Les Yi
L’ETHNIE yi, forte d’une population
de 6,5 millions de personnes, est répandue principalement dans
les provinces du Sichuan, du Yunnan et du Guizhou, ainsi que dans
la région autonome zhuang du Guangxi. C’est dans la préfecture
autonome yi de Liangshan, province du Sichuan, qu’on compte la
plus grande communauté yi de Chine. La plupart des Yi vivent dans
les régions montagneuses, certains à haute altitude, et un petit
nombre dans les plaines et les vallées. Puisque la température
varie selon l’altitude, on dit que c’est pour cette raison que
les Yi sont si différents les uns des autres dans leur façon de
gagner leur vie. Les régions des Yi sont riches en ressources
naturelles, non seulement en charbon mais également en étain,
or, argent, aluminium, manganèse, antimoine et zinc. De vastes
forêts s’étendent dans ces régions et celles-ci abritent de nombreux
arbres à valeur économique. Plantes, animaux sauvages et herbes
médicinales abondent également.
Histoire
La langue yi appartient au groupe
des langues tibéto-birmanes de la famille des langues tibéto-chinoises,
et les Yi parlent également six dialectes. Cependant, de nombreux
Yi du Yunnan, du Guizhou et du Guangxi connaissent le chinois
commun. Historiquement, les Yi avaient une écriture syllabique
appelée vieille langue yi, formée au XIIIe siècle.
L’on estime que cette écriture aurait 10 000 mots, dont 1 000 mots courants. Dans les régions des Yi,
on peut encore trouver des œuvres d’histoire, de littérature et
de médecine, de même que des généalogies des familles dirigeantes
écrites dans cette langue. Aux IIe et IIIe
siècles av. J.-C., les activités des Yi se centraient surtout
au Yunnan et au Sichuan. Par la suite, les Yi prirent de l’expansion
vers le nord-est et le sud du
Yunnan, ainsi que vers le nord-ouest du Guangxi.
Durant les Han de l’Est (25-220),
les Wei (220-265) et les Jin (265-420), les habitants de ces régions
furent appelés Yi, et le caractère associé à ce mot signifiait :
« barbare ». Après la dynastie des Jin, les Yi du clan
Cuan devinrent les maîtres de la région du lac Dianchi, au Yunnan,
et de la rivière Honghe qu’on appela, régions Cuan. Durant les
Tang (618-907) et les Song, (960-1279) les
Yi qui vivaient dans l’est de Cuan furent appelés Wuman.
Durant les Yuan et les Ming (1279-1644), Cuan faisait souvent
référence aux Yi. Après les Yuan, une partie de Cuan prit le nom
de Luoluo, qui tire probablement son origine de Luluman, une des
sept tribus Wuman. Dès lors, les Yi furent souvent appelés Luoluo.
Ce nom s’est perpétué jusqu’aujourd’hui.
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Les parures
en argent des Yi sont très demandées. |
Les Yi ont connu une longue
société primitive à l’âge de pierre et une société matriarcale.
Le patriarcat n’aurait fait son apparition qu’il y a environ 2
000 ans. Autour du IIIe et du IIe siècles
av. J.-C., la société des Yi a commencé à se structurer en classes.
Durant la dynastie des Han, des préfectures furent établies et
le chef des Yi portait le titre de : « roi de Dian ».
Autour du VIIIe siècle, un État esclavagiste appelé
Nanzhao a été établi dans la région du mont Ailao et du lac Erhai,
et les Yi en constituait le groupe principal, avec les ethnies
bai et naxi. Le chef de cet État reçut le titre de Roi du Yunnan.
