JUILLET 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Temples et eunuques des Ming

HUO JIANYING

Le plafond à caissons octogone, incrusté de dragons lovés et décoré de dessins en couleurs, se trouve à l’intérieur du pavillon Dabei.

EN 1513 (huitième année du règne Zhengde des Ming), un nouveau temple fut encore inauguré dans un bois touffu de la banlieue de Beijing. L’empereur offrit, en souvenir, un panneau horizontal calligraphié des caractères Dahui et une stèle. Par conséquent, on nomma ce temple Dahui ou Dafo (Grand bouddha).

La présentation des palais impériaux, livre publié en 1788, dans la 53e année du règne Qianlong des Qing (1644-1911), mentionne : « Le temple Dafo, dans le village Weiwu du canton Xiangshan, à trois li (un li égale ½ km) au nord de la porte Xizhimen de Beijing a été construit par l’eunuque Zhang Xiong au cours du règne Zhengde des Ming. Dans ce temple à double toiture, il y a une statue de 16 m, d'où son nom de temple Dafo. »

Au cours du règne Jiajing (1522-1567) des Ming, pour aller au devant des désirs de l’empereur Jiajing, un fidèle du taoïsme, l’eunuque Maifu fit construire le temple taoïste Yousheng, à gauche du temple Dafo, et le temple taoïste Zhengwu, derrière. Sur une superficie de 28 ha, cet édifice regroupe 181 pièces qui combinent l’influence du bouddhisme et du taoïsme.

Les effets pervers de certains eunuques

Au milieu et à la fin de la dynastie des Ming, la construction des temples était en vogue. D’après les documents historiques, aux environs de Beijing, il y avait alors plus de mille temples, monastères et couvents bouddhiques. À cette époque, Beijing avait sous sa juridiction deux districts : Daxing et Wanping. Au règne Wanli (1573-1620), le maire du district de Wanping fit une enquête sur les édifices des temples dans sa zone de juridiction (à l’ouest de la rue Qipan de la porte Qianmen à la colline Xishan d’aujourd’hui ), et il classa s les 575 temples. La caractéristique des édifices religieux des Ming était d’avoir été tous construits par des eunuques. Fort probablement, cet état de choses eut des conséquences directes sur la situation sociale et politique de cette dynastie.

Peu de temps après l’avènement de la dynastie des Ming, l’empereur Zhu Di (1360-1424) commença à confier des postes importants aux eunuques, vu le rôle capital joué par ces derniers dans le coup d’État qu’il avait déclenché. Par exemple, l’empereur Zhu Di confia une lourde responsabilité à l’eunuque Zheng He, pour le grand exploit qu'il avait accompli dans cet événement. Il dirigera une grande flotte lors de sept voyages à l’océan de l’Ouest, ce qui apportera une grande contribution à la navigation chinoise et aux échanges extérieurs. Cependant, d’après la chronique des Ming, contrairement à cette personne, de nombreux eunuques conduisirent l’État et le peuple au désastre.

Au cours de la Chine féodale, prise du pouvoir et exercice de la tyrannie de temps à autres, par les eunuques se produisirent, surtout dans la dynastie des Ming, ce qui mena directement à l’extinction de cette dynastie. Wang Zheng, Liu Jing et Wei Zhongxian sont les eunuques ayant la plus triste réputation.

En 1449, 14e année du règne Zhengtong des Ming, les nobles Waci dirigèrent leurs troupes et suivirent quatre voies pour attaquer la dynastie. L’eunuque Wang Zheng s’occupait alors des rites et du service du protocole, mais il ne connaissait pas du tout l’art de la guerre. Il tint, sous la contrainte, l’empereur Yingzong qui dirigeait des troupes de 500 000 hommes au champ de bataille. À Datong du Shanxi, ayant eu vent d’un échec peu important au front, il fut pris de panique et battit immédiatement en retraite. En chemin, il demanda à l’empereur de visiter le district Weixian du Hebei, son pays natal, pour faire étalage de ses honneurs et de ses richesses. Par conséquent, l’itinéraire de l’armée fut changé, de sorte qu’à Tumupu, à l’est du district Huilan du Hebei, l’armée ennemie se pointa, encercla les troupes fatiguées des Ming et captura l’empereur, après que ce dernier eut perdu la moitié de sa force de combat. L’eunuque Wang Zheng mourut au champ de bataille.

