JUIN 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Propos et confidences sur les études à l’étranger

HUANG CAI

Deux lycées de Singapour que Mlle Yang propose aux élèves chinois.

Ces dernières années, de plus en plus de Chinois se rendent au-delà des frontières pour étudier, et beaucoup d’autres voudraient bien suivre les traces de ces pionniers.

Un jour, Mme Wu, une de mes collègues de bureau, me déclara qu’elle était bien décidée d’envoyer Mei, sa fille unique, à l’étranger pour qu’elle y effectue des études supérieures. Mei, l’enfant chérie de sa mère, est encore au lycée et n’a presque jamais quitté ses parents d’une semelle.

Pour aider ma collègue à prendre la bonne décision, je l’ai invitée chez moi, afin qu’elle rencontre mon amie Yang qui a fait des études supérieures à Singapour et qui a fondé, il y a trois ans, sa propre agence d’intermédiaire pour étudiants chinois à Singapour.

Les espoirs de Mme Wu

« Pourquoi es-tu décidée d’envoyer Mei à l’étranger? As-tu peur qu’elle ne réussisse pas l’examen d’entrée dans les universités chinoises ? », lui demandai-je.

« Non, son lycée est parmi les meilleurs de Beijing, et bien que Mei soit une étudiante qui se situe dans la moyenne de sa classe et que l’on ne soit pas certain qu’elle puisse être admise à Beida ou à Qinghua, (les deux meilleures universités chinoises situées à Beijing), elle pourrait facilement être admise dans une autre grande école de Chine après son lycée. »

Mme Wu nous confia que, dans le lycée de sa fille, récemment, plus de vingt élèves étaient allés poursuivre leurs études secondaires à l’étranger. Leur destination : l’Angleterre, l’Australie, le Canada, les États-Unis, la France et Singapour... et l’envie lui était venue d’inciter sa fille à en faire autant. Elle avait choisi l’Angleterre parce que c’est là que les formalités de visa sont les plus simples. Sur ces paroles, elle sortit le programme élaboré pour sa fille : pendant les premiers six mois, Mei allait d’abord suivre des cours d’anglais à Manchester, puis des cours préparatoires pour l’examen d’entrée à l’université. « Je ne peux pas l’obliger d’aller à Cambridge ou à Oxford, mais j’aimerais qu’elle soit admise dans une des meilleures universités anglaises, je crois que c’est possible, vous ne croyez pas ? »

« Au fond, il y a trois raisons pour lesquelles je veux qu’elle étudie à l’étranger », continua Mme Wu.

« Premièrement, je veux que ma fille parle un anglais parfait. Vous savez, avec l’entrée de la Chine à l’OMC, les échanges de notre pays avec le monde extérieur vont se multiplier, et si Mei a une forte capacité en anglais, elle n’aura pas de problèmes pour trouver un bon travail et gagner un bon salaire.

Deuxièmement, je préfère les méthodes et le système d’éducation des pays étrangers. J’ai moins confiance dans le système d’éducation chinois. Dès notre enfance, nous avons cherché à retenir par cœur toutes nos leçons, parfois même sans les comprendre, et à les répéter comme des perroquets. Si c’est une bonne méthode pour l’éducation primaire, je veux que ma fille suive une formation supérieure qui lui apprenne à réfléchir et qui mette l’accent sur les capacités créatives.

Troisièmement, et c’est là le plus important, je voudrais qu’elle acquière de l’indépendance grâce à son séjour à l’étranger. L’enfant unique, c’est un petit empereur dont les parents prennent soin comme des perles ; si l’enfant reste à la maison, les parents, dont je fais partie, sont d’accord de faire tout pour eux, même s’ils sont conscients que ce n’est pas ce qu’ils devraient faire. Aujourd’hui, il est fréquent qu’un enfant de dix ans ne sache pas comment écailler un oeuf à la coque ! Ce n’est pas une blague, c’est la réalité. Mei, ma fille, a dix-sept ans, et elle a peur d’entrer en contact avec des inconnus, même avec les voisins. Quand elle se perd, elle préfère marcher et marcher, jusqu’à l’épuisement, plutôt que d’oser demander sa destination à un passant. Quand j’avais son âge, j’avais déjà quitté la maison familiale et je travaillais, seule, dans une plantation de montagne depuis déjà quelques années. Je suis donc bien décidée de l’envoyer à l’étranger, afin de la pousser à faire face aux défis de la vie. » 

« Qu’en pense Mei ? », lui demandai-je. 

« Elle attend maintenant son départ avec impatience. En tant que mère, je sais que, sous cette impatience, se cache un peu d’inquiétude d’avoir à vivre de manière indépendante et d’affronter un avenir incertain. Il faut l’encourager, n’est-ce pas ? », poursuivit Mme Wu.