En 937, l’État de Dali succéda à l’État de Nanzhao qui s’écroula
sous les mouvements d’esclaves et de paysans. Dès lors, le système
esclavagiste des Yi du Yunnan se désintégra. Après le XIIIe
siècle, Dali fut conquis par les Yuan qui établirent une préfecture
régionale et une administration civile et militaire dans les régions
yi du Yunnan, du Guizhou et du Sichuan, et ils nommèrent des chefs
héréditaires pour diriger les locaux. Durant les Ming, des administrateurs
de l’extérieur et des chefs locaux furent employés, certains gouvernements
en ayant même des deux types. À cette époque, de nombreux Han
émigrèrent vers la région. La dynastie des Qing (1644-1911) abolit
le système de nomination des chefs héréditaires et confirma la
nomination d’administrateurs, ce qui raffermit son emprise directe
sur les régions des Yi et mit en place une économie de seigneurs
féodaux.
Après la fondation de la République
populaire de Chine, des districts autonomes yi furent établis
à tour de rôle, soit de 1952 à 1980. La société yi s’est peu à
peu tirée de l’esclavagisme. Des réformes démocratiques eurent
lieu en 1958 et tous les privilèges des seigneurs furent alors
abolis. On distribua les maisons et les outils. D’une société
qui ne possédait à peu près pas d’industries, les Yi ont édifié
une société qui possède maintenant une infrastructure industrielle
en construction de machinerie aratoire, production de fertilisants
et de ciment, mines de cuivre, de fer et de charbon. Les villages
yi possèdent maintenant des systèmes d’éducation et de santé relativement
complets. On a mis à profit la longue expérience de médecine traditionnelle
de cette ethnie, surtout en améliorant ses capacités de transformation.
Le célèbre médicament Yunnan Baiyao, connu mondialement,
(une poudre blanche particulièrement efficace pour traiter les
hémorragies, les blessures et les fractures) a été légué par des
générations de Yi du Yunnan.
Traditions
Pour des raisons historiques
complexes, l’ethnie yi de la région des monts Liangshan
a été stratifiée en quatre groupes : les Nuohuo, les Qunuo,
les Ajia et les Xiaxi. Le rang de Nuohuo était déterminé par les
liens du sang et était permanent, les autres rangs ne pouvaient
se hisser au rang de dirigeants.
Nuohuo, qui signifiait « Yi
noir », était le rang social le plus élevé et comprenait
7 % de la population. Ce groupe contrôlait les membres des autres
groupes et possédait 60-70 % des terres arables. Les Nuohuo étaient
des nobles et ne pouvaient épouser des personnes d’un autre rang.
Qunuo, qui signifiait « Yi
blanc », était le rang social le plus élevé parmi les personnes
sous la férule des nobles et formait 50 % de la population. Bien
que contrôlé par les Nuohuo, ce groupe jouissait d’une relative
indépendance au plan économique et pouvait contrôler les Ajia
et les Xiaxi. Toutefois, les personnes de ce groupe n’avaient
pas le droit de se déplacer sans la permission de leur maître.
Elles ne jouissaient pas d’un droit de propriété complet et devaient
payer des redevances à leur maître si elles vendaient leur terre.
La propriété d’une personne décédée sans enfants retournait au
maître. Bien que les Yi noirs n’eussent pas pu tuer, vendre ou acheter
un Qunuo à leur guise, ils pouvaient les transférer et les offrir
en cadeau. On ne peut donc pas dire que les Qunuo avaient une
identité distincte, en dépit de leur statut d’homme libre.
Les Ajia, qui formaient le tiers
de la population, étaient liés de manière stricte aux Yi noirs
ou aux Qunuo qui pouvaient en disposer à leur guise.
Les Xiaxi formaient le rang
le plus bas et représentaient 10 % de la population. Ils n’avaient
pas de propriété, de droits personnels ou de liberté; ils étaient
considérés comme des outils. Ils s’occupaient des travaux lourds.
