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LHISTOIRE de lhumanité a commencé il y a des centaines de milliers dannées, quand nos ancêtres ont appris à façonner des outils à partir des pierres, se distinguant ainsi des autres singes anthropoïdes qui ne se servaient des pierres que pour casser la coquille des noix. En quelque sorte, les pierres ont marqué le début de lévolution du genre humain. Leur rôle dans cette évolution témoigne également de laffinité innée du genre humain avec son environnement.
Légendes à propos des pierres
Selon la mythologie chinoise, la déesse Nüwa modela lhomme et la femme à partir de largile. Peu de temps après cette création, une gigantesque catastrophe sabattit sur le genre humain : Gonggong, dieu de lEau, combattit Zhurong, dieu du Feu, mais en vain. Pris de colère, Gonggong se frappa la tête contre le mont Buzhou, et une seconde plus tard, le mont explosa, la terre se fissura et le pilier qui se dressait entre elle et le ciel se brisa, faisant seffondrer la moitié de ce dernier. De plus, ces phénomènes mirent le feu aux forêts et causèrent des crues qui inondèrent la terre. Voyant la ruine de lenvironnement de vie de ses fils et de ses filles, Nüwa se montra si préoccupée quelle décida, en utilisant des pierres, de boucher le trou qui sétait ouvert dans le ciel. Lhumanité fut ainsi sauvée du désastre.
Limportance de la pierre dans lévolution du genre humain est également démontrée ailleurs dans la littérature chinoise. Trois des « quatre plus grands romans classiques » chinois (Le Roman des trois royaumes, Au bord de leau, Le Pèlerinage vers lOuest et Le Rêve dans le pavillon rouge) souvrent avec une histoire dans laquelle il est question de pierres. Au bord de leau, qui raconte les aventures dun groupe de rebelles, se passe dans le contexte historique de la fin de la dynastie des Song du Nord (960-1127), alors que lempereur Huizong mobilisa les ressources du pays pour extraire et transporter des roches et des pierres de fantaisie vers la capitale afin dy construire son jardin impérial. Cette activité rendit la vie des gens du pays si misérable que beaucoup se révoltèrent contre la tyrannie impériale. Le Pèlerinage vers lOuest présente le roi-singe Sun Wukong, conçu et né à partir dune pierre surnaturelle. À lorigine, le roman Le Rêve dans le pavillon rouge était intitulé LHistoire de la pierre. Ce dernier souvre par la description de lorigine du protagoniste masculin, Jia Baoyu : une pierre multicolore, que la déesse Nüwa avait laissée derrière elle après avoir réparé le ciel, a acquis un esprit puisquelle avait absorbé lessence du ciel et de la terre pendant des millénaires. Cette pierre sest alors réincarnée comme être humain et est venue au monde comme petit-fils de la famille aristocratique des Jia. Lenfant est né avec une pièce de jade lumineux dans la bouche, témoignage de son existence antérieure, et cest pour cette raison quil a été nommé Baoyu (Jade précieux). Dans les temps anciens, les gens ne pouvaient pas distinguer lémeraude, lagate, le jade et dautres pierres précieuses à partir de leur composition chimique, de sorte quils en parlaient en employant le terme général de « pierre ». Pour faire la distinction entre les différentes pierres précieuses et les pierres ordinaires, ils ont appelé les premières « belles pierres », sauf quils donnaient également ce nom aux pierres qui sétaient formées naturellement et dont les formes bizarres leur procuraient une valeur esthétique.
