MAI 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Les Kirghiz

Jeune fille kirghize.

L’ethnie kirghize compte plus de 143 000 personnes qui habitent pour la plupart dans la préfecture autonome kirghize de Kizilsu, établie en 1954 dans le sud-ouest de la province du Xinjiang. On en retrouve aussi dans le nord de cette province, de même que quelques centaines dans le district de Fuyu, province du Heilongjiang. La langue kirghize appartient à la branche turque de la famille des langues altaïques. Elle a emprunté plusieurs mots au chinois, et on a élaboré un nouvel alphabet, délaissant l’ancienne écriture arabique pour adopter une écriture basée sur l’alphabet romain. Les langues ouïgoure et kazakhe sont également utilisées dans certains endroits.

Origine et histoire

Les ancêtres des Kirghiz habitaient sur les rives supérieures du Yangtsé. Au milieu du VIe siècle, la tribu kirghize était sous la férule du khanat turc. Après que la dynastie des Tang (618-907) eut défait le khanat turc de l’Est, les Kirghiz entrèrent en contact avec cette dynastie, et au VIIe siècle, la terre des Kirghiz fut officiellement incluse au territoire chinois. Jusqu’au Xe siècle, les Kirghiz eurent des contacts fréquents avec les Han. À partir de leurs instruments de musique : tambour, sheng (flûte), bili et panling (série de clochettes attachées à un tambourin), on peut voir que les Kirghiz avaient atteint un niveau de culture relativement élevé. Pendant les Liao (916-1125) et les Song (960-1279), les Kirghiz furent enregistrés comme Xiajia ou Xiajiaz. Même sous les Ming (1368-1644), les Xiajia, qui étaient alors appelés Jiliji ou Qirji, vivaient surtout d’élevage, mais ils s’étaient déplacés vers les monts Tianshan et étaient devenus l’un des groupes tribaux de langue turque comptant le plus grand nombre de personnes. Par la suite, ces groupes s’unifièrent. Au début de la dynastie des Qing (1644-1911), les Kirghiz, qui n’avaient pas encore émigré vers Tianshan, le firent alors. D’autres émigrèrent dans le Nord-Est. Sous cette dynastie, beaucoup de Kirghiz aidèrent le gouvernement à écraser des rébellions, mais sous le Guomindang, en 1944, suite à la fermeture de nombreuses régions pastorales, la révolution Puli éclata. La majorité des combattants étaient des Kirghiz.

Le système féodal patriarcal a laissé des traces profondes sur la vie socio-économique kirghize. Avant 1949, 10 % de la population possédait 70 % du bétail. Si un homme était embauché par un propriétaire de serfs, toute sa famille devait s’occuper de l’élevage des animaux et des travaux liés, en retour de trois moutons par an, de la nourriture et du toit. L’impôt imposé par le clergé islamique  représentait 20 % du revenu annuel du paysan. Les conditions de vie étaient donc fort difficiles.

L’organisation tribale kirghize était la suivante : une tribu principale possédait un certain nombre de sous-tribus qui s’occupaient d’élevage dans différentes localités. Chaque sous-tribu était composée de Ayinle, ou clan, chaque clan étant formé d’environ cinq à dix familles. Les liens entre les tribus n’étaient pas très étroits et, règle générale, aucune relation de dépendance n’existait. Durant les différentes dynasties chinoises, les dirigeants tentèrent donc invariablement de diviser ces tribus pour mieux régner.

Us et coutumes

Les Kirghizes sont des éleveurs chevronnés.

Au plan des croyances, certains Kirghiz adhèrent à l’islam, alors que d’autres, surtout ceux du Heilongjiang qui ont subi l’influence des Mongols, croient au lamaïsme, tout en conservant certaines croyances issues du chamanisme.

La vie matérielle des Kirghiz est encore étroitement liée à l’élevage; les vêtements, la nourriture et les habitations présentent des caractéristiques propres au nomadisme.

Habillement. Les hommes portent des chemises blanches à col rond, bordé de ruban, et par-dessus, ils enfilent une veste de peau de mouton ou une longue tunique bleue, sans col. Certains autres portent des vêtements en laine de chameau avec manches en tissu noir. Règle générale, ils portent une ceinture de cuir de laquelle pendent un couteau et une pierre pour allumer des feux. Le pantalon est ample et les bottes sont hautes. La chaussure caractéristique des Kirghiz s’appelle qiaokaoyi et  elle est fabriquée de peau. En tout temps de l’année, les hommes, jeunes ou vieux, portent un chapeau de velours cordé, de couleur verte, pourpre, bleue ou noire, couvert d’une grande peau d’animal au dessus carré, ou un chapeau de feutre au bord relevé. L’intérieur du chapeau en peau d’animal est garni de velours noir.

Les femmes portent des vestes amples sans col avec des boutons en argent sur le devant. Leur longue jupe à plis est bordée de fourrure. Certaines femmes portent une robe dont la jupe est plissée dans sa partie inférieure, et par-dessus, elles enfilent une veste noire. Les jeunes femmes aiment les robes et les jupes rouges, les chapeaux ronds en velours rouge ou des chapeaux rouges en peau de loutre, décorés avec des perles, des plumes et des pompons. Alors que les jeunes femmes aiment bien les foulards rouges ou verts, les plus âgées préfèrent le blanc. Les bottes des femmes sont souvent brodées. Les femmes célibataires se font de nombreuses petites tresses, et n’en feront que deux après leur mariage. Ces tresses seront décorées de chaînes en argent, de monnaies ou de clés entrelacées dans une chaîne de perles. Elles aiment également porter des bracelets, des boucles d’oreille, des colliers et des anneaux en argent. Dans certaines régions, les filles portent des pendentifs en argent gravés de motifs.

