OCTOBRE 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Turpan, la légendaire

LI XIA

Toutes les raisons sont bonnes pour visiter Turpan : pour s’imprégner de sa légende qui remonte au temps de la route de la Soie, ou tout simplement pour savourer le raisin qu’on y cueille à pleines mains.

Le bassin de Turpan est l'emplacement qui se trouve à l’altitude la plus basse de la Chine ; en effet, le lac Aydingkol, situé à 154m au-dessous du niveau de la mer, est la deuxième dépression du monde, après la mer Morte, à moins 392 mètres d’altitude. Turpan est également la localité la plus chaude du pays, la température maximum pouvant y atteindre 49,6 °C. Les précipitations annuelles de pluie n’y atteignent que 16 mm. La température élevée et l'aridité font en sorte que la teneur en sucre des fruits qui y sont cultivés est très élevée.

Situé à 140 km au sud de la ville d’Urumqi, chef-lieu de la région autonome du Xinjiang, Turpan abonde en paysages naturels et en sites historiques. Par exemple, la montagne Huoshan (de feu) est connue depuis l’antiquité. On l’associe souvent aux aventures du célèbre moine Xuanzang des Tang en compagnie de ses trois disciples, aventures qui sont racontées dans Le pèlerinage vers l’Ouest, un classique des Ming (1368-1644). Ces hommes étaient partis vers les Indes, à la recherche des soutras, mais lors de leur passage à Turpan, cette montagne de feu leur aurait barré le chemin. C’est alors qu’ils auraient emprunté un éventail magique en feuille de palmier à la princesse à l’Éventail en fer, et ce n'est qu’après cet emprunt que le feu se serait finalement éteint. Cette montagne s’étire sur 100 km, d’est en ouest, et a une largeur de 10 km, du nord au sud; elle est formée de grès, de conglomérat et d’argilite. Elle est couverte de plis et déploie toute la gamme des ocres, du foncé au clair. En plein été, sous l’effet de la réfraction, elle brille d’éclats rouges, comme si elle projetait des feux ardents. La couleur rouge se modifie au gré des changements des rayons de soleil et de la température, ce qui produit un site fascinant.

À 13 km au sud de la montagne et se déployant sur 8 km, la vallée des Vignes est un site à ne pas manquer. De loin, on aperçoit des monts dénudés, tandis qu’au fond de la vallée, la rivière détale et irrigue la verdure. Les visiteurs peuvent se reposer sous les treilles, goûter les raisins à portée de main et profiter de l’air un peu plus frais.

À l’époque, en tant que cité majeure de la légendaire route de la Soie, Turpan s’appelait aussi Gaochang. Cette longue histoire y a laissé des empreintes, dont les plus impressionnantes sont les ruines de l’ancienne cité Jiaohe. Celles-ci se trouvent à 10 km à l’ouest de la ville de Turpan. Cette cité a été construite sur une plate-forme haute de 30 m et était entourée de falaises abruptes qui lui servaient d’enceinte de défense naturelle.

Une route nouvellement aménagée mène aux ruines. La plupart des bâtiments ont été construits sous la dynastie des Tang; ils présentent pourtant un style des villes du Centre du pays construites avant les Song (900-1279). On avait fait fouiller la terre de l'endroit pour former une ville d’un kilomètre de long. La cité s’ouvre sur l'extérieur par des portes à l’est, au sud et à l’ouest. Une grande avenue, large de dix mètres, longe l’axe du centre. Sur les côtés, les ruelles s’enchevêtrent pour diviser la cité en différentes parties. Les bureaux des autorités locales et les habitats étaient rassemblés au sud, alors qu’au nord, Encore plus au nord, on trouve un ancien cimetière d'où on a excavé les vestiges d’un temple souterrain en 1994.

Jiaohe a une histoire deux fois millénaire, c'est-à-dire depuis l’époque du royaume Cheshiqian, sous les Han de l’Ouest, dont elle était la capitale.  Au fil du temps, la cité s’est élargie, prenant une plus grande envergure. Toutefois elle a finalement été détruite par la guerre, à la fin du XIIIe siècle.

Les Tombeaux d’Astana-Karakhoja comptent parmi les tombeaux anciens les plus connus du monde. Situés à 40 km au sud-est de Turpan, ils couvrent une superficie de 8 km2. Ces tombeaux, qui servaient tant pour les officiels que pour les gens ordinaires, ont été construits entre les IIIe et VIIIe siècles. On y a découvert des peintures murales réalistes, ainsi que des épitaphes, des statues en terre cuite, des rubans de vêtements et des chaussures. On y a aussi trouvé des documents, des archives, des lettres et des livres de comptes. La découverte de ces papiers, qu'on appelle la littérature de Turpan, a fait sensation dans le monde entier; c'est cette découverte qui a fait entreprendre l’étude internationale sur Turpan. Jusqu’ici, quelque 400 tombes y ont été découvertes et des dizaines de milliers d’objets anciens en ont été excavés.

Situées à 56 km au nord-est de Turpan, les grottes des mille Bouddhas de Baizeklik abritent des fresques bouddhiques renommées. Elles ont été construites au VIe siècle. Dans la langue ouïgoure, Baizeklik signifie « lieu de belles décorations ». Sous les Tang (640-960), elles constituaient le centre du bouddhisme. Parmi les 83 grottes, 40 conservent encore des peintures murales.

Un autre site à visiter est le minaret Emin, aussi appelé Su Gong Ta. Situé à 2 km à l’est de la ville de Turpan, il est le plus grand minaret de Chine. Il a été construit par Emin Khoja, gouverneur de Turpan, pour exprimer sa gratitude envers l’empereur. Le corps du minaret est décoré d’ondulations et de motifs de fleurs à quatre pétales. Un escalier en spirale, en forme de colonne et comptant 71 marches, mène au sommet.

À sa base, ce minaret se joint à la mosquée pour former un tout. L’ensemble présente un style architectural typique des édifices islamiques de Chine.

Étonnants systèmes d’ingénierie, les puits appelés karez reflètent le savoir-faire technique de la région ouïgoure. Ils ont été l’un des trois grands ouvrages de la Chine antique, les deux autres étant la Grande Muraille et le Grand Canal Beijing-Hangzhou.

Puisque Turpan est une région aride, les karez utilisent pleinement les eaux souterraines. Ce genre de système combine une série de puits et fait se relier les canalisations souterraines. Il profite de la gravité pour monter l’eau vers la surface, souvent d’une source lointaine. Le système des karez irrigue 75 % des champs de Turpan.

Une visite intéressante pour les touristes consiste à descendre dans ces systèmes pour admirer leur structure, tout en profitant de la promenade dans les tunnels pour échapper à la chaleur du dehors. On compte en tout 1 200 systèmes de karez à Turpan, pour une longueur totale de 5 000 km.