Temples 
                et eunuques des Ming
              HUO JIANYING
              
                
                    | 
                
                
                  | Le 
                    plafond à caissons octogone, incrusté de dragons lovés et 
                    décoré de dessins en couleurs, se trouve à l’intérieur du 
                    pavillon Dabei. | 
                
              
              EN 
                1513 (huitième année du règne Zhengde des Ming), un nouveau temple 
                fut encore inauguré dans un bois touffu de la banlieue de Beijing. 
                L’empereur offrit, en souvenir, un panneau horizontal calligraphié 
                des caractères Dahui et une stèle. Par conséquent, on nomma ce temple Dahui ou Dafo 
                (Grand bouddha).
              La présentation des palais impériaux, livre publié en 1788, dans 
                la 53e année du règne Qianlong des Qing (1644-1911), 
                mentionne : « Le temple Dafo, dans le village Weiwu 
                du canton Xiangshan, à trois li 
                (un li égale ½ km) au nord de la porte Xizhimen 
                de Beijing a été construit par l’eunuque Zhang Xiong au cours 
                du règne Zhengde des Ming. Dans ce temple à double toiture, il 
                y a une statue de 16 m, d'où son nom de temple Dafo. »
              Au 
                cours du règne Jiajing (1522-1567) des Ming, pour aller au devant 
                des désirs de l’empereur Jiajing, un fidèle du taoïsme, l’eunuque 
                Maifu fit construire le temple taoïste Yousheng, à gauche du temple 
                Dafo, et le temple taoïste Zhengwu, derrière. Sur une superficie 
                de 28 ha, cet édifice regroupe 181 pièces qui combinent l’influence 
                du bouddhisme et du taoïsme. 
              Les 
                effets pervers de certains eunuques
              Au 
                milieu et à la fin de la dynastie des Ming, la construction des 
                temples était en vogue. D’après les documents historiques, aux 
                environs de Beijing, il y avait alors plus de mille temples, monastères 
                et couvents bouddhiques. À cette époque, Beijing avait sous sa 
                juridiction deux districts : Daxing et Wanping. Au règne 
                Wanli (1573-1620), le maire du district de Wanping fit une enquête 
                sur les édifices des temples dans sa zone de juridiction (à l’ouest 
                de la rue Qipan de la porte Qianmen à la colline Xishan d’aujourd’hui ), 
                et il classa s les 575 temples. La caractéristique des édifices 
                religieux des Ming était d’avoir été tous construits par des eunuques. 
                Fort probablement, cet état de choses eut des conséquences directes 
                sur la situation sociale et politique de cette dynastie.
              Peu 
                de temps après l’avènement de la dynastie des Ming, l’empereur 
                Zhu Di (1360-1424) commença à confier des postes importants aux 
                eunuques, vu le rôle capital joué par ces derniers dans le coup 
                d’État qu’il avait déclenché. Par exemple, l’empereur Zhu Di confia 
                une lourde responsabilité à l’eunuque Zheng He, pour le grand 
                exploit qu'il avait accompli dans cet événement. Il dirigera une 
                grande flotte lors de sept voyages à l’océan de l’Ouest, ce qui 
                apportera une grande contribution à la navigation chinoise et 
                aux échanges extérieurs. Cependant, d’après la chronique des Ming, 
                contrairement à cette personne, de nombreux eunuques conduisirent 
                l’État et le peuple au désastre.
              Au 
                cours de la Chine féodale, prise du pouvoir et exercice de la 
                tyrannie de temps à autres, par les eunuques se produisirent, 
                surtout dans la dynastie des Ming, ce qui mena directement à l’extinction 
                de cette dynastie. Wang Zheng, Liu Jing et Wei Zhongxian sont 
                les eunuques ayant la plus triste réputation.
              En 
                1449, 14e année du règne Zhengtong des Ming, les nobles 
                Waci dirigèrent leurs troupes et suivirent quatre voies pour attaquer 
                la dynastie. L’eunuque Wang Zheng s’occupait alors des rites et 
                du service du protocole, mais il ne connaissait pas du tout l’art 
                de la guerre. Il tint, sous la contrainte, l’empereur Yingzong 
                qui dirigeait des troupes de 500 000 hommes au champ de bataille. 
                À Datong du Shanxi, ayant eu vent d’un échec peu important au 
                front, il fut pris de panique et battit immédiatement en retraite. 
                En chemin, il demanda à l’empereur de visiter le district Weixian 
                du Hebei, son pays natal, pour faire étalage de ses honneurs et 
                de ses richesses. Par conséquent, l’itinéraire de l’armée fut 
                changé, de sorte qu’à Tumupu, à l’est du district Huilan du Hebei, 
                l’armée ennemie se pointa, encercla les troupes fatiguées des 
                Ming et captura l’empereur, après que ce dernier eut perdu la 
                moitié de sa force de combat. L’eunuque Wang Zheng mourut au champ 
                de bataille.
              Après 
                la capture de l’empereur Yingzong, ce fut son frère qui accéda 
                au trône, et il mit à mort toute la famille de Wang Zheng. Après 
                huit ans de captivité, l’empereur Yingzong revint, ce qui  
                donna lieu à un coup d’État pour remonter sur le trône. 
                En dépit de la réussite de ce coup d’État, dès lors, la dynastie 
                des Ming était rongée dans son ensemble.
              
