                urbaine: immeubles à appartements modernes, supermarchés, espaces 
                verts, routes... Ces dernières années, un million de m² de maisons 
                délabrées sont démolies chaque année en vertu du programme d’aménagement 
                global de l’environnement urbain de Beijing. Mon chat et d’autres, 
                probablement terrifiés par le vrombissement des moteurs et le 
                va-et-vient des transporteurs, se sauvèrent.
              En effet, mon chat n’a  pas été le seul abandonné par son maître. J’en 
                ai vu plusieurs autres qui étaient accroupis sur le toit de maisons 
                qui attendaient d’être démolies, le lendemain. Ils avaient l’air 
                affamé et angoissé. Leurs miaulements désespérés me semblaient 
                des appels à l’aide. On dit qu’il y a eu cinq chats qui sont morts 
                de faim.
              « Salut! Lao Shi, tu 
                cherches ton chat? », me lança mon collègue Ping, un retraité 
                et ancien habitant de ce vieux quartier, en venant à ma rencontre.
              « Oui, où est-il? Le 
                sais-tu? », lui dis-je.
              Il me répondit que les chats 
                abandonnés se cachent souvent dans les ruines de la maison où 
                ils avaient vécu, espérant retrouver leur propriétaire.
              Suivant son conseil, j’ai 
                donc retrouvé sans peine mon chat qui, en sursautant, sortit de 
                son « chez soi » et courut vers moi en me voyant.
              
                
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                  | Enfants et animaux 
                    apprennent à se connaître. | 
                
              
              M. Ping portait dans ses bras 
                deux chats inconnus qu’il venait lui aussi de récupérer. Il me 
                dit, compatissant: « Les animaux de compagnie sont des êtres 
                vivants comme nous. Ils ont le droit de vivre. Ils ne remplacent 
                pas une présence humaine, mais ils peuvent diminuer l’angoisse 
                de la solitude des personnes qui ont perdu leurs principaux centres 
                d’intérêt et d’occupation et qui se trouvent brutalement plongées 
                dans un vide qu’elles n’arrivent pas à combler ».
              « C’est vrai, lui répondis-je, 
                la présence d’un animal et l’attachement qu’on a pour lui est 
                un bon réconfort psychologique ».
              M. Ping s’opposait d’une manière 
                opiniâtre à la démolition du quartier car il y possédait une maison 
                qu’il avait héritée de son père, et son père de son grand père. 
                Surtout, il ne voulait pas quitter son jujubier, vieux de plus 
                de 80 ans et planté par ses ancêtres. Cet arbre et la famille 
                Ping semblaient enracinés dans cette terre, comme si la modernisation 
                n’avait rien à voir avec eux. Pour lui, la modernisation était 
                le symbole de l’extinction des animaux et des forêts, de la pollution 
                environnementale, de la destruction de l’environnement écologique. 
                C’est pourquoi, à ce jour, sa maison se dresse encore à côté de 
                son jujubier, la seule au milieu des ruines, mais pour combien 
                de temps ?
              La modernisation, 
                une étape nécessaire
              
                
                    | 
                
                
                  | Les toits, un refuge 
                    pas toujours sûr en période de modernisation! | 
                
              
              L’opiniâtreté de M. Ping n’a 
                pas pu tenir bien longtemps. Il a finalement accepté de déménager 
                car on lui a promis de préserver son jujubier et de lui fournir 
                un logement plus spacieux que celui qu’il avait auparavant.
              Il a pris cette bonne décision, 
                justement le 13 juillet dernier, en soirée, au moment où tout 
                le monde  descendait dans 
                la rue et que Beijing était en effervescence, du fait de la victoire 
                de sa candidature aux Jeux Olympiques de 2008. Il a pris conscience 
                de la nécessité de rénover la ville avant ce grand événement.
              Selon le programme global, 
                Beijing devra être verte, high-tech et humaine: les maisons délabrées 
                seront démolies, les espaces à découvert, reboisés, les eaux usées, 
                recyclées, les rues, élargies; même l’énergie solaire sera utilisée 
                pour l’éclairage et la dépollution...
              « Au revoir, Lao Shi, 
                je vais voir mon jujubier, j’espère qu’il est en bonne santé », 
                me dit M. Ping, en partant avec ses deux chats récupérés dans 
                son panier de vélo.
              Les hommes, tout comme les 
                chats, savent toujours retomber sur leurs pattes!