En 
                Chine, le foot, c’est fou
              ALEXIS VANNIER
              
                
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                  | En plein jeu. | 
                
              
              La folie du football 
                a gagné la Chine. À quelques semaines du coup d’envoi de la coupe 
                du monde de football en Corée du Sud et au Japon, les supporters 
                chinois commencent à rêver d’un coup d’éclat de leur équipe qui 
                participera pour la première fois de son histoire à une phase 
                finale.
              Plus que quelques semaines avant que l’équipe nationale chinoise foule 
                les pelouses coréennes, pour sa première participation à la phase 
                finale d’une coupe du monde de football. « Le rêve vieux 
                de 44 ans » des fans chinois de ballon rond, selon l’expression 
                consacrée par les médias, s’est enfin réalisé. Légèrement favorisée 
                par la chance – en devant affronter les Émirats Arabes Unis, le 
                Qatar, l’Ouzbékistan et Oman lors des éliminatoires, la Chine 
                a évité les poids lourds du football asiatique – la bande à Milu, 
                le surnom affectueusement donné à l’entraîneur serbe de l’équipe, 
                Bora Milutinovic, a décroché avec une facilité assez impressionnante 
                son ticket pour la Corée du Sud et le Japon, le 7 octobre dernier, 
                à trois journées de la fin des éliminatoires ! Désormais, 
                chacun attend ici de voir comment l’équipe nationale se comportera 
                face à ses rivaux lors des matchs de poule et attend avec impatience 
                – mais sans grande illusion tout de même – le choc annoncé contre 
                les stars du football brésilien. Les supporters chinois rêvent 
                même que Pelé, pour une fois, ne se soit pas trompé dans ses pronostics 
                pour la coupe du monde (ce dont l’idole brésilienne est coutumière) 
                quand il a annoncé que la Chine serait présente au deuxième tour… 
                Un rêve qui permet en tout cas aux amateurs de ballon rond chinois 
                d’oublier un peu le spectacle lamentable offert par leur championnat 
                national. 
              Après des débuts plutôt hésitants dus à un manque de compétition en phase 
                préliminaire, qui valurent à Bora Milutinovic des critiques acerbes 
                des milieux footballistiques chinois – l’équipe de la nation la 
                plus peuplée au monde ayant dû concéder un match nul face aux… 
                Maldives ! – le groupe s’est repris et a littéralement laminé 
                ses adversaires lors des qualifications pour la coupe du 
                monde : cinq victoires et un nul. Certes, l’équipe chinoise était 
                tombée dans le groupe le plus facile. Certes aussi, la Chine n’avait 
                rien laissé au hasard en jouant les matchs à domicile à Shenyang, 
                métropole du Nord, difficile d’accès pour les supporters des équipes 
                étrangères, au climat frais – notamment pour les joueurs de la 
                péninsule arabique – et dont le public est réputé pour son enthousiasme 
                envers l’équipe nationale… Cela dit, l’équipe chinoise a su également 
                montrer un football de qualité, grâce à des joueurs qui se sont 
                particulièrement illustrés comme Sun Jihai, Li Tie et Qu 
                Bo ou encore en défense, le vétéran (32 ans) Fan Zhiyi. Celui-ci 
                n’est d’ailleurs pas inconnu des amateurs européens de ballon 
                rond, puisque après avoir été capitaine et plusieurs fois élu 
                meilleur joueur de l’équipe de seconde division anglaise Cristal 
                Palace, il est désormais le premier footballeur chinois à 
                jouer dans un championnat de première division européenne, au 
                sein de l’équipe écossaise de Dundee. Avec les autres « Européens » 
                que sont par exemple Yan Chen, Xie Hui et 
                Zhang Xiori (qui se sont illustrés dans le championnat allemand), 
                Fan Zhiyi, réputé pour son sérieux, son fair-play et la solidité 
                de sa défense, constitue la véritable ossature d’un groupe sans 
                aucun doute talentueux et dont on n’attend plus que de voir si 
                les méthodes de Bora Mulitinovic, basées en grande partie sur 
                le dialogue et la mise en place d’un esprit de groupe, sauront 
                lui faire surmonter la pression attachée à un évènement aussi 
                imposant que la coupe du monde.
              Tout devrait donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes du football 
                chinois, pourtant quelque chose ne tourne pas rond. Certes, depuis 
                le 7 octobre, Milu est devenu un véritable demi-dieu … et une 
                poule aux oeufs d’or pour les médias et annonceurs chinois. L’entraîneur 
                serbe, dont le talent est indiscutable (l’équipe chinoise est 
                la cinquième qu’il conduit en phase finale d’une coupe du monde 
                de football !) pourrait empocher jusqu’à 10 millions de yuans 
                en cachets publicitaires… 
              
                
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                  | Les fans sont en liesse après la victoire. | 
                
              
              Si le talent mérite sans aucun doute d’être rétribué, cet argent, qui coule 
                à flots sur les pelouses chinoises est aussi la source d’un malaise. 
                « En Chine, explique ce fan de ballon rond rencontré dans 
                un restaurant, rendez-vous des amateurs de football à Beijing, 
                le football est un phénomène relativement récent : le plus 
                vieux club n’a que huit ans d’histoire ! Or, dès le départ, 
                le football a été vu comme une forme de business. Les clubs sont 
                propriétés des entreprises dont ils portent le nom. Or celles-ci 
                n’investissent pas toutes leur argent juste pour l’amour du sport… » 
                
              Et cela peut donner ces résultats étranges, qui expliquent sans doute que 
                le loto sportif en Chine s’applique aux résultats des championnats 
                étrangers et non locaux. Ainsi, lors de la 21e journée 
                de championnat, une équipe de seconde division, deuxième au classement, 
                est menée deux à zéro à 20 minutes de la fin. Au coup de sifflet 
                final et trois erreurs d’arbitrage plus tard, elle gagne le match 
                quatre à deux… Une exception ? À voir. Tous les experts sont 
                unanimes : la Chine sera le plus grand réservoir de joueurs 
                de talents dans les années à venir. Et aussi celui de fans : 
                l’arrivée de Fan Zhiyi à Cristal Palace par exemple, avait, il 
                y a quelques années, dopées les ventes de T-shirts de l’équipe 
                anglaise dans les boutiques shanghaïennes dont le joueur est originaire ! 
                L’Association chinoise de football a promis de faire le ménage 
                dans ses rangs. Les supporters exigent le passage d’une justice 
                impartiale. Et en attendant, ils vont se masser derrière leur 
                petit écran pour suivre les premiers pas de leur équipe nationale 
                dans la cour des très grands du football mondial.