Les
céréales du Henan sont prêtes à
« briser
leur joug»
SHEN
HONGLEI
Pour
la majorité des paysans du Henan. l’entrée à l’OMC semble encore
une chose mystérieuse. Pourtant, les fonctionnaires du gouvernement
et un grand nombre d’entrepreneurs y attachent de plus en plus
d’importance et prennent des mesures. Il y a seulement une centaine
de jours que la Chine a fait son entrée à l’OMC, mais le marché des produits agricoles a déjà ressenti
un choc, bien avant celui des autres secteurs, de sorte que les
habitants du Henan se soucient du problème céréalier.
Au cours
de la session, le professeur Lin Zuoji, délégué de l’APN et chercheur
de l’Académie des sciences agricoles du Henan, a reçu les journalistes
de notre revue pour parler des contre-mesures adoptées dans le
domaine de l’agriculture après l’entrée de la Chine à l’OMC.
Journaliste : Au cours de la session actuelle, l’OMC occupe le point central des discussions
des délégués, surtout ceux du Jilin, du Henan et du Xinjiang qui
parlent toujours du développement de l’agriculture.
Lin
Zuoji : En matière d’agriculture,
le Henan est la plus grande région à subir un choc après l’entrée
à l’OMC. Ce choc touche non seulement sa population rurale qui
occupe 82 % de sa population totale, mais aussi l’ensemble de
la province considérée comme la productrice principale de blé,
de maïs, de soja… La production de blé se classe au premier rang
national, le soja, au deuxième. Dans le marché international,
règle générale, nos prix ne sont pas supérieurs. Cependant, par
rapport aux Etats-Unis qui sont un pays exportateur de soja et
de maïs, nos prix sont plus élevés de quelque 20-30 %, et la qualité
de leurs produits est meilleure que la nôtre. Surtout, pour le
soja, le taux d’extraction de l’huile est bas.
J. :
Un article rédigé par le Time
des États-Unis a indiqué : « Après l’entrée de la Chine
à l’OMC, le rythme de la réforme sera fortement accéléré. Pourtant,
l’effet de l’entrée de la Chine à l’OMC sur n’importe quel secteur
sera moindre que celui produit sur les 900 millions des paysans
de ce pays. » Quand cet effet sur l’agriculture de la Chine apparaîtra-t-il
après son entrée à l’OMC ?
Lin : Très vite. Le Henan est une grande province agricole qui autrefois exportait
une grande quantité de céréales aux zones littorales ; mais
depuis l’entrée à l’OMC, des entreprises situées en bordure de
mer, sous l’influence du marché international, commencent déjà
à importer directement des céréales des pays étrangers.
J. :
Cela peut influencer fortement les réserves céréalières du Henan. On dit
que ses réserves de céréales atteignent 30 millions de tonnes,
ce qui dépasse la capacité d’entreposage de céréales de la province
(10,4 millions de tonnes). Dans ce contexte, il paraît que le
vice-gouverneur de la province, M. Wang Mingyi, « portant
l’armure pour aller au front », écoulerait les céréales et
que les paysans augmenteraient leur production mais ne pourraient
élever leur revenu. Face à ce défi, que fait le Henan ?
Lin : Depuis longtemps, le
gouvernement du Henan est fin prêt. Il a d’abord demandé d’élever
la qualité des produits agricoles pour participer à la concurrence
dans le marché international après l’entrée à l’OMC.
Par
exemple, au début de 1999, à titre de délégué de l’APN et de concert
avec d’autres scientifiques du domaine agricole, nous avons avancé
une proposition aux dirigeants du gouvernement provincial :
axer le développement sur la culture du blé de bonne qualité pour
ajuster la structure agricole afin d’ouvrir une brèche et briser
le joug. En avril de cette année-là, pour encourager
la généralisation du blé de bonne qualité, le gouvernement du
Henan a autorisé officiellement une augmentation de 15 % du prix
d’achat du blé de bonne qualité. Dès
ce moment, dans cette province, on a cultivé un meilleur
blé. Les paysans ne connaissaient pas l’OMC, mais ils ont senti
le changement du marché par le supplément d’argent gagné comparé
à autrefois. Devant les centres de stockage de céréales, les ventes
de céréales se déroulent tous les jours de manière ininterrompue
J. : D’après nos informations,
la culture du blé de bonne qualité se développe vite, la superficie
cultivée étant passée de 5 millions de mu (un mu= 1/15 ha) à 21
millions de mu et le
prix d’achat du Henan ayant
dépassé celui du marché de 2000. Pour cette raison, augmenter
la production peut faire augmenter le revenu.
