AVRIL 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Le droit traditionnel chinois

HUO JIANYING

Le système juridique chinois de l’Antiquité peut se caractériser ainsi : une longue histoire, une continuité ininterrompue et la défense des intérêts de la classe dominante.

Les vestiges d’une prison de la dynastie des Ming.

La société de cette époque n’avait pas encore de lois écrites, et ceux qui devaient appliquer les normes de la vie sociale et les règles de conduite des gens s’appuyaient sur des notions et des règles coutumières. À cette époque, la façon de juger une affaire était simple : on la nommait les « Cinq jugements » : parole, physionomie, état d’esprit, oreille et yeux. Aujourd’hui, on dirait qu’on discernait alors le vrai du faux en observant la physionomie et en analysant la psychologie de l’individu pour juger la partie en cause. À l’époque des Zhou de l’Ouest (XIe siècle av. J.-C. - 771 av. J.-C.), un cadre légal primitif a été formé. Les lois comprenaient alors deux aspects : rites et châtiments.  Les rites contraignaient la conduite des gens d’une manière positive, les punitions, d’une manière négative. Or, ces deux aspects poursuivaient un objectif différent. En vertu des lois, « les rites ne descendent pas jusqu’au peuple, les châtiments ne montent pas jusqu’aux hauts dignitaires ». Cette inégalité des lois a toujours existé dans l’ancienne Chine et a duré plus de deux mille ans. Par exemple, les « Lois de Wei » (220-265) énonçaient le système des « Huit Considérations ». En d’autres mots, huit types de gens pouvaient réduire ou annuler une peine, un système qui a été reconnu par la postérité. « Les Huit Considérations » dans les lois des Tang (619-907) étaient : 1. la famille impériale 2. une vieille connaissance de l’empereur 3. les sages 4. un homme de talent 5. un homme de mérite 6. les nobles. 7. un officier diligent et consciencieux 8. la descendance impériale de la dynastie précédente. On peut donc observer que toutes les considérations relevaient de l’aristocratie, et que le peuple et les simples travailleurs n’étaient pas protégés.

En ce qui concerne les gens faisant partie du cadre des « Huit Considérations », sauf le cas de dix crimes les plus graves non amnistiables, le tribunal (yamen) n’avait aucun droit de jugement : il devait s’adresser à l’empereur. Ce dernier remettait au secteur concerné une opinion exprimant la réduction de la peine, le jugement final revenant à l’empereur.

Toutefois, cette tolérance restait tributaire du fait de ne pas toucher aux intérêts des dirigeants supérieurs, c’est-à-dire qu’’on ne pouvait réduire la peine appliquée aux dix crimes les plus graves : moufan (conspiration contre l’État), moudani (hérésie), moupan (traîtrise), eni (massacrer les membres âgés de la famille), budao (rébellion), dabujing (diffamation du monarque), buxiao (manque de piété filiale), bumu ( mésentente) ou (tort causé aux parents, vente des parents ou des supérieurs), buyi (meurtre d’un dirigeant supérieur local ou de son professeur), neiluan ( adultère avec une conjointe de la génération précédente). Ces règles ont été suivies.

Le Canon des lois fut le premier code écrit complet de l’époque féodale, et il a été codifié à l’époque des Royaumes combattants (476 av. J. C-221 av. J. C.), par Li Kui. Actuellement, il en existe encore six chapitres : la Loi sur le vol ; la Loi sur les voleurs ; la Loi sur la prison ; la Loi sur l’ arrêt ; les miscellanées de la loi ; la Loi générale.

Le tribunal du gouverneur général du Hebei dans la dynastie des Qing.

Le Canon des lois a non seulement recueilli les lois des générations précédentes, mais est devenu aussi une source du droit et des codes des générations suivantes ; il a établi une base pour l’édification et le développement de la légalité de la Chine féodale. Les lois de la dynastie des Qin et des Han ont particulièrement appliqué la pensée de Li Kui sur le droit et les principes fondamentaux du Canon des lois.

Au début de la dynastie des Han (206 av. J.-C. -220), sur la base du Canon des lois, le premier ministre Xiao He ajouta trois autres chapitres et le tout fut intitulé Code en neuf sections. Ce code forma l’essence de la loi traditionnelle de Chine. Après maints ajouts, le Canon des lois possédait plus d’une soixantaine de chapitres, et son contenu était bien détaillé, puisque seulement sur la peine de mort, il y avait mille articles. L’ensemble des articles du Code des Han représentait plus d’un million de caractères chinois.

À partir de l’héritage légal de la génération précédente, la loi de la dynastie des Tang (618-907) fit ressortir le principe selon lequel « la vertu a préséance et la punition est auxiliaire », et le premier code administratif, les Six Codes des Tang, fut élaboré. Ce code énonçait la structure, les effectifs, les fonctions, le nom des officiers et leur rang dans la hiérarchie des organes central et locaux. Dès lors, le droit administratif se distingua du droit pénal, ce qui signifie que le système légal de l’Antiquité progressa alors à grands pas.

Les Mongols étaient les maîtres durant la dynastie des Yuan (1206-1368), mais ils ont utilisé la loi des Tang en l’amendant légèrement. Cette loi officialisa une politique de discrimination raciale. Elle divisa les nations en quatre classes. La loi des Yuan énonçait : « Si un Mongol frappe un Han, le Han ne peut riposter ».

La loi des Ming (1368-1644) mit l’accent sur les châtiments graves à cause des troubles politiques de l’époque. En effet, la Chine antique a toujours eu la tradition d’« utiliser un châtiment grave dans les temps de chaos ».       

Le Décret impérial des Ming fut rédigé par le premier empereur de la dynastie des Ming lui-même, Zhu Yuanzhang, et il se composait de 236 articles. Ce décret avait pour but de châtier les mauvais fonctionnaires.

Le Code des Qing a suivi à la lettre les lois des Tang et des Ming, sauf quelques articles qu’il a amendés, et il a ajouté la protection des intérêts des Mandchous. Ce code a été le dernier de l’histoire de la Chine féodale. Avec le succès de la révolution de 1911, le rideau est tombé sur le système juridique traditionel qui avait duré deux mille ans.