Coutumes
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Activités lors
de la Fête des flambeaux, une fête traditionnelle célébrée
au sixième mois lunaire. |
Les 70 000 Yi noirs des monts
Liangshan formaient quelque 100 clans, grands et petits, et parmi
ceux-ci, il n’y en avait environ que dix ayant une population
mâle de plus de 1 000 personnes. Le territoire de chaque clan
était bien délimité par les chaînes de montagne et les rivières,
et on ne tolérait aucune enfreinte à la règle. Le clan ne possédait
pas d’entité administrative, mais chacun avait ses chefs, les Suyi (des anciens responsables
des affaires publiques) et les Degu (des anciens « à
la langue d’argent ») qui étaient les représentants des seigneurs
esclavagistes. Ces derniers jouissaient d’un prestige particulièrement
élevé. Les choses importantes se discutaient durant les Jierjitie
(consultations entre les chefs) ou en Mengge (conférence
générale des membres du clan). En gros, on peut dire que, à titre
d’institution, le clan formait une force qui sauvegardait et supportait
les privilèges des Yi noirs.
Il n’existait pas de loi écrite
chez les Yi des monts Liangshan, mais une loi coutumière qui était
à peu près la même partout. Cette loi reflétait des caractères
moraux et ceux du système des rangs sociaux. Elle sauvegardait
les privilèges du rang et la position dirigeante des Yi noirs,
en énonçant que le régime esclavagiste était un principe entièrement
justifié. Cette loi était très claire : toute enfreinte était
considérée comme un crime et le délinquant, sévèrement puni.
Dans la plupart des régions
yi, on cultivait le maïs, le sarrasin, l’avoine et les pommes
de terre. La production du riz était limitée. Les paysans yi se
nourrissaient de glands, de bananes, de céleri et
d’herbes sauvages à l’année longue. Le sel était rare.
Lors des fêtes, de la viande bouillie avec du sel était un mets
recherché, mais seuls les seigneurs pouvaient en profiter.
Les Yi possédaient des ustensiles
de cuisson typiques, fabriqués en bois ou en cuir, et on en retrouve
encore dans certaines régions. Les assiettes, les bols et les
tasses sont peints en trois couleurs : rouge, noir et jaune,
à l’intérieur comme à l’extérieur, et ces ustensiles sont agrémentés
de motifs de nuages, de vagues, d’œil de bœuf et de dents de chevaux.
Pour boire le vin, on se servait de corne évidée.
Habillement. Le costume ethnique yi est particulièrement varié. Dans
les monts Liangshan et l’ouest du Guizhou, les hommes portent
des vestes noires à manches étroites, fermées à l’oblique sur
le devant, ainsi qu’un pantalon
à plis, large au bas. Dans d’autres régions, le pantalon
est étroit. Sur le crâne, ils laissent pousser une petite touffe
de cheveux de trois à quatre pouces de long, et ils portent un
turban de tissu bleu. L’extrémité du tissu est nouée en forme
de long poinçon étroit qui sort du côté droit du front. Ils portent
également une grosse perle rouge et jaune à l’oreille gauche à
laquelle est attaché un pendant de fil de soie rouge. Les hommes
imberbes sont considérés comme de beaux hommes. Les femmes portent
des vestes brodées ou de dentelle, de longues jupes à plis dont
le rebord est garni de rubans multicolores. Les femmes des Yi noirs avaient l’habitude de porter
des jupes longues jusqu’au sol, les femmes des autres rangs, des
jupes qui n’atteignaient que le genou. Certaines femmes portent
un turban noir, alors que les femmes d’âge moyen ou âgées préfèrent
des mouchoirs carrés brodés dont le devant couvrent le front comme
un diadème. Elles portent également des boucles d’oreille et aiment
à épingler une fleur en argent à leur col. Pour aller à l’extérieur,
les hommes et les femmes portent une sorte de cape de laine appelée
chaerwa. Durant l’hiver, cette cape est doublée de feutre.
Habitation. La plupart des maisons des Yi étaient formées de structures
en bois et en boue, sans fenêtre, qui étaient noires et humides.
La décoration intérieure était simple, avec peu de meubles et
ustensiles, sauf un foyer fabriqué de trois pierres.
Mariage. Des règles rigides étaient énoncées : l’union
devait se faire à l’intérieur d’un même rang mais à l’extérieur
d’un même clan des Yi noirs, lesquels s’en remettaient à la lignée
du sang comme pilier spirituel. Les Yi sont monogames et forment
des familles nucléaires. Au début du XXe siècle, les
mariages étaient habituellement arrangés par les parents.
