OCTOBRE 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

ConnaÎtre enfin toute la famille!

LISA CARDUCCI

Trois générations de la famille Lan réunies. L’âge n’est pas un obstacle devant la beauté des grottes bouddhiques de Dazu. Lan Zeming, son épouse Sun Shi’an et sa sœur Lan Zebing.

Lan Chaowen, de l’Institut de recherche de l’Académie des sciences, fut ma seconde amie chinoise. Je l’ai connue à Montréal en 1986, alors qu’elle effectuait un stage et que je revenais de mon premier voyage en Chine. Depuis, nous sommes restées en contact. Combien de fois ne m’a-t-elle pas parlé de sa sœur et de son frère ainés, qui vivent toujours à Dazu! Dazu est le foyer des grottes bouddhiques sculptées qui occupent le quatrième rang en importance au pays. Mais quand je les ai visitées, je les ai trouvées égales en beauté et richesse aux trois autres endroits qui les devancent.

Lan Chaowen m’a appris à préparer certains mets sichuanais. C’est une femme totalement dévouée à ses amis et qui, bien que fort occupée, trouve toujours le temps de rendre service.

Lors du long congé du 1er mai, je suis allée visiter les grottes de Dazu, et la famille de Lan Chaowen.

Au moment de l’entrevue, tous les membres de la famille – trois générations – étaient sur place.

Lan Zebing, vous êtes l’aînée de trois enfants. Présentez-moi votre famille svp.

Je suis née en 1929; mon frère, Lan Zeming, en 1938. Lan Chaowen, elle, est la cadette, née en 1944.  Comme vous le voyez, nous avons une grande différence d’âge.

Vous êtes tous nés à Dazu?

Lan Zeming : Et nous y avons fait nos études. Nous, les deux premiers, à l’école normale locale. Notre famille était très pauvre. Quand notre père est décédé, j’avais environ 17 ans. Lan Chaowen n’avait que 2 ans. Notre mère élevait des porcs, des poulets, des oies, et elle préparait des légumes salés qu’elle vendait pour nous faire vivre. Au secondaire, nous devions travailler pour payer nos études, mais ensuite, à l’école normale, l’État se chargeait des frais. Après, ma grande sœur a commencé à enseigner à l’école primaire et gagnait alors 29,5 yuans par mois, mais il fallait 5 yuans par mois pour les études de la petite.

Vous êtes devenu enseignant vous aussi?

Lan Zeming : En 1959, j’ai commencé à enseigner la musique et le chant dans une école. Mais à partir de 1982, j’ai fait de l’enseignement privé, jusqu’à ma retraite en 1998.

Quand est arrivée la Révolution culturelle, on a fermé les écoles?

Lan Zebing : Non, mais les enfants ne fréquentaient plus l’école. Ce n’est qu’en 1975 que je suis retournée à l’enseignement, comme directrice d’école, cette fois, et jusqu’en 1988 où j’ai pris ma retraite.

Il y a donc déjà seize ans que vous êtes à la retraite. Comment passez-vous votre temps maintenant que vous ne travaillez plus?

Lan Zebing : Eh bien, je fréquente l’Université du troisième âge. J’aime bien étudier l’histoire. Et tout ce qui a rapport à la santé. J’aime le chant aussi, et écrire des poèmes. 

Vous suivez des cours tous les jours?

Non. Une demi-journée par matière.

Et vous, Lan Zeming?

Je m’adonne à la calligraphie et à la peinture. J’enseigne aussi à mes petits-enfants, Lan Fan et Gou Yue, nos arts traditionnels.

Ils apprennent bien?

Ils ont du talent et de la bonne volonté.

Lan Zebing : Il chante aussi, et il aime bien danser!

Ah! Vraiment? Est-ce que vous voyagez aussi?

Lan Zeming : Tant que mes petits-enfants fréquentent l’école, je n’ai pas le temps. Mais je veux bien aller à Beijing en 2008. En ce moment, je me contente de lire : des biographies de personnalités étrangères, des livres de haute technologie… cela me tient près du monde actuel.

Parlez-moi un peu de votre épouse et de vos enfants.

Sun Shi’an est née en 1940. Après ses études secondaires, elle a continué d’étudier tout en enseignant. En 1959, elle est entrée à la faculté de chinois de l’Université normale du Sud-Ouest. Nous avons eu deux enfants : notre fille Lan Hong est née en 1967 et notre fils Lan Wei, en 1969. Pendant la Révolution culturelle, leur mère s’occupait de leur éducation.

Sun Shi’an : Il était très difficile d’étudier autrefois, et de faire étudier nos enfants. Tout l’argent de la famille y passait.  Mes deux sœurs et moi avions eu la chance de faire des études supérieures sans passer d’examen, aux frais de l’État. Une séance de cinéma ne coûtait que 0,5 yuan, mais nous ne les avions pas! Nous portions les mêmes vêtements l’été et l’hiver, et jusqu’à ce qu’ils tombent en lambeaux. Maintenant que je suis à la retraite, et que nous avons notre propre maison, c’est le parfait bonheur! De plus, dans la famille, l’esprit d’entraide est très bon et Lan Chaowen est toujours là pour nous aider en cas de besoin.

