MARS 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Les céréales du Henan sont prêtes à

« briser leur joug»

SHEN HONGLEI

Pour la majorité des paysans du Henan. l’entrée à l’OMC semble encore une chose mystérieuse. Pourtant, les fonctionnaires du gouvernement et un grand nombre d’entrepreneurs y attachent de plus en plus d’importance et prennent des mesures. Il y a seulement une centaine de jours que la Chine a fait son entrée à l’OMC, mais le marché des produits agricoles a déjà ressenti un choc, bien avant celui des autres secteurs, de sorte que les habitants du Henan se soucient du problème céréalier.

Au cours de la session, le professeur Lin Zuoji, délégué de l’APN et chercheur de l’Académie des sciences agricoles du Henan, a reçu les journalistes de notre revue pour parler des contre-mesures adoptées dans le domaine de l’agriculture après l’entrée de la Chine à l’OMC.

Journaliste : Au cours de la session actuelle, l’OMC occupe le point central des discussions des délégués, surtout ceux du Jilin, du Henan et du Xinjiang qui parlent toujours du développement de l’agriculture.

Lin Zuoji : En matière d’agriculture, le Henan est la plus grande région à subir un choc après l’entrée à l’OMC. Ce choc touche non seulement sa population rurale qui occupe 82 % de sa population totale, mais aussi l’ensemble de la province considérée comme la productrice principale de blé, de maïs, de soja… La production de blé se classe au premier rang national, le soja, au deuxième. Dans le marché international, règle générale, nos prix ne sont pas supérieurs. Cependant, par rapport aux Etats-Unis qui sont un pays exportateur de soja et de maïs, nos prix sont plus élevés de quelque 20-30 %, et la qualité de leurs produits est meilleure que la nôtre. Surtout, pour le soja, le taux d’extraction de l’huile est bas.

J. : Un article rédigé par le Time des États-Unis a indiqué : «  Après l’entrée de la Chine à l’OMC, le rythme de la réforme sera fortement accéléré. Pourtant, l’effet de l’entrée de la Chine à l’OMC sur n’importe quel secteur sera moindre que celui produit sur les 900 millions des paysans de ce pays. » Quand cet effet sur l’agriculture de la Chine apparaîtra-t-il après son entrée à l’OMC ?

Lin : Très vite. Le Henan est une grande province agricole qui autrefois exportait une grande quantité de céréales aux zones littorales ; mais depuis l’entrée à l’OMC, des entreprises situées en bordure de mer, sous l’influence du marché international, commencent déjà à importer directement des céréales des pays étrangers.

J. : Cela peut influencer fortement les réserves céréalières du Henan. On dit que ses réserves de céréales atteignent 30 millions de tonnes, ce qui dépasse la capacité d’entreposage de céréales de la province (10,4 millions de tonnes). Dans ce contexte, il paraît que le vice-gouverneur de la province, M. Wang Mingyi, « portant l’armure pour aller au front », écoulerait les céréales et que les paysans augmenteraient leur production mais ne pourraient élever leur revenu. Face à ce défi, que fait le Henan ?

Lin : Depuis longtemps, le gouvernement du Henan est fin prêt. Il a d’abord demandé d’élever la qualité des produits agricoles pour participer à la concurrence dans le marché international après l’entrée à l’OMC.

Par exemple, au début de 1999, à titre de délégué de l’APN et de concert avec d’autres scientifiques du domaine agricole, nous avons avancé une proposition aux dirigeants du gouvernement provincial : axer le développement sur la culture du blé de bonne qualité pour ajuster la structure agricole afin d’ouvrir une brèche et briser le joug.  En avril de cette année-là, pour encourager la généralisation du blé de bonne qualité, le gouvernement du Henan a autorisé officiellement une augmentation de 15 % du prix d’achat du blé de bonne qualité. Dès ce moment, dans cette province, on a cultivé un meilleur blé. Les paysans ne connaissaient pas l’OMC, mais ils ont senti le changement du marché par le supplément d’argent gagné comparé à autrefois. Devant les centres de stockage de céréales, les ventes de céréales se déroulent tous les jours de manière ininterrompue

J. : D’après nos informations, la culture du blé de bonne qualité se développe vite, la superficie cultivée étant passée de 5 millions de mu (un mu= 1/15 ha) à 21 millions de mu et le prix d’achat du Henan  ayant dépassé celui du marché de 2000. Pour cette raison, augmenter la production peut faire augmenter le revenu.