Dans de nombreux endroits, une femme mariée demeurait dans la
maison de ses parents jusqu’à la naissance de son premier enfant.
Dans d’autres endroits, pour ajouter de la gaieté à l’atmosphère,
on feignait l’enlèvement de la future mariée. La famille du fiancé envoyait des gens dans la famille de la fiancée pour
la ramener sur un cheval dans la famille du fiancé. La fille devait
crier à l’aide et les
membres de sa famille devaient feindre de pourchasser les kidnappeurs.
La nuit de noce, il devait y avoir une bataille entre le marié
et la mariée, héritage de coutumes primitives de mariage. Les
familles patriarcales et monogames
étaient l’unité de base des clans des monts Liangshan. Quand un
jeune homme se mariait, il édifiait sa famille en recevant une
partie de la propriété de ses parents. Dans les familles des Yi,
la femme avait une position inférieure, ne jouissait d’aucun droit
d’hériter. Les Yi respectaient beaucoup le pouvoir des oncles
maternels, et les relations oncle-neveu étaient étroites.
Funérailles.Les Yi des monts Liangshan pratiquaient la crémation
et déposaient ensuite les cendres dans des grottes ou les enterraient.
Après les funérailles, les personnes en deuil utilisaient des
languettes de bambou enveloppées de laine blanche pour fabriquer
des tablettes commémoratives. Trois ans après le décès, ces tablettes
étaient brûlées ou déposées dans un endroit retiré.
Religion. Historiquement, les Yi étaient polythéistes, et ils
combinaient la vénération des ancêtres avec les pratiques bouddhiques
et taoïstes. Les Yi des monts Liangshan vénéraient les dieux et
les esprits, offraient des sacrifices. Leurs pratiques religieuses
étaient présidées par des sorciers.
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Jeunes filles
yi en costume ethnique. |
Fêtes. Le calendrier yi le plus ancien divisait l’année en
dix mois de 36 jours. Le dixième mois marquait la fête annuelle.
Puis, ils ont adopté le calendrier des Han, avec douze mois et
douze animaux pour calculer l’année, le mois et le jour. Dans
le calendrier des Yi, il y avait un année bissextile à tous les
deux ans. Le Nouvel An n’était
pas fixe mais se célébrait habituellement durant le 11e
ou le 12e mois lunaires. On sacrifiait alors du bétail
aux ancêtres. La fête des Flambeaux est une fête traditionnelle
de tous les Yi qui se célèbre autour du 24e jour du
sixième mois lunaire. Durant cette fête, tous les Yi
se promènent dans leur village en tenant un flambeau, font
le tour de leur maison et de leurs champs et plantent des flambeaux
en pin dans les fossés pour
éloigner les insectes. Après cette tournée, les Yi se rassemblent
autour d’un feu de camp, jouent de la guitare de lune (un instrument
à quatre cordes dont la caisse de résonance a la forme d’une lune,
chantent et dansent afin d’implorer une bonne récolte.
Art et littérature. Les Yi ont créé des œuvres littéraires écrites dans
la vieille langue des Yi et des œuvres littéraires folkloriques
léguées de manière orale. Cette
littérature folklorique inclut des poèmes, des contes, des fables
et des proverbes. L’Histoire des Yi du Sud-Ouest et Lebuteyi,
deux œuvres encyclopédiques écrites dans l’ancienne langue des
Yi et qui touchent à la philosophie, l’histoire et la religion,
ont été traduites en langue chinoise commune. Les épopées Ashima,
Le Chant des Axi et Meige sont populaires partout
au Yunnan. On a également publié des œuvres qui reflètent la vie
actuelle des Yi, telles que Le joyeux Jinsha et Daji
et son père. Les chants et les danses des Yi sont très colorés.
Le Joyeux Nuosu en est un exemple typique.