Elle m’a souvent répété combien elle devait à son frère et à sa sœur, qui ont joué auprès d’elle le rôle de parents.

Quel âge ont vos petits-enfants actuellement?

Notre fils a un garçon de 11 ans, notre fille, une fillette de 10 ans.

Puis-je vous demander combien vous touchez comme allocation de retraite?

Sun : Plus de 1 000 yuans chacun, mon mari et moi.

Lan Zebing : Mon frère et sa femme ont tous les deux le titre de « professeur ».

Moi, je touche entre 800 et 900 yuans par mois, incluant les frais de santé. Et j’ai droit à 300 ou 400 yuans de remboursement par an.

Quelle est la dimension de votre appartement?

Sun : Quatre-vingt-dix-huit mètres carrés. Nous l’avons achetée en 1998, pour 28 000 yuans, dont 5 000 versés par nous-mêmes. Le reste a été assumé par le gouvernement.

Lan Zeming : Vous voyez, notre niveau de vie s’est bien amélioré!

Combien de personnes vivent dans cet appartement?

Lan Zeming : Ma femme, moi et ma sœur. Chacun de nous a une pièce à soi. Mon fils Lan Wei a un appartement semblable dans le même bâtiment, au quatrième. Nous préférions le second étage. Et ma fille a son propre appartement dans un autre édifice du même complexe.

L’endroit est très joli et tranquille. Et que de fleurs! À tous les balcons et fenêtres! Je me retrouve en Italie!

Lan Wei : Pas de pollution ici, car nous n’avons pas d’industrie. La population est constituée d’agriculteurs surtout, 80 %.

Lan Wei, vous êtes né en 1969. Que faisiez-vous à Beijing lorsque je vous ai connu, chez votre tante, lors de mon second séjour en Chine en 1989?

J’achevais mon service miliaire de trois années comme volontaire. Je n’étais pas tellement porté vers les hautes études. Donc, après l’école secondaire, j’ai offert mes services à l’État. C’était avantageux pour moi, car par la suite, je serais affecté par le gouvernement à un poste de travail.

Lequel?

De 1990 à 2001, j’ai travaillé dans un bureau. En 2002, je suis devenu chauffeur.

La voiture avec laquelle vous êtes venu me chercher à la gare est celle de votre unité?

Oui, mais en dehors des heures de travail, je jouis du plein usage.

Vous avez visité plusieurs endroits?

Je suis allé à Beijing, à Wuhan, à Lanzhou et dans les provinces du Hubei et du Shaanxi ainsi que dans la région autonome hui du Ningxia.

Quelle sera la prochaine étape?

Je rêve d’aller à Hongkong, et un peu partout dans le pays en voiture, parce que j’ai la chance de conduire. Aussi dans les pays d’Asie du Sud-Est, parce que ce n’est pas très cher.

Qu’est-ce qui vous en empêche?

Les études de mon fils. Quand il aura terminé son secondaire, alors oui. Il y a de bonnes écoles ici, à Dazu, mais s’il choisit de faire ses études à Chongqing, alors tout mon salaire y passera.

Et vous gagnez combien actuellement?

Je touche 800 yuans par mois (un peu moins de 100 USD) en liquide, mais il y a toujours les avantages intégrés, bien sûr.

Comment se classe votre famille par rapport à l’ensemble du Sichuan?

D’abord, laissez-moi vous rappeler que nous n’avons plus rien à voir avec le Sichuan. Dazu relève de Chongqing qui est devenue la quatrième municipalité de Chine directement sous l’autorité centrale. Pour Chongqing, donc, nous sommes une famille moyenne.

Que fait votre épouse?

Liu Zhonglin travaille au bureau du gouvernement du district. Ma sœur, Lan Hong, est préposée à la perception des frais de téléphone pour la municipalité, et son mari, Gou Zhongyin, est statisticien.

Vous avez dit tout à l’heure, Lan Zeming, que votre vie s’est améliorée ces dernières années.  Pourriez-vous me donner des exemples?

Certainement. En 1995, il fallait encore une journée pour aller à Chengdu, à 240 km d’ici. Maintenant, par l’autoroute, quatre heures suffisent. Un autre exemple : autrefois, on avait une seule paire de chaussures pour toute la vie; maintenant, on peut changer tant qu’on veut. Et encore, voyez cet éventail de paille. C’est un objet désuet aujourd’hui, car nous avons l’air conditionné dans toutes les maisons.

Comment entrevoyez-vous l’avenir de la Chine?

Sun Shi’an : Très brillant. Le progrès est visible à l’œil nu. Les biens et marchandises sont abondants sur le marché; les électroménagers, l’ordinateur sont entrés dans tous les foyers. On a la télé à écran géant. L’éducation progresse petit à petit, mais il faut encore l’améliorer beaucoup, de même que les sciences.

Et l’honnêteté du gouvernement, ajoute un autre membre de la famille. Et les transports.

Quels sont les plus grands problèmes actuellement?

Premièrement, l’application de la loi; deuxièmement, la corruption; troisièmement, l’éducation, intellectuelle et morale.

Il me paraît évident à vous entendre que vous êtes des membres du Parti communiste, je me trompe?

Ils le sont tous, sauf deux. Et ce ne sont pas ceux que j’aurais cru.