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Souvenirs du système de douves de Beijing

HUO JIANYING

La douve nouvellement restaurée, à l’extérieur de la porte Deshengmen

Un article qui vous fait plonger dans l’histoire millénaire des nombreuses voies d’eau qui sillonnent Beijing. En vigueur depuis 2002, le Plan de protection de la ville historique et culturelle de Beijing tente de redonner toute leur beauté d’antan aux sections des douves qui sont les plus importantes sur le plan historique, ce qui en incitera plusieurs à les redécouvrir sur place.

EN près d’un millénaire, Beijing a été la capitale de quatre dynasties : les Jin (règne des Jurchen, 1115-1234), les Yuan (l’empire mongol, 1271-1368), les Ming (règne des Han, 1368-1644) et les Qing (règne des Mandchous, 1644-1911). Sur toutes les cartes de la Beijing dynastique, on trouve une ligne bleue représentant l’eau qui délimitait le contour de la ville : la « capitale centrale » des Jin, de forme carrée; la « grande capitale » rectangulaire des Yuan; et la « capitale du Nord » (bei, nord, et jing, capitale), en forme de T, des dynasties des Ming et des Qing. En dépit des changements apportés aux délimitations de la ville au cours des dynasties, une douve, indiquée en bleu, a toujours tracé les contours de la capitale. Son nom, signifiant littéralement « cours d’eau protégeant la ville », est également resté le même tout au long des siècles. Une ville emmurée entourée d’une douve était typique de la construction ur-baine en Chine ancienne. Cette douve servait de défense, mais aussi à assurer l’approvisionnement en eau et son évacuation en cas de trop-plein.

 

 

Illustration du pont Wanning, également connu comme pont de la Porte arrière, qui enjambait la douve impériale à l’époque des Ming (1368-1644) et des Qing (1644-1911). La douve à l’extérieur de la porte Yongdingmen était en piteux état à la fin de la dynastie des Qing.

Douves intérieures et extérieures

Le système de douves de Beijing était plus complexe que celui d’autres villes chinoises, car il comprenait les douves extérieure, intérieure et impériale. La capitale des Ming et des Qing était divisée par quatre enceintes concentriques qui la séparaient en villes extérieure, intérieure, impériale et du palais (Cité interdite), et chaque mur d’enceinte était entouré d’une douve. Quelques sections de ce système sont encore visibles aujourd’hui.

La douve se jette dans le lac Jishuitan via un passage d’eau. Sous le pont Yinding (Lingot d’argent), à Shichahai, la douve se dirige vers la ville impériale.

Selon les registres, les douves extérieure et intérieure de la dynastie des Ming avaient 52 m de large, 5 m de profondeur et 20 m à partir du bas du mur d’enceinte. Leurs talus verticaux étaient formés de blocs de granit de 50 cm d’épaisseur par 70 cm de large, dotés d’un muret au niveau du sol. Le lit de la douve était en terre battue. Ces deux douves avaient environ 41 km de long.

La rivière Changhe, une source importante de la douve Tronçon de la douve à l’intérieur de la Cité interdite. À cet endroit, elle est connue comme le ruisseau aux Eaux d’or.

La douve intérieure a été creusée sous l’empereur Yongle (règne de 1403 à 1424), au moment où il a reconstruit Beijing comme capitale des Ming. Elle suit grosso modo le tracé de l’actuel deuxième périphérique. La douve extérieure est un ouvrage inachevé, lancé par l’empereur Jiajing (règne de 1521 à 1566). Puisque les Ming subissaient fréquemment des attaques des tribus nomades, l’empereur avait décidé d’établir une ville extérieure comme zone tampon. La construction avait commencé en 1550, mais elle a été suspendue peu de temps après en raison de la résistance de la population à la destruction massive des résidences civiles et des boutiques. La construction a repris en 1553. Selon le plan original, le mur extérieur devait entourer toute la ville et aurait eu 11 portes fortifiées et plusieurs passages d’eau et écluses. La construction avait commencé dans le sud, à l’extérieur de l’actuelle porte Zhengyangmen.

L’ouvrage n’a pas été plus loin, car de plus en plus de conflits avaient lieu aux frontières et un incendie accidentel avait endommagé une partie de la Cité interdite; disposant alors de ressources financières et matérielles restreintes, la cour impériale a été forcée de se limiter à la défense nationale et à la reconstruction du palais impérial. À court d’argent et ne voyant aucune autre option, les constructeurs ont étendu, vers le nord, la section sud déjà complétée du mur extérieur de la ville afin qu’elle rejoigne le mur intérieur, transformant ainsi la forme de la ville emmurée en un « T » renversé.

