MAI 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Un condensé de bonheur : la décoration intérieure de l’appartement d’une famille chinoise

 

HUANG CAI

Vue du salon de l’appartement des Hu après décoration.

Au fur et à mesure de l’établissement de l’économie de marché, de plus en plus de Chinois ont acheté leur propre logement, et le décorer est ainsi devenu leur pôle d’intérêt. Suivons donc une famille chinoise ordinaire au cours de son expérience de décoration de son nouveau logement, ce qui nous permettra de mieux comprendre ses joies et ses ennuis.

M et Mme Hu et leur fils unique étaient très contents de finalement tenir bien en main la clé de leur nouvel appartement. Le siheyuan (habitation traditionnelle de Beijing où les maisons sont bâties autour d’une cour) où ils habitent va être bientôt démoli dans le processus de rénovation des vieux quartiers, et avec la compensation financière qu’ils ont reçue et leurs économies, ils ont acheté un appartement de 100m2  dans un nouveau quartier d’habitation. Comme la plupart des logements sur le marché, la peinture et l’installation du revêtement de sol, la finition de la cuisine et de la salle de bain relèvent du propriétaire. À l’ordre du jour de la famille Hu, la décoration avait donc la priorité.

Que faire et que choisir ?

Généralement en Chine, il existe deux façons de s’occuper de la décoration du logement. L’une consiste à confier par contrat les travaux à une équipe spécialisée, et l’architecte et les ouvriers de cette équipe vont alors établir un plan des travaux et le réaliser. L’autre, si le propriétaire croit avoir suffisamment de compétence et de temps, consiste à décider soi-même de la décoration, d’acheter les matériaux et d’avoir recours à des ouvriers seulement pour accomplir les travaux.

N’ayant aucune idée sur la façon de procéder, M et Mme Hu décidèrent d’aller dans les grands centres de matériaux de construction pour se renseigner. Le Jardin Oriental, situé au troisième périphérique, avec ses 12 000 m2, est l’un des plus importants centres de matériaux de construction de Beijng.

Ce grand magasin est divisé en trois sections : une pour les meubles, une pour les matériaux comme les carreaux, et une autre pour les stands des équipes de construction. Dès le départ, le couple s’est senti perdu devant l’abondance du choix. Une journée ne suffisait même pas pour parcourir une seule des trois sections, sans parler de pouvoir faire la différence entre les milliers de carreaux, les accessoires, les meubles, les divans et leurs qualités, les couleurs, les formes… M. Hu avoua à sa femme: « Nous ne sommes pas des connaisseurs dans ce domaine, alors, c’est décidé, on va engager une équipe professionnelle.»

« D’accord, dit sa femme, mais quelle équipe ? »

« Ah ! ça, c’est un problème », dit M. Hu.

Les stands des équipes spécialisées dans la décoration intérieure sont alignés les uns à côté des autres. Tous sont bien décorés avec des lumières éclatantes, des diplômes d’honneur, et des médailles ornent les cloisons. M. Hu a pris des renseignements auprès du personnel de différentes équipes : tous étaient très chaleureux et se vantaient des travaux effectués par leur propre équipe. M Hu a même failli signer le contrat de décoration avec une dame avec qui il avait eu une discussion intéressante, mais c’est Mme Hu qui a insisté pour réfléchir encore, puisque, après tout, la décoration de leur logement était une grande décision qui engageait toute leur vie.

Durant les jours suivants, le couple Hu a pris contact avec de nombreuses équipes de construction, mais il n’avait toujours pas pris de décision, jusqu’au jour où les deux ont rendu visite à l’un de leurs amis. Ils trouvèrent que son appartement était très bien décoré, et après avoir admiré et scruté les moindres détails, ils décidèrent d’engager l’équipe que leur ami avait choisie.

La première tâche : concilier les goûts de chacun

Leur chambre à coucher.