Quelques amoureux des pierres
Les Chinois, en particulier les intellectuels, ont un amour spécial pour les belles pierres uniques quils considèrent comme des « chefs-duvre de la nature », et ils personnifient souvent leurs caractéristiques en se basant sur un concept philosophique selon lequel existe une « unité entre lhomme et la nature ». Beaucoup de Chinois collectionnent des pierres de valeur esthétique, installent de grosses pierres comme décorations architecturales dans leur jardin et enchâssent des petites pour les placer sur des bureaux et des étagères comme ornement pour leur demeure. Les amoureux des pierres découvrent toujours un lien émotif avec des pierres uniques et perçoivent des attributs personnels aux rochers. Beaucoup dhommes de lettres célèbres de la Chine antique étaient des amoureux des pierres, dont les poètes Bai Juyi et Du Fu, de la dynastie des Tang (618-907), ainsi que Mi Wanzhong, de la dynastie des Ming (1368-1644). Mi Wanzhong (1570-1628) était un officiel et un lettré. Il aimait lire et était un esprit universel. Ses peintures et ses calligraphies étaient hautement respectées pour leur élégance et leur bon goût. Il était tellement connu comme amoureux des pierres quon la surnommé l« Ami des pierres ». La pierre énorme qui se dresse maintenant sur une base en marbre blanc, dans la cour du palais de la Joie et de la Longévité, au palais dÉté à Beijing, est un témoignage de son obsession pour les pierres. Pour décorer le jardin de sa maison, alors quil demeurait à Beijing (où il occupait un poste qui, aujourdhui, serait léquivalent de vice-ministre des Transports), cet homme a parcouru les monts autour de la capitale et a finalement découvert, à Fang-shan, une pierre énorme qui semblait avoir poussé tout droit du sommet dune colline. Il a grimpé au sommet pour sincliner devant cette pierre et sest pâmé dadmiration pour elle. Il a donc décidé de linstaller dans son jardin. Il a dépensé sans retenue pour embaucher des ouvriers qui allaient extraire cette pierre, ouvrir une route de montagne et creuser des puits à intervalles réguliers le long de cette voie. Lhiver venu, il a demandé à ces ouvriers darroser la route et a loué des dizaines de chevaux pour traîner la pierre sur cette voie glacée. On dit quavant quelle narrive à Liangxiang, Mi Wanzhong avait dépensé tout son argent et a été forcé de laisser cette énorme pierre où elle était. Quand lempereur Qianlong des Qing (1644-1911) sest arrêté dans cette région, alors quil allait rendre hommage à ses ancêtres aux tombeaux impériaux de lOuest (situés dans le district de Yixian, Hebei), il a entendu parler de cette pierre et a demandé de la voir. Étant également tombé sous son charme en raison de son caractère unique, il a ordonné quelle soit transportée au palais dété, à Beijing.
L« empereur des pierres »
Lorsque lempereur Huizong a accédé au trône, en 1101 (il a gouverné jusquen 1127), la dynastie des Song du Nord amorcait déjà son déclin. Malgré cela, ce nouvel empereur se préoccupait peu de lintérêt national et utilisait son pouvoir pour sadonner à ses passe-temps personnels. Un exemple frappant concerne son utilisation des ressources pour la construction du jardin impérial Genyue, à Bianliang, capitale des Song (lactuelle Kaifeng, au Henan). La construction a commencé en 1117 et a été achevée six ans plus tard. Selon LHistoire de la dynastie des Song : Annales de la géographie, des plantes et des pierres étranges de diverses parties du pays « ont convergé » dans le jardin. À la différence des jardins précédents qui avaient hérité de la formule traditionnelle d« un étang et trois rocailles », instaurée pendant les dynasties des Qin (221 206 av. J.-C.) et des Han (206 av. J.-C. 220 apr. J. C.), dans le jardin Genyue, dune circonférence de trois kilomètres, on trouvait un grand nombre de rocailles énormes. Les deux cimes principales, la plus élevée ayant 150 m, se dressaient respectivement dans le sud et dans le nord et sétendaient dest en ouest en deux tronçons qui se refermaient peu à peu à lextrémité. Au centre, cétait un terrain plat. Lempereur Huizong a décerné différents titres aux pierres quil y avait fait apporter et a décerné des ceintures dor à certaines dentre elles. Il les a également cartographiées.
Bianliang était située près du fleuve Jaune et ne disposait ni de collines ni de pierres naturelles qui auraient pu être employées pour construire un jardin. La région du lac Taihu, dans le Jiangsu, était et est toujours la meilleure région de production de pierres de jardin. Lempereur Huizong a donc établi un bureau spécial à Suzhou, située tout près, et a donné à ce bureau le mandat de rassembler des plantes à fleurs uniques et des pierres. Parallèlement, les fonctionnaires des gouvernements central et local ne ménageaient aucun effort pour que lempereur puisse sadonner à son passe-temps. Ils ont utilisé leur pouvoir et mobilisé des ressources militaires et civiles pour extraire et transporter des pierres. Le lac Taihu était situé à quelque 1 000 km de Bianliang, et les pierres offertes en tribut, extraites dans la région, étaient habituellement énormes. Selon les registres, le Bureau de collecte des tributs de Suzhou « a fait lacquisition dune pierre énorme au lac Taihu, laquelle dépassait 10 m de largeur et de longueur; elle a été transportée par un gros bateau, tiré par 1 000 personnes et a nécessité quon élargisse la voie deau, quon enlève des ponts, quon démolisse des barrages et quon démantèle des écluses. Il a fallu plusieurs mois pour que la pierre arrive à destination. » À lhiver de 1126, une décennie après laménagement du jardin Genyue, les troupes des Jurchen (Jin) lont pillé et ont volé des rocailles. Durant le transport, certaines pierres, trop lourdes, ont dû être abandonnées. Les pierres restantes ont finalement été laissées à Yanshan (maintenant Beijing, qui a été la capitale des Jin peu après quils ont eu envahi la région). Aujourdhui, ces pierres peuvent encore être vues à Beijing, dont au parc Beihai, au Palais impérial, au parc Zhongshan et au palais dÉté.
