AVRIL 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Bao Zheng, un fonctionnaire intègre

 

HUO JIANYING

Le visage peint de Bao Zheng dans l’opéra de Pékin.

AUJOURD’HUI, si un juge reçoit le titre de « Duc Bao moderne », c’est que sa grandeur morale et ses brillants exploits ont mérité l’estime de la population et que sa réputation est reconnue par la société.

Originaire de Hefei, province de l’Anhui, le duc Bao  (999-1062) avait Zheng comme nom et Xiren pour prénom, tandis que duc Bao était le titre qu’on lui avait conféré. Bao Zheng  a été sous-préfet, préfet et haut fonctionnaire du gouvernement central de la dynastie des Song (960-1279).

À titre de fonctionnaire, Bao Zheng a toujours préconisé que les fonctionnaires doivent administrer avec rigueur, diminuer la corvée et alléger tous les impôts. Ainsi, il jouissait d’une grande popularité. Lorsqu’il administrait la justice, ce fonctionnaire probe et renommé faisait preuve de perspicacité et d’équité. On peut consulter des livres historiques qui ont été écrits sur cette époque.

Depuis un millénaire, on n’a jamais oublié ce personnage représentatif des juges intègres. Sa réputation se propageant, son image brillante n’a eu de cesse d’apparaître à l’écran des cinémas et de la télévision, et ses actes exemplaires sont adaptés au théâtre. En réalité, toutes ces représentations typiques et artistiques sont teintées de romanesque et de mythologie, y compris les récits de ses prouesses qui circulent parmi les masses. Bao Zheng cristallise la grandeur morale et les exploits brillants des fonctionnaires intègres. Voilà des récits remarquables qui méritent d’être connus et dont les subtilités sont à discuter.

Dans la société féodale, les fonctionnaires intègres et les fonctionnaires corrompus occupaient communément la place dominante. En comparaison avec ces derniers, les fonctionnaires intègres sauvegardèrent, dans une certaine mesure, les intérêts du peuple. C’est pourquoi l’on aimait, respectait et vénérait tellement Bao Zheng.

On peut consulter, dans un document historique, une affaire civile remarquable jugée par Bao Zheng, alors qu’il était sous-préfet de Tianchang, province de l’Anhui.

Un matin, un paysan s’aperçut que la langue de son buffle de labour avait été coupée par quelqu’un et que son buffle était couché par terre. Il se rendit donc au tribunal du district pour demander au juge Bao Zheng d’enquêter sur les causes de cet incident.

Bao Zheng lui dit : « Reste tranquille, rentre chez toi, tue ton buffle et attends avec patience une bonne nouvelle. » En vertu de la loi, tuer un buffle de labour était une infraction à la règle.

Mémorial du duc Bao, construit à Hefei (Anhui), sa région natale.

Au deuxième jour, un homme vint au tribunal et dénonça ce paysan qui avait tué son buffle de labour. Après avoir compris ce qui se passait, Bao Zheng montra soudain un visage fermé et s’écria : « Tu as coupé la langue de son buffle et tu le dénonces quand même, qu’est-ce que tu crois ? » Cet homme ne put qu’avouer son crime, soit d’avoir accusé un innocent.

Bien des livres ont enregistré des exemples de l’application rigoureuse et à la lettre de la loi par Bao Zheng. Lorsque ce dernier était préfet, il avait sommé des eunuques et des hommes influents de démolir leurs bâtiments non réglementaires qui avaient été construits dans la tranchée anti-crues, et il a mis des fonctionnaires stupides en accusation.

Pour sauvegarder l’intérêt du peuple, placer un espoir immense dans une société de droit et implanter l’égalité devant la loi, on a eu recours au théâtre pour exalter ce personnage droit et insensible aux flatteries. D’après des légendes, Bao Zheng aurait été considéré comme un être divin et un personnage ayant une capacité surhumaine. Pour enquêter sur les causes et trouver les coupables, il aurait pu aller et venir entre le monde et les enfers.

Dans des opéras traditionnels chinois mettant en scène des cas complexes, les adversaires de Bao Zheng étaient souvent la famille impériale et des dignitaires protégés par le pouvoir impérial et la loi féodale. Ces derniers appartenaient à la classe privilégiée, les masses et les tribunaux ne pouvant rien pour remédier à leurs crimes. C’est ainsi que le rôle de Bao Zheng est considéré comme l’incarnation de la justice et de la force servant  à exprimer la colère des masses populaires et son audace à mépriser la loi féodale.

Guillotiner le prince Zhao (frère de l’empereur), Guillotiner Chen Shimei (gendre de l’empereur), Décapiter par la ruse Lu Zhailang (membre de la famille impériale) sont des opéras qui font l’éloge de Bao Zheng. Pour appliquer la loi à l’égard des malfaiteurs, pour défendre la dignité de la loi et rendre justice aux victimes, cet homme a brisé toutes les résistances au risque de sa vie.

Guillotiner le Juge de l’enfer et Guillotiner Bao Mian (neveu de Bao Zheng) punissaient les fonctionnaires corrompus qui avaient violé la loi à leur profit.

Briser un char impérial et Battre une robe impériale dirigeaient immédiatement le fer sur le dominateur supérieur. Dans la société féodale, on n’avait pas le droit de tuer l’empereur et l’impératrice, briser leur char et battre leur robe dépassaient même les limites.

Au théâtre, les propos de Bao Zheng qui parlaient de punir les malfaiteurs faisaient l’écho des clameurs de la population et n’étaient pas l’opinion des mandarins de la cour impériale.

Dans l’histoire de la Chine, il y a  Hai Rui (de la dynastie des Ming) et Yu Chenglong (de la dynastie des Qing) qui ont aussi été des fonctionnaires intègres. Ceux-ci étaient fidèles à la cour impériale, assidus, droits et insensibles aux flatteries, et leur administration a été intègre. Ils faisaient l’objet de l’amour et du respect du peuple et étaient dans les bonnes grâces de l’empereur. Sans aucun doute, l’administration des fonctionnaires intègres a été utile pour la stabilité sociale, le développement économique et la consolidation du pouvoir.

Zhao Guangyi (939-997), l’empereur Taizong de la dynastie des Song a écrit une inscription de seize caractères chinois sur une stèle, et il l’a distribuée à chaque district et au tribunal pour sensibiliser leurs fonctionnaires. Cette inscription dit « Le traitement d’un fonctionnaire représente des ressources issues de la sueur du peuple (impôts et produit des exactions) ; le peuple peut être facilement maltraité, mais la justice divine ne le tolérera pas. »

Cet avertissement a été en usage jusqu’à la dynastie des Ming, après avoir été transformé de stèle en portique. Se dressant hors du tribunal, ce portique était facilement visible par les fonctionnaires. Aujourd’hui, on peut voir un tel  portique à Baoding, province du Hebei et à Huozhou, province du Shanxi.