Bienvenue chez les Shi
CÉLINE PERRAUD
À
quelques kilomètres de Tianjin, dans le bourg de Yangliuqing,
il est possible de visiter la résidence de la famille Shi.
Considérée comme la « Première résidence
de la Chine du Nord » par les habitants de la région,
elle constitue un beau témoignage des subtilités architecturales
sous les Qing (1644-1911), et surtout, elle rappelle limportance
de la famille Shi qui a largement contribué au développement
de la ville et à son rayonnement. Elle abrite en outre un
musée qui permet de découvrir le folklore et lart
populaire sous les Qing.
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Une porte originale |
La résidence de la famille Shi, lune des huit plus
riches familles de Tianjin durant la dynastie des Qing, a été
bâtie en 1875. Elle occupe un immense siheyuan (type
dhabitation traditionnelle) de 6 000 m² qui abrite 278
pièces, mais également de nombreuses cours carrées,
un petit théâtre traditionnel et un jardin.
Une famille de renom
À lorigine, la famille Shi possédait un commerce
de transport entre le Shandong et Tianjin. Cest pour cette
raison que, sous le règne de lempereur Yongzheng (1723-1735),
elle sinstalle à Tianjin. En 1785, elle déménage
de quelques kilomètres, dans le bourg de Yangliuqing. Lentreprise
familiale prospère, car les descendants sont sérieux
et travaillent bien.
Lun deux notamment, Shi Baoheng, cinquième et
dernier de sa fratrie, savère particulièrement
intelligent et senrichit considérablement en réalisant
des transactions commerciales fructueuses. En 1861, son fils aîné,
Shi Yuanjun, réussit brillamment lexamen national et
devient vice-ministre de lIndustrie. Il refuse par la suite
de plus hautes fonctions gouvernementales afin de rester auprès
de sa famille. Cest cependant grâce à lui que
la famille Shi acquiert une notoriété, passant de
simples marchands à personnages influents socialement et
politiquement.
Vers la fin du XIXe siècle, la famille entretient de bonnes
relations avec de hauts fonctionnaires. Peu après, Shi Yuanshi,
dernier maître de la résidence, est reçu par
le chancelier et limpératrice douairière Cixi
qui lui octroient un titre de noblesse pour son investissement considérable
dans les affaires du pays. Il offre par exemple beaucoup dargent
afin de créer des associations caritatives. Cest à
ce moment que la famille Shi commence à être connue
et particulièrement appréciée de la population.
Puis, au cours du XXe siècle, différents revers affectent
la fortune familiale; en 1948, les Shi se voient contraints de vendre
la totalité de leurs entreprises.
En juin 1987, le gouvernement de larrondissement investit
5,6 millions de yuans pour restaurer la demeure des Shi. Enfin,
en 1992, la résidence des Shi devient un musée de
la municipalité de Tianjin.
Le 25 mai 2006, ce musée est classé parmi les sites
historiques au niveau national.
Impressionnante demeure
Le musée ne donne accès quà une partie
de la cour originale, mais présente déjà des
singularités remarquables. Loin dêtre un siheyuan
comme tant dautres, la résidence des Shi offre une
multitude de petits détails qui en font un ravissement pour
les yeux et lesprit.
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La quiétude
du jardin |
Le caractère
shou est également visible dans les cours. |
Le ton est donné dès lentrée : nos yeux
sont happés par un immense chou chinois en jade qui scintille
au soleil; en chinois, ce légume sappelle bai cai,
sa prononciation est identique à lexpression «
immense fortune »; cest une façon élégante
et imagée de souhaiter à la famille une réussite
financière.
Dans la plupart des cours, un grand caractère fu
(« bonne fortune » en chinois) est calligraphié
au mur. Mais il est aussi présent sous différentes
formes. Ainsi, le long des portes, il nest pas rare de voir
une chauve-souris sculptée dans la pierre; tout simplement
parce quen chinois le nom de cet animal se prononce fu. Plus
subtiles encore sont les fleurs de lotus, traditionnellement de
bon augure, qui ornent les portes successives de lallée
principale: du nord au sud, elles apparaissent dabord fermées,
puis ouvertes à demi, et enfin grandes ouvertes; ces étapes
progressives symbolisent une fortune familiale de plus en plus grande
de génération en génération.
Le théâtre couvert, bien conservé, vaut lui
aussi le détour. Dune capacité de 120 spectateurs,
avec une scène de 20 m², il offre une très bonne
acoustique et a été conçu de telle sorte quil
conserve la fraîcheur en été et la chaleur en
hiver. Mais sa plus grande excentricité est limmense
caractère chinois shou, le caractère de la
longévité, calligraphié sur le toit. Invisible
de tous, il rappelle sans ostentation, seulement à ceux qui
connaissent sa présence, limportance de durer.
En flânant le long des corridors de briques grises, en pénétrant
dans les admirables cours, on arrivera, à un moment ou à
un autre, au détour dune porte rouge, dans le petit
jardin, très calme et reposant. Un petit plan deau,
quelques pavillons, rocailles et bambous suffisent pour quon
sy sente merveilleusement bien.
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Le bai cai nous accueille.
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Témoignage vivant
Nous faire revivre comme sous la dynastie des Qing, telle est lambition
de ce musée. Il nous offre non seulement loccasion
de contempler une des demeures classiques les mieux conservées
de Chine, mais expose en outre dans plusieurs pavillons des mobiliers
ou dessins, témoignages de la vie dalors. On peut voir
les chambres à coucher ou les salons de la famille, mais
également comment se déroulaient les mariages à
Tianjin, ou encore des objets dart populaire.
En outre, en ce moment, quelques parties sont en rénovation,
restaurées à lidentique : si lon observe
un peu les ouvriers présents, on apprendra beaucoup sur la
façon de bâtir ces impressionnantes demeures qui, plus
dun siècle après leur construction, constituent
une illustration vivante et poignante de ce qua dû être
la vie fastueuse des grands personnages de la dynastie des Qing.
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