« Et avez-vous les moyens financiers de le faire? ».

« Je dois admettre que des études supérieures en Angleterre, c’est cher, mais, tout comme beaucoup de parents chinois, mon mari et moi sommes prêts à tout faire pour l’avenir de notre fille. Avec nos économies, nous pouvons déjà payer les frais de scolarité des deux premières années ; pour les années suivantes, nous allons continuer à travailler très dur pour gagner plus d’argent. »

Des conseils d’une pionnière

Mlle Yang et son partenaire de Singapour. Photos fournies par Huang Cai.

Mon amie Yang, qui avait jusqu’alors écouté très attentivement cette conversation, prit alors la parole. Pour elle, étudier à l’étranger est une expérience inoubliable qui donne des fruits dont la personne pourra bénéficier toute sa vie. En plus des avantages que Mme Wu avait déjà énumérés, Yang en ajouta quelques autres, tirés de son expérience personnelle. Selon ses dires, étudier à l’étranger encourage les jeunes à élargir leurs vues, à s’ouvrir au monde, à s’adapter, à mieux comprendre les autres et à entrer plus facilement en contact avec eux. Ce sont des qualités précieuses à l’époque de la mondialisation. Cependant, l’essentiel, c’est d’être bien orienté dans ses études et dans le séjour à l’étranger choisi. Avant de partir, il faut donc bien se préparer aux plans matériel et mental. Selon elle, les capacités financières sont une condition nécessaire, mais l’argent ne peut pas garantir la réussite de l’enfant. Avant de poser le pied sur une autre terre, il faut que les parents et l’enfant aient réfléchi sur trois capacités d’apprentissage de l’enfant. D’abord, sa maîtrise d’une langue étrangère, surtout à l’oral. Bien que les élèves chinois soient brillants en écriture, ils ont souvent des difficultés à parler et à s’exprimer, ce qui rend impossible la communication avec les étrangers. Deuxièment, la capacité d’adaptation. Si les parents ont l’habitude de faire tout pour leur « bébé », on ne peut pas s’attendre à ce que ce dernier puisse faire face aux défis d’un monde inconnu. Troisièment, la capacité d’acquérir des connaissances de manière positive. Dans le système d’éducation chinois, les enfants se trouvent souvent dans une position de passivité à l’égard de l’assimilation des connaissances, ce qui est très différent de l’expérience connue dans de nombreux pays étrangers.

« Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que, dès l’atterrissage dans un pays étranger, votre fille puisse acquérir des compétences, comme par magie ; je vous conseille de l’aider à les développer dès maintenant. », lui dit mon amie Yang.

En nous remémorant les débuts de son séjour à Singapour, Yang en avait encore les larmes aux yeux.

« C’était vraiment difficile, nous confia-t-elle, je me sentais parachutée dans un lieu inconnu ; comme la grande majorité des étudiants chinois, je ne connaissais pas la ville ni personne, je n’avais pas d’amis, tout dépendait seulement de moi. C’est très difficile pour des enfants qui ont vécu depuis toujours aux crochets de leurs parents. J’étais « transplantée » dans la société de Singapour, mais je devais m’y intégrer. Mes parents m’ont toujours encouragée, et j’ai eu la chance d’avoir l’aide de mon agence intermédiaire à travers laquelle j’avais réussi à satisfaire aux formalités d’entrée à l’université de Singapour. C’est à cette époque-là que j’ai décidé d’aider les autres quand j’en aurais les moyens. Pour cette raison, mes études supérieures terminées, j’ai créé ma propre agence d’intermédiaire pour les études à l’étranger des Chinois. »

À part des services pour les étudiants chinois, tels que l’inscription, le visa, le logement et la restauration, l’agence de mon amie Yang met aussi l’accent sur les services après installation, surtout lorsque les étudiants chinois sont jeunes. Autrement dit, son agence agit comme tuteur de l’enfant pendant son séjour à Singapour, veille sur lui, l’aide à mieux connaître la société et à vite s’adapter, l’accompagne à l’hôpital en cas de besoin, rédige un rapport mensuel aux parents.

« Mille mercis, ma chère Yang, s’exclama ma collègue Wu, tout ce que vous avez dit m’a aidée à y voir plus clair. Je crois que ma décision sera plus réfléchie et je la prendrai avec ma fille. Après discussions, nous allons vous demander de nous recommander une bonne agence d’intermédiaire pour l’Angleterre. Entendu? »

« Entendu! », dit Yang, fière de son apport.

Quant à moi, j’étais très contente que cette conversation eut été fructueuse et je suis heureuse de vous la faire partager maintenant. Vous aurez ainsi quelques idées concrètes sur le rêve des Chinois d’aller étudier à l’étranger.