Les jardins de Suzhou ont également quelques pierres du lac Taihu qui, au départ, étaient destinées au jardin Genyue, mais qui nont pas pu être transportées. La plus célèbre est la « Cime encapuchonnée de nuages » du jardin Liuyuan (Attardez-vous); elle a 5,6 m de haut. Témoins de lhistoire
Avec le développement de la gravure, la pierre a été employée couramment en architecture ornementale et dans la construction de tombeaux. Elle est ainsi devenue un témoin fidèle de lhistoire chinoise. La dynastie des Han est exceptionnelle pour ce qui est des tombeaux de grande valeur, et beaucoup de gravures sur pierre de cette dynastie ont été déterrées, dont lune avec un motif de filage et de tissage. Cette dernière présente de manière vivante lindustrie textile familiale de cette dynastie ainsi que les métiers à tisser à pédale, utilisés il y a 2 000 ans et dont la technologie était très avancée pour lépoque. Pour les gens daujourdhui, les inscriptions sur stèles de même que les inscriptions rupestres et sur falaises illustrent fidèlement le passé. Cest le mont Taishan (Shandong) qui abrite le plus grand nombre dinscriptions sur falaises laissées par diverses dynasties. La plus ancienne est un décret impérial écrit par le premier ministre Li Si de la dynastie des Qin. Parfois, même des stèles en pierre qui sont restées vierges parlent delles-mêmes, comme celle qui se dresse devant le mausolée de limpératrice Wu Zetian. La décision de cette impératrice de laisser lhistoire parler delle-même, en laissant en blanc la stèle de son tombeau, a permis aux gens daujourdhui de décoder les messages tacites qui sont écrits entre les lignes des registres. Ainsi, ils découvrent deux-mêmes le sens de la gouvernance et le charisme de cette femme dÉtat.
Des pierres dune valeur inestimable
Certaines pierres sont plus précieuses que lor, notamment la pierre Tianhuang du Fujian. Durant la dynastie des Qing, le gouverneur du Fujian a offert à lempereur Qianlong un ensemble de trois sceaux enchaînés ensemble qui avaient été fabriqués à partir dun seul bloc de pierre Tianhuang. Lempereur a beaucoup apprécié ces sceaux et les a soigneusement conservés en tant que trésor de la famille impériale. À la chute de la dynastie des Qing, le dernier empereur Puyi a cousu les trois sceaux à lintérieur de sa robe ouatée et a ainsi pu les sortir du palais.
On dit que cette pierre avait été produite dans le champ dune ferme de moins dun kilomètre carré, à Shoushan, au Fujian. Puisquelle a une couleur jaunâtre, la pierre a été nommée Tianhuang (champ jaune). Sa texture douce en a fait un matériau de premier choix pour la gravure. Pendant les dynasties des Ming et des Qing, cette pierre était populaire comme tribut impérial et on la surnommée « pierre impériale ». On dit que ce champ a produit seulement 100 kg de pierre Tianhuang avant dêtre épuisé. Par conséquent, les pierres Tianhuang qui restent aujourdhui ont une très grande valeur. Pesant 74,4 g, une sculpture dun animal, exécutée sur une pierre Tianhuang, a été vendue lan dernier à plus dun million de yuans, un montant plus élevé que lor. La pierre « Sang de poulet » produite à Changhua (au Zhejiang) a une valeur comparable à la pierre Tianhuang, et le mot « fou » est souvent employé pour décrire le prix quelle décroche parfois. En somme, au cours des millénaires, la pierre a toujours accompagné le genre humain dans les hauts et les bas quil a vécus. |
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Rédaction : 24, rue Baiwanzhuang, Beijing 100037, Chine |