Lin : Oui, cultiver du blé
de bonne qualité signifie de faire les premiers pas de notre entrée
à l’OMC. Si nous ne participions pas à l’OMC et si notre marché
se trouvait toujours dans un environnement clos, le prix du blé
pourrait augmenter encore davantage. Mais maintenant, le prix
international n’est que de 0,4 yuan, ce qui limite l’augmentation
du prix. Le prix de notre blé n’occupe pas une position puissante
dans la concurrence internationale. Par conséquent, il nous est
impossible d’augmenter notre prix,
il devra subir l’épreuve du choc après l’entrée de l’OMC
et il est même possible qu’il connaîtra une baisse.
J. : En ce qui concerne la
structure des secteurs, selon une nouvelle, dans la zone du réservoir
des Trois Gorges du Yangtsé, il y aurait 50 000 mu
consacrés spécialement à la culture des oranges américaines, ce
qui permettrait à 150 000 paysans d’utiliser les techniques
de niveau mondial avancé pour cultiver l’orange et de se débarrasser
de la pauvreté. Ils n’ont plus besoin de travailler pieds nus aux champs ; désormais
ils pressent les fruits dans les ateliers en qualité d’ouvrier.
Lin : C’est un article typique
sur l’industrialisation de l’agriculture. L’ajustement de la structure
agricole de la Chine est imminente. Par exemple un kg d’igname
de Chine ne se vend habituellement que quatre yuans,
mais une fois qu’elle est coupée en deux pour y coller le caractère
chinois Fu (bonheur ), elle peut être vendue
facilement 20 yuans le kilo. Si on la transforme en une poudre
utilisée comme ingrédient dans les médicaments chinois, le prix
augmente considérablement au Japon et aux États-Unis. C’est la
même chose pour la pomme ; si on la met en conserve ou en
jus, sa valeur est plus élevée que si on la vend directement
comme fruit frais. Cependant, notre technique de traitement
du jus tire de l’arrière par rapport aux autres pays. Aux États-Unis,
77 % des oranges sont pressées pour le jus, mais en Chine, ce
taux n’atteint que 5 %, dont la plus grande partie est vendue
en boîte.
J. : Sur l’APN, il y a des
délégués qui lancent un appel : « Il nous faut élaborer
une loi pour protéger les intérêts des paysans, dire aux paysans
de bien connaître la culture choisie pour éviter
de cultiver à l’aveugle ».
Lin : Vos propos décrivent
correctement la proposition que nous avons
adressée au gouvernement. Par exemple, nous avons suggéré
de mettre sur pied des intermédiaires qui fourniront des informations
et formeront un marché à terme. Aux États-Unis, il existe des
offices du blé et du soja qui offrent aux fermiers des renseignements
et un service de vérification de la qualité des produits. Chaque
année, ces offices viennent en Chine et invitent les responsables
des secteurs céréaliers à écouler leur blé et leur soja. Ce genre
d’offices est précieux, car ils prennent appui sur les fermiers
et la société.
Depuis
1983, M. Lin a été délégué aux quatre sessions successives, et
de concert avec d’autres spécialistes du domaine agricole, il
a proposé de cultiver du blé de bonne qualité. Dans les années
90, cette proposition a
attiré l’attention du gouvernement. À la VIIIe APN,
il a présenté un projet de loi sur la protection des nouveaux
produits. Sa proposition a été acceptée tout de suite par l’APN,
et à cette session, il a assisté aux discussions sur l’élaboration
d’une loi sur les semences. Au moment venu d’analyser la situation
de l’agriculture chinoise, il a présenté la question de l’édification de base des villages et de l’ajustement
de la structure de l’industrie agricole.
Maintenant,
pour réaliser son vœu de fonder un office chinois du blé, il discute
avec ses collègues depuis des années.
Notre
interview s’est terminée à 22 h. Des journalistes de CCTV attendaient
M. Lin dans la salle, ce qui permet de constater à quel point
tous suivent de près l’avenir de l’agriculture de la Chine après
son entrée à l’OMC.