Régime alimentaire. Celui des éleveurs kirghiz comprend surtout des produits à base d’animaux, du chou, des oignons et des pommes de terre. Ils boivent du lait de chèvre, du yogourt, du thé auquel ils ajoutent du sel et du lait. Les plus riches boivent du lait de vache, mangent du bœuf, du mouton, du cheval et du chameau, de la farine de blé et du riz. Ils entreposent le beurre dans des estomacs séchés de mouton ou de bœuf. Tous les ustensiles sont faits en bois.

Habitation. Les tentes sont fabriquées de feutre épais; elles ont une forme carrée et sont clôturées avec des pieux de saule. L’ossature de la tente est d’abord recouverte d’un tapis d’herbe, puis d’un feutre avec un puits de lumière d’un m2. Un feutre amovible y est attaché.

Coutumes familiales. La famille kirghize est habituellement formée de trois générations, les fils mariés vivant la plupart du temps avec leurs parents. Autrefois, le mariage était arrangé par les parents, parfois même avant la naissance, ce qu’on appelait « arrangements de mariage à la grossesse ». Les fréquentations traditionnelles commençaient au moment où le futur rendait visite à la famille de sa future épouse pour lui offrir un mouton rôti.  Les parents de la future mariée attachaient alors le couple à des pieux devant la tente. Le couple était relâché seulement lorsque le père et les frères du futur marié faisaient appel à la clémence et offraient des présents. Le mariage était officié par un imam qui coupait un gâteau en deux,  en trempait des morceaux dans l’eau salée avant de les mettre dans la bouche des nouveaux mariés, ce qui signifiait que ceux-ci devront partager les joies comme les peines pour toujours. Le marié emmenait alors la mariée et les cadeaux de fiançailles à la maison.

Dans le foyer, il existe une division distincte des tâches : l’homme mène les chevaux et le bétail aux pâturages, coupe l’herbe et le bois et s’acquitte des tâches plus dures, alors que la femme fait pâturer, trait les vaches, tond les moutons, aide à mettre bas les agneaux, effectue le traitement des produits animaux et  s’acquitte des tâches ménagères. Autrefois, l’homme était considéré comme supérieur et décidait de toutes les questions d’héritage et de distribution de la propriété. Lorsque le fils se mariait, il avait droit à une portion de la propriété familiale qui était habituellement légué au fils cadet. Les femmes n’avaient pas le droit d’hériter. La propriété d’un homme sans descendance était léguée à ses parents proches. Au moment des funérailles, tous les parents et les amis se vêtent de noir et portent un foulard noir.

Les Kirghiz sont très hospitaliers et cérémonieux. Tout visiteur, qu’il soit un ami ou un étranger, se voit offrir ce qu’il y a de mieux : mouton, riz sucré avec de la crème et des nouilles garni de tranches de mouton. Offrir de la viande provenant de la tête du mouton est le signe de la plus haute considération. À table, on offre d’abord à l’invité le gras provenant de la queue du mouton, de la viande provenant de la palette de l’épaule et ensuite de la tête. L’invité doit alors redistribuer aux femmes et aux enfants certains morceaux qu’il a reçus, en signe de respect. Quiconque déménage sa tente est accueilli par ses anciens et ses nouveaux voisins, en guise d’adieu et de bienvenue.

À la saison de la coupe des herbes qui serviront de fourrage.

Le calendrier et les fêtes. Celui des Kirghiz ressemble à celui des Chinois, les années étant marquées par des animaux. L’arrivée de la nouvelle lune indique le début d’un mois, douze mois forment une année et douze années, un cycle. Au début du premier mois de l’année, les Kirghiz célèbrent le Nualaoz, lequel ressemble à la fête du Printemps. Ils célèbrent également les fêtes islamiques. Les jours de fête et les soirs d’été, jeunes et vieux, hommes et femmes se rassemblent dans les prairies pour célébrer : chanter, danser, raconter des histoires et participer à des jeux, dont le Diao Yang (une compétition pour attraper un mouton sans tête placé sur un cheval), la lutte, la course de chevaux, le tir à cheval. Les Kirghiz sont des chanteurs et des danseurs renommés. Leurs chants comprennent des ballades, des épopées et des chants folkloriques. Bien que les Kirghiz possèdent de nombreux instruments de musique, le kaomuz, un instrument à trois cordes est le favori.

Culture. De nombreux poèmes, légendes, proverbes et fables ont été légués de génération en génération depuis des siècles. L’épopée appelée Manas est comme une encyclopédie sur l’étude des anciens Kirghiz. Elle comprend 200 000 versets qui décrivent, à travers les actions de plusieurs générations de la famille Manas, la bravoure et le courage des Kirghiz. Elle est aussi un miroir des coutumes et des idées des Kirghiz sur le temps. Les peintures et les gravures des Kirghiz présentent des motifs de cornes d’animaux qui décorent les yourtes, les attelages de chevaux, les pierres tombales et les édifices. Les Kirghiz aiment le rouge, le blanc et le bleu. Leur art utilise donc toujours les couleurs vives, est agréable à contempler et rempli de vitalité et de fraîcheur.

Économie. Aujourd’hui, en plus de l’élevage, les Kirghiz ont édifié une industrie locale qui comprend la machinerie, la cimenterie, l’énergie, les métaux non ferreux, le traitement de la fourrure et l’exploitation minière. De plus en plus de Kirghiz tendent à se sédentariser, à cultiver des légumes et des melons.