                 
                    | 
                
                 
                  | Partie 
                    de la structure à l’intérieur du pavillon Dabei du temple 
                    Dafo. Une architecture des Ming originale est chose très rare. | 
                
              
              Avec 
                l’argent qu’il avait extorqué, l’eunuque Wang Zheng construisit 
                l'imposant temple Zhihua, sis dans l’est de la ville de Beijing. 
                Ce temple existe toujours.
              Liu 
                Jing (1451-1510), eunuque des années du règne Zhengde, était appelé « l’Homme 
                de 9 000 ans », titre d’honneur inférieur à celui de l’empereur, 
                « l’Homme de 10 000 ans ». Il s’empara non seulement du pouvoir 
                gouvernemental, mais  dirigea 
                aussi le service secret comme les organismes Dongchang et Xichang. 
                Pour évincer ceux qui ne partageaient pas son opinion, condamner 
                et tuer les fonctionnaires et modifier les lois, Liu fonda l’organisme 
                Neixing (activité pour l’intérieur). Ces trois organismes, qui 
                furent placés au-dessus des organismes gouvernementaux et des 
                lois, pouvaient condamner quiconque à leur gré. Durant cette période, 
                quantité d’innocents furent tués. Pour encourager l’empereur à 
                rechercher les plaisirs, 
                sous prétexte d’augmenter 
                la superficie des champs labourés impériaux, il pilla sans scrupule 
                les champs populaires et établit plus de 300 manoirs impériaux. 
                Le peuple et les fonctionnaires nourrissaient une haine profonde 
                envers cet eunuque qui fut finalement abandonné par tout le monde 
                et condamné à mort pour avoir conspiré
              Wei 
                Zhongxian (1568-1627) se rendit coupable de forfaits horribles. 
                Appelé « l’Homme de 9 000 ans », il commit des méfaits 
                en collusion avec la nourrice de l’empereur Xizong dans le but 
                de dominer les affaires de l’État. Il massacra sans scrupule les 
                membres de la société Donglin et les fidèles de la cour,  
                et il forma une coterie à des fins illicites. Ses acolytes 
                s’étendaient dans tout le pays, de l’intérieur de la cour jusqu'à 
                la frontière, de sorte que tout le monde se sentait en péril et 
                que le peuple était plongé dans la misère. Comme il savait fort 
                bien que ses crimes provoquaient l’indignation publique, Wei fit 
                alors construire des temples un peu partout en vue de se déifier. 
                À Kaifeng, à cet effet, plus de 2 000 maisons populaires durent 
                être détruites et, sur une distance de 5 km, les temples défilaient 
                les uns après les autres. Dans certains de ces temples, la statue 
                de Wei a été modelée dans l’or. Si quelqu’un, homme du commun 
                ou fonctionnaire, entrait dans son temple sans se prosterner, 
                il risquait la condamnation à mort.
              En 
                1627, l’empereur, un jeune plein d’avenir, monta sur le trône. 
                La première chose qu’il fit fut d’éliminer Wei Zhongxian et ses 
                acolytes pour sauver la dynastie des Ming qui se trouvait dans 
                une situation précaire. Toutefois, il était déjà trop tard. Une 
                dizaine d’années plus tard, sous l’attaque des révoltes paysannes 
                dirigées par Li Zicheng et de la troupe des Qing, cette dynastie 
                allait connaître sa ruine.
              Les 
                eunuques des Ming aimaient construire des temples. Premièrement, 
                c’est qu’ayant de l’argent, ils devenaient des hommes puissants 
                et influents pouvant se gagner les faveurs. Deuxièmement, ils 
                voulaient faire plaisir à leur maître, puisque la plupart des 
                empereurs des Ming étaient des fidèles du bouddhisme ou du taoïsme. 
                Troisièmement, c'était pour demander aux dieux et aux immortels 
                de les protéger. Le peuple a beaucoup souffert de cette vogue 
                de construction des temples. Une grande quantité de terres a été 
                occupée. D’après l’enquête de Chen Bang, maire du district Wanping, 
                au cours d’une vingtaine d’années, de la fin du règne Jiajing 
                aux années Wanli, la superficie des terres labourées a été réduite 
                de plus de 4 200 ha, soit plus du sixième du total. Non seulement 
                la terre fut occupée par des temples, mais en plus, le peuple 
                devait nourrir les nombreux moines qui vivaient dans l’opulence 
                et dilapidaient l’argent qu’il lui avaient extorqué. 
              L’histoire 
                du temple Dafo
              Le 
                temple Dafo a été construit par l’eunuque Zhang Xiong. Ce dernier 
                n’a pas laissé un mauvais renom à la postérité, mais il n’est 
                pas un homme ordinaire. Il occupait un poste de haut échelon: 
                la surveillance des rites et du service du protocole, l’annotation 
                des documents officiels et la garde spéciale des secrets d’État ; 
                son pouvoir était souvent plus important que celui du premier 
                ministre. Par conséquent, le modelage de sa statue en cuivre, 
                haute de 16 m, n’a rien d’étonnant.
              Ce 
                grand bouddha fut installé à l’origine dans le pavillon Dabei, 
                seul édifice des Ming qui existe à présent dans le temple Dafo. 
                Donnant sur le sud, cette construction de cinq pièces de largeur 
                et de trois pièces de profondeur est posée sur une terrasse en 
                pierre et est remarquable par sa double toiture couverte de tuiles 
                rondes grises, à motif d’animaux sur le devant. À l’intérieur, 
                le plafond à caissons octogone est incrusté de dragons lovés, 
                et il est décoré de dessins en couleurs. Chaque tenon est orné 
                d’une figurine de dieu.
              Le 
                plus affligeant est que la statue de grand bouddha en cuivre, 
                qui s’y dressait et qui avait subi de dures épreuves durant quelques 
                centaines d’années, a été  finalement 
                détruite par les envahisseurs japonais. À sa place, trois bouddhas 
                en bois représentant Cakyamuni et ses deux disciples, Wenzhu et 
                Puxian, ont été sculptées il y a peu.
              