Lin : Oui, cultiver du blé de bonne qualité signifie de faire les premiers pas de notre entrée à l’OMC. Si nous ne participions pas à l’OMC et si notre marché se trouvait toujours dans un environnement clos, le prix du blé pourrait augmenter encore davantage. Mais maintenant, le prix international n’est que de 0,4 yuan, ce qui limite l’augmentation du prix. Le prix de notre blé n’occupe pas une position puissante dans la concurrence internationale. Par conséquent, il nous est impossible d’augmenter notre prix,  il devra subir l’épreuve du choc après l’entrée de l’OMC et il est même possible qu’il connaîtra une baisse.

J. : En ce qui concerne la structure des secteurs, selon une nouvelle, dans la zone du réservoir des Trois Gorges du Yangtsé, il y aurait 50 000 mu consacrés spécialement à la culture des oranges américaines, ce qui permettrait à 150 000 paysans d’utiliser les techniques de niveau mondial avancé pour cultiver l’orange et de se débarrasser de la pauvreté. Ils n’ont plus besoin de travailler pieds nus aux champs ; désormais ils pressent les fruits dans les ateliers en qualité d’ouvrier.

Lin : C’est un article typique sur l’industrialisation de l’agriculture. L’ajustement de la structure agricole de la Chine est imminente. Par exemple un kg d’igname de Chine ne se vend habituellement que quatre yuans, mais une fois qu’elle est coupée en deux pour y coller le caractère chinois Fu (bonheur ), elle peut être vendue facilement 20 yuans le kilo. Si on la transforme en une poudre utilisée comme ingrédient dans les médicaments chinois, le prix augmente considérablement au Japon et aux États-Unis. C’est la même chose pour la pomme ; si on la met en conserve ou en jus, sa valeur est plus élevée que si on la vend directement  comme fruit frais. Cependant, notre technique de traitement du jus tire de l’arrière par rapport aux autres pays. Aux États-Unis, 77 % des oranges sont pressées pour le jus, mais en Chine, ce taux n’atteint que 5 %, dont la plus grande partie est vendue en boîte.

J. : Sur l’APN, il y a des délégués qui lancent un appel : « Il nous faut élaborer une loi pour protéger les intérêts des paysans, dire aux paysans de  bien connaître la culture choisie pour éviter de cultiver à l’aveugle ».

Lin : Vos propos décrivent correctement la proposition que nous avons adressée au gouvernement. Par exemple, nous avons suggéré de mettre sur pied des intermédiaires qui fourniront des informations et formeront un marché à terme. Aux États-Unis, il existe des offices du blé et du soja qui offrent aux fermiers des renseignements et un service de vérification de la qualité des produits. Chaque année, ces offices viennent en Chine et invitent les responsables des secteurs céréaliers à écouler leur blé et leur soja. Ce genre d’offices est précieux, car ils prennent appui sur les fermiers et la société.

Depuis 1983, M. Lin a été délégué aux quatre sessions successives, et de concert avec d’autres spécialistes du domaine agricole, il a proposé de cultiver du blé de bonne qualité. Dans les années 90, cette proposition  a attiré l’attention du gouvernement. À la VIIIe APN, il a présenté un projet de loi sur la protection des nouveaux produits. Sa proposition a été acceptée tout de suite par l’APN, et à cette session,  il a assisté aux discussions sur l’élaboration d’une loi sur les semences. Au moment venu d’analyser la situation de l’agriculture chinoise, il a présenté la question de l’édification de base des villages et de l’ajustement de la structure de l’industrie agricole.

Maintenant, pour réaliser son vœu de fonder un office chinois du blé, il discute avec ses collègues depuis des années. 

Notre interview s’est terminée à 22 h. Des journalistes de CCTV attendaient M. Lin dans la salle, ce qui permet de constater à quel point tous suivent de près l’avenir de l’agriculture de la Chine après son entrée à l’OMC.