Ils établirent d’abord le plan avec l’architecte, et le budget de décoration s’éleva à 50 000 yuans (6000$). C’est un prix raisonnable pour la décoration d’un appartement de la grandeur du leur. Il y a quelques années, la décoration intérieure ne consistait qu’à transformer la maison en une sorte de chambre d’hôtel luxueux, avec les portes et les cadres de fenêtres recouverts d’un bois de haute qualité et des lustres en cristal. Dans un tel décor, on ne se sentait pas tout à fait chez soi ! Maintenant, la mode, c’est la simplicité et la personnalisation, mais aussi la protection de l’environnement. M. Hu tenait beaucoup à une « décoration verte », c’est-à-dire à l’utilisation de matériaux qui ne causent aucune nuisance à la nature et à la santé, car, selon lui, les enduits polluants peuvent être des « tueurs silencieux ». Il avait une idée bien à lui : incruster des pierres dans un mur et recouvrir le plancher de dalles d’ardoise afin de décorer le salon un peu comme une chalet campagnard, au bord d’une rivière ; au lieu d’un divan en cuir, il rêvait de fauteuils en rotin. D’après lui, ce style aiderait à relaxer après le travail.

Pour Mme Hu, l’important c’est une cuisine bien organisée. Plus d’une fois, elle avait rêvé d’une cuisine propre et en ordre avec un bel évier, une plaque de cuisson, un grand frigo moderne, une étagère à épices, chaque chose trouvant sa place selon un plan de travail scientifique. Sur l’équipement de cuisine, elle tenait à la marque Kebao, très connue dans ce domaine, mais aussi la plus chère : 20 000 yuans pour tous les modules des cabinets de rangement.

Pour sa part, le fils de M. Hu, âgé de 16 ans, avait sa propre idée pour décorer sa chambre. Au début, il avait demandé de transformer un des quatre murs de sa chambre en une paroi d’escalade, comme chez un de ses copains. Malheureusement, il n’avait pas obtenu l’accord de ses parents qui craignaient pour la sécurité, mais ils acceptaient de lui acheter un ensemble de meubles IKEA.  « C’est génial! », s’était exclamé le fils, fou de joie. Cette grande marque internationale d’ameublement est disponible en Chine depuis la fin des années 90, dans les deux succursales de la société du même nom : celle de Beijing et celle de Shanghai. La simplicité, la liberté et la polyvalence du style attirent des milliers d’inconditionnels, surtout parmi les jeunes. L’accord des parents d’acheter des meubles IKEA pour leur fils ne les a pas empêchés de trouver que leur prix était plus cher que les meubles chinois d’aussi bonne qualité.

La concrétisation du rêve

La période d’exécution des travaux fut éprouvante pour tous les membres de la famille. Presque chaque jour, après le travail, ils allaient constater la progression des travaux, surveiller le choix et la qualité des matériaux utilisés. Leur rêve prenait forme petit à petit, toute la famille en éprouvait du bonheur. Comme beaucoup d’autres Chinois, à peu près chaque fois qu’ils allaient au chantier, M et Mme Hu apportaient des petits cadeaux aux ouvriers qui y travaillaient, surtout des petites gâteries à manger, ils échangeaient quelques mots avec eux, tout en cherchant à montrer que, bien que leurs connaissances dans le domaine fussent assez rudimentaires, il ne fallait pas les rouler. Dieu sait que tout cette parade de bons mots n’était que quelques phrases qu’ils avaient glanées dans les journaux spécialisés !

Après un mois de travail assidu, les travaux furent achevés, et la famille Hu trouva un appartement à la mesure de ses rêves! Selon la coutume chinoise, ils invitèrent leurs parents et leurs amis à venir visiter leur nouvel appartement, et Mme Hu prépara un repas copieux dans sa superbe cuisine! 

L’histoire de la famille Hu n’est qu’un condensé du bonheur que vivent maintenant beaucoup de Chinois. En 2001, 273 millions de m2 de bâtiments ont été achevés et mis en vente, et selon les prévisions, plus de 200 milliards de yuans vont être investis par les familles chinoises dans la décoration de leur logement. Un bonheur qui vaut son pesant d’or !