                
                    | 
                
                
                  | Le 
                    gardien céleste. | 
                
              
              À 
                l’époque de l’exécution de ce grand bouddha, pour protéger cet 
                objet d’art précieux, Zhang Xiong avait fait spécialement modeler 
                vingt-huit statues de dieux célestes des deux côtés latéraux de 
                la terrasse. Bien que ces dieux célestes soient considérés comme 
                des protecteurs puissants dans le monde des bouddhistes, ils n’ont 
                pu que constater la destruction de ce grand bouddha par les Japonais 
                pour fournir le cuivre aux besoins de la guerre. La réunion en 
                un seul lieu de ces divinités, hautes de trois mètres, différentes 
                par l’aspect, la physionomie et l’identité, est chose très rare 
                dans les temples à Beijing. La première statue, à l’est, 
                est le grand empereur des monts de l’Est, qui se distingue par 
                ses pommettes saillantes, ses joues creuses et une paire de crocs 
                acérées qui lui donnent un air sévère et vigoureux. La septième 
                est le gardien céleste de la porte sud du Ciel, vêtu d'une cuirasse, 
                debout de profil, qui présente un air méprisable, avec le sourcil 
                et la barbe rouges. Quant au dieu de l’arbre des conseils, il 
                est plein de bonté et traduit des sentiments affectueux. Les toilettes 
                et les parures font preuve d’une grande variété, jettent encore 
                d’innombrables rayons d’or et leurs lignes sont très naturelles.
              Sur 
                les parois des murs latéraux et du mur nord, on peut voir une 
                série de dessins en couleurs dont le contenu reflète une personne 
                qui fait le bien durant toute sa vie, ce qui touche le Ciel, de 
                sorte que cette personne devient un immortel. Cette fresque, dessinée 
                sûrement par un maître de la dynastie des Ming, traduit parfaitement 
                l’air du personnage.
              Le 
                pavillon Dabei concentre l’architecture, la sculpture et l’art 
                de la fresque. Il est classé dans la liste des objets culturels 
                de Beijing et est protégé depuis 1957. Maintenant, il est considéré 
                comme un édifice précieux de l’art bouddhique.