Le cours principal de la douve extérieure, aujourd’hui connu sous le nom de canal du Sud, mesure de 22 à 45 m de large et a 15,5 km de long. Il commence à Xibianmen et coule en direction nord, dans la rivière Tonghui, en passant par Guangqumen, reliant ainsi le canal de l’Ouest à la rivière du Lotus.

Pendant les dynasties des Ming et des Qing, Beijing avait beaucoup d’eau, et ses collines de l’Ouest avaient la réputation d’avoir plus de 30 sources célèbres qui alimentaient la ville par le lac Kunming et les rivières Changhe et Gaoliang. Selon une étude menée par le Service municipal de géologie de Beijing dans les années 1950, la ville disposait de 1 347 sources.

Passages d’eau

Autrefois, la ligne de partage entre la ville et la campagne était clairement délimitée par la douve de Beijing au pied du mur d’enceinte de la ville. À l’extérieur de la douve, c’était une scène pastorale de champs en damiers que venaient interrompre les rivières et les lacs bordés de saules.

Pendant la dynastie des Yuan, l’endroit aujourd’hui connu sous le nom de Jishuitan, dans le nord de la ville, était le point d’arrivée du Grand Canal Hangzhou-Beijing. Ce vaste plan d’eau bourdonnait de l’activité des navires marchands et était bordé par diverses boutiques. Pendant la dynastie des Ming, un mur d’enceinte et une douve y ont été construits, de sorte que Jishuitan a été emmuré à l’intérieur de la porte Deshengmen, ce qui a rétréci considérablement la superficie de son plan d’eau.

L’endroit immédiatement à l’extérieur de cette porte était appelé Shuiguan (passage d’eau); c’était un tunnel sous le mur d’enceinte de la ville qui permettait à l’eau de la douve de couler dans la ville. Le passage d’eau du mur de la ville extérieure disposait d’une écluse pour contrôler le flux de l’eau. Celui du mur de la ville intérieure était une arche qui avait été construite en dalles de pierre et qui était clôturée par des rampes en fer. L’eau s’engouffrait dans cette arche avec un bruit assourdissant et rafraîchissait l’air environnant. En face de l’arche se dressait une stèle en pierre portant la sculpture d’une bête féroce et grotesque qui semblait mater l’eau. L’animal avait une apparence si effrayante que peu d’enfants osaient s’en approcher. Ce passage d’eau était situé dans le mur d’enceinte à l’ouest de la porte Deshengmen. Il a été démoli dans les années 1960, lorsque le deuxième périphérique et le métro ont été construits.

La douve du nord-ouest fournissait l’eau à l’intérieur de la ville. Après être entrée par le passage d’eau à l’ouest de la porte Deshengmen, elle se divisait en deux cours. L’un d’eux coulait en direction sud, vers Jishuitan et dans les lacs Shichahai et Beihai, ainsi que dans le ruisseau aux Eaux d’or du Palais impérial. L’autre suivait le cours de la douve, coulant en direction sud-est vers la rivière Tonghui, en passant par les portes Andingmen, Dongzhimen, Chaoyangmen et Dongbianmen. Le canal Tonghui a été aménagé pendant la dynastie des Yuan afin que le Grand Canal soit relié au système hydraulique de la ville intérieure. Le canal Tonghui a été utilisé jusqu’au début du XXe siècle.

Le vieux mur d’enceinte de Beijing avait 13 passages d’eau qui servaient de complément au système d’approvisionnement en eau et de tout-à-l’égout de la ville. Ces passages étaient clôturés par deux ou trois rampes de fer et gardés par des soldats.

La douve impériale

Les douves de Beijing qui encerclaient la zone impériale et celle du palais étaient connues comme les douves impériales. Aujourd’hui, on ne peut plus vraiment voir la première, mais la dernière – celle entourant la Cité interdite – est presque intacte.

La ville impériale qui entourait directement la Cité interdite était une zone spéciale de services pour la famille impériale. Pendant les dynasties des Ming et des Qing, cette zone abritait les bureaux du gouvernement central, quelques temples impériaux et divers services s’occupant des besoins de la famille impériale, notamment l’Entrepôt de riz et de sel, le Bureau du tissage et de la teinturerie, l’Entrepôt de porcelaine et les Archives impériales. Après la chute de la dynastie des Qing en 1911, les murs de la ville impériale et sa douve ont disparu avec la reconstruction de la ville. Aujourd’hui, les seuls souvenirs de ces endroits sont les noms de certains d’entre eux.