Après la capture de l’empereur Yingzong, ce fut son frère qui accéda au trône, et il mit à mort toute la famille de Wang Zheng. Après huit ans de captivité, l’empereur Yingzong revint, ce qui  donna lieu à un coup d’État pour remonter sur le trône. En dépit de la réussite de ce coup d’État, dès lors, la dynastie des Ming était rongée dans son ensemble.

Partie de la structure à l’intérieur du pavillon Dabei du temple Dafo. Une architecture des Ming originale est chose très rare.

Avec l’argent qu’il avait extorqué, l’eunuque Wang Zheng construisit l'imposant temple Zhihua, sis dans l’est de la ville de Beijing. Ce temple existe toujours.

Liu Jing (1451-1510), eunuque des années du règne Zhengde, était appelé « l’Homme de 9 000 ans », titre d’honneur inférieur à celui de l’empereur, « l’Homme de 10 000 ans ». Il s’empara non seulement du pouvoir gouvernemental, mais  dirigea aussi le service secret comme les organismes Dongchang et Xichang. Pour évincer ceux qui ne partageaient pas son opinion, condamner et tuer les fonctionnaires et modifier les lois, Liu fonda l’organisme Neixing (activité pour l’intérieur). Ces trois organismes, qui furent placés au-dessus des organismes gouvernementaux et des lois, pouvaient condamner quiconque à leur gré. Durant cette période, quantité d’innocents furent tués. Pour encourager l’empereur à rechercher les plaisirs, sous prétexte d’augmenter la superficie des champs labourés impériaux, il pilla sans scrupule les champs populaires et établit plus de 300 manoirs impériaux. Le peuple et les fonctionnaires nourrissaient une haine profonde envers cet eunuque qui fut finalement abandonné par tout le monde et condamné à mort pour avoir conspiré

Wei Zhongxian (1568-1627) se rendit coupable de forfaits horribles. Appelé « l’Homme de 9 000 ans », il commit des méfaits en collusion avec la nourrice de l’empereur Xizong dans le but de dominer les affaires de l’État. Il massacra sans scrupule les membres de la société Donglin et les fidèles de la cour,  et il forma une coterie à des fins illicites. Ses acolytes s’étendaient dans tout le pays, de l’intérieur de la cour jusqu'à la frontière, de sorte que tout le monde se sentait en péril et que le peuple était plongé dans la misère. Comme il savait fort bien que ses crimes provoquaient l’indignation publique, Wei fit alors construire des temples un peu partout en vue de se déifier. À Kaifeng, à cet effet, plus de 2 000 maisons populaires durent être détruites et, sur une distance de 5 km, les temples défilaient les uns après les autres. Dans certains de ces temples, la statue de Wei a été modelée dans l’or. Si quelqu’un, homme du commun ou fonctionnaire, entrait dans son temple sans se prosterner, il risquait la condamnation à mort.

En 1627, l’empereur, un jeune plein d’avenir, monta sur le trône. La première chose qu’il fit fut d’éliminer Wei Zhongxian et ses acolytes pour sauver la dynastie des Ming qui se trouvait dans une situation précaire. Toutefois, il était déjà trop tard. Une dizaine d’années plus tard, sous l’attaque des révoltes paysannes dirigées par Li Zicheng et de la troupe des Qing, cette dynastie allait connaître sa ruine.

Les eunuques des Ming aimaient construire des temples. Premièrement, c’est qu’ayant de l’argent, ils devenaient des hommes puissants et influents pouvant se gagner les faveurs. Deuxièmement, ils voulaient faire plaisir à leur maître, puisque la plupart des empereurs des Ming étaient des fidèles du bouddhisme ou du taoïsme. Troisièmement, c'était pour demander aux dieux et aux immortels de les protéger. Le peuple a beaucoup souffert de cette vogue de construction des temples. Une grande quantité de terres a été occupée. D’après l’enquête de Chen Bang, maire du district Wanping, au cours d’une vingtaine d’années, de la fin du règne Jiajing aux années Wanli, la superficie des terres labourées a été réduite de plus de 4 200 ha, soit plus du sixième du total. Non seulement la terre fut occupée par des temples, mais en plus, le peuple devait nourrir les nombreux moines qui vivaient dans l’opulence et dilapidaient l’argent qu’il lui avaient extorqué.

L’histoire du temple Dafo

Le temple Dafo a été construit par l’eunuque Zhang Xiong. Ce dernier n’a pas laissé un mauvais renom à la postérité, mais il n’est pas un homme ordinaire. Il occupait un poste de haut échelon: la surveillance des rites et du service du protocole, l’annotation des documents officiels et la garde spéciale des secrets d’État ; son pouvoir était souvent plus important que celui du premier ministre. Par conséquent, le modelage de sa statue en cuivre, haute de 16 m, n’a rien d’étonnant.

Ce grand bouddha fut installé à l’origine dans le pavillon Dabei, seul édifice des Ming qui existe à présent dans le temple Dafo. Donnant sur le sud, cette construction de cinq pièces de largeur et de trois pièces de profondeur est posée sur une terrasse en pierre et est remarquable par sa double toiture couverte de tuiles rondes grises, à motif d’animaux sur le devant. À l’intérieur, le plafond à caissons octogone est incrusté de dragons lovés, et il est décoré de dessins en couleurs. Chaque tenon est orné d’une figurine de dieu.

Le plus affligeant est que la statue de grand bouddha en cuivre, qui s’y dressait et qui avait subi de dures épreuves durant quelques centaines d’années, a été  finalement détruite par les envahisseurs japonais. À sa place, trois bouddhas en bois représentant Cakyamuni et ses deux disciples, Wenzhu et Puxian, ont été sculptées il y a peu.

Le gardien céleste.

À l’époque de l’exécution de ce grand bouddha, pour protéger cet objet d’art précieux, Zhang Xiong avait fait spécialement modeler vingt-huit statues de dieux célestes des deux côtés latéraux de la terrasse. Bien que ces dieux célestes soient considérés comme des protecteurs puissants dans le monde des bouddhistes, ils n’ont pu que constater la destruction de ce grand bouddha par les Japonais pour fournir le cuivre aux besoins de la guerre. La réunion en un seul lieu de ces divinités, hautes de trois mètres, différentes par l’aspect, la physionomie et l’identité, est chose très rare dans les temples à Beijing. La première statue, à l’est, est le grand empereur des monts de l’Est, qui se distingue par ses pommettes saillantes, ses joues creuses et une paire de crocs acérées qui lui donnent un air sévère et vigoureux. La septième est le gardien céleste de la porte sud du Ciel, vêtu d'une cuirasse, debout de profil, qui présente un air méprisable, avec le sourcil et la barbe rouges. Quant au dieu de l’arbre des conseils, il est plein de bonté et traduit des sentiments affectueux. Les toilettes et les parures font preuve d’une grande variété, jettent encore d’innombrables rayons d’or et leurs lignes sont très naturelles.

Sur les parois des murs latéraux et du mur nord, on peut voir une série de dessins en couleurs dont le contenu reflète une personne qui fait le bien durant toute sa vie, ce qui touche le Ciel, de sorte que cette personne devient un immortel. Cette fresque, dessinée sûrement par un maître de la dynastie des Ming, traduit parfaitement l’air du personnage.

Le pavillon Dabei concentre l’architecture, la sculpture et l’art de la fresque. Il est classé dans la liste des objets culturels de Beijing et est protégé depuis 1957. Maintenant, il est considéré comme un édifice précieux de l’art bouddhique.