Une ruelle près de l’actuel Donghuangchenggen (au pied du mur d’enceinte Est) est nommée Qihelou (tour enjambant la rivière). Elle fait référence à un pont de style pavillon, construit au-dessus de la douve impériale durant la dynastie des Ming. La ruelle a survécu, mais le pont a disparu à la fin de la dynastie des Qing.

De même, le hutong (ruelle) Yinzha (écluse d’argent), à l’ouest de Qihelou, serpente comme un cours d’eau, car pendant la dynastie des Yuan, l’endroit faisait partie du système fluvial impérial et est devenu un pâturage impérial de chevaux pendant la dynastie des Ming. D’autres noms à proximité rappellent également la douve impériale : Nanheyan (bord méridional de la rivière), Beiheyan (bord septentrional de la rivière), le hutong Beihe (ruelle de la Rivière Nord) et le canal Changpu qui aujourd’hui n’est qu’un petit plan d’eau.

La douve autour de la Cité interdite est également connue comme le canal Tongzi (tube), et le tronçon devant la porte Tian’anmen est appelé le ruisseau aux Eaux d’or. La douve – 52 m de large, 4 m de profondeur et 3,5 km de long – était la première ligne défensive à l’extérieur du palais impérial, et ses rives sont fortifiées avec des blocs de pierre. à l’intérieur de la Cité interdite, les rives et le lit du ruisseau aux Eaux d’or intérieur ont un revêtement en marbre blanc.

Comme les douves à l’extérieur du palais, la douve impériale avait deux fonctions : barrière défensive et système d’approvisionnement en eau et tout-à-l’égout. Deux incendies qui ont éclaté dans le palais pendant la dynastie des Ming ont été éteints en utilisant l’eau de la douve, et la reconstruction du palais pendant la dynastie des Qing a également tiré parti de cette douve. La famille impériale des Qing y faisait pousser des lotus. Les racines étaient utilisées par la cuisine impériale, alors que les plantes en surplus étaient vendues sur les marchés à l’extérieur.

Le passé et le présent

Ce n’est que ces dernières décennies que les sécheresses affligent Beijing. En fait, selon les registres, au cours des 800 ans allant de la dynastie des Jin jusqu’à 1949, la rivière Yong-ding a inondé Beijing à 140 reprises, dont 68 fois durant les 268 années de la dynastie des Qing : en moyenne une fois tous les quatre ans. Cependant, la capitale impériale n’a jamais été inondée, grâce au solide et efficace système de douves qui, en plus de fournir un système de transport par voie d’eau et d’offrir un beau paysage, avait des fonctions de défense et d’écoulement des trop grands afflux d’eau.

Malheureusement, la grande partie de l’ancienne douve a été détruite lors de l’expansion de la ville. Le cas le plus récent a été la disparition de la douve, aménagée par l’empereur Yongle, qui coulait par les portes Xuanwumen, Qianmen et Chongwenmen. Les gens de l’endroit la surnommaient la douve de Qiansanmen (trois portes antérieures). Avant la construction de la ville extérieure, la douve de Qiansanmen était la ligne défensive au sud de la capitale des Ming. Plus tard, elle est devenue la seule voie d’eau artificielle à traverser Beijing. Les bateaux qui transportaient des céréales et les tributs impériaux en provenance de la Chine du Sud, par le Grand Canal, entraient dans la ville par le tronçon Est de la douve. Pendant les dynasties des Ming et des Qing, la douve était également une zone de loisirs pour les citoyens qui patinaient sur ses eaux gelées en hiver et y laissaient flotter des lanternes en été. En 1965, la douve a été transformée en cours d’eau souterrain.

Les choses ont commencé à changer dans les années 1980. Dans les années 1990, la rénovation de la douve de la Cité interdite était déjà complétée, et une partie de la douve de la ville impériale avait été réaménagée. En 2002, le Plan de protection de la ville historique et culturelle de Beijing a, pour la première fois, inclus la protection du système hydraulique municipal comme projet spécial. L’objectif de ce plan est de rénover et de protéger ce système urbain si important et si étroitement lié à la longue histoire de la ville, et d’en restaurer autant de sections que possible. La même année, la rivière Changpu est redevenue un cours d’eau à ciel ouvert, à l’est de la porte Tian’anmen, au moment où les dalles et les bâtiments provisoires qui la couvraient ont été enlevés. La section restaurée est maintenant un parc.

Un plan à long terme de restauration de la douve de Qiansanmen a également été élaboré. La tâche actuelle est de limiter le développement immobilier dans la zone, et au moment opportun, les nombreuses tours résidentielles seront démolies pour faire émerger de nouveau la douve.

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