Lhistoire
vivante
des timbres chinois
HUO JIANYING
À
lère des communications instantanées, il est
bon de se remémorer les moyens que les hommes ont dû
inventer pour communiquer à distance.
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Courrier représenté
dans une gravure sur brique, trouvée dans un tombeau
du Gansu, remontant à la période Wei-Jin (220-420). |
En août 1982, le Ier congrès de la Fédération
de philatélie de Chine sest tenu à Beijing,
et à cette occasion, le ministère chinois des Postes
et Télécommunications a publié un feuillet-souvenir.
Le timbre dépeint un ancien courrier sur un cheval au galop,
alors quà larrière-plan, des oies sauvages
volent en formation gracieuse. Sans autres meilleurs moyens de communication,
les Chinois de lAntiquité qui souhaitaient acheminer
des messages au loin tiraient profit de la migration nord-sud des
oiseaux en fixant de minuscules rouleaux à leurs pattes.
Lexpression « Hong yan chuan shu » (les
oies sauvages livrent des messages) a traversé un millénaire
pour devenir lune des expressions les plus anciennes de la
langue chinoise moderne.
Loie sauvage, lancêtre des courriers
La première référence à « Hongyan
chuan shu » se trouve dans les Annales de la dynastie
des Han : Biographie de Su Wu. On y relate que, pendant la
dynastie des Han (206 av. J.-C. 220 apr. J.-C.), Su Wu sest
rendu dans les contrées de lOuest afin de rencontrer
les Xiongnu en tant quenvoyé impérial des Han,
mais quil a été détenu en route par le
khan des Xiongnu et exilé à Beihai comme pasteur de
moutons.
Quand lempereur Zhaodi des Han est monté sur le trône,
il a tenté de maintenir de bonnes relations avec les Xiongnu
et a de nouveau dépêché un envoyé pour
demander le retour de Su Wu. Cependant, on lui a répondu
que Su était mort. Ce nest que plus tard que lenvoyé
a appris la vérité auprès dun membre
de lentourage de Su Wu. Il sest alors présenté
devant le khan des Xiongnu pour faire éclater la vérité.
En utilisant une ruse de son invention, il a prétendu que
lempereur des Han avait attrapé une oie sauvage et
que, sur sa patte, avait été attachée une lettre
de Su Wu qui lavisait quil gardait des chèvres
près dun marécage. Croyant que son mensonge
venait dêtre démasqué, le khan a présenté
ses excuses au délégué et a relâché
Su Wu.
Lemploi de poissons et doiseaux
Un feuillet-souvenir, publié en novembre 1990 à loccasion
du IIIe congrès de la Fédération de philatélie
de Chine, présente lancienne Poste de Gusu (lactuelle
Suzhou), et son arrière-plan porte limpression de lancien
caractère
« yu » ( poisson ). Le prototype de ce pictogramme
est le croquis dun poisson, et son utilisation sur un timbre
commémoratif évoque une autre expression chinoise
liée au timbre : «Yu chuan chisu » ou
« Le poisson dun chi (environ 0,3 m) de soie
unie ».
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Feuillet-souvenir
dépeignant un courrier à cheval, émis en
1982 |
Feuillet avec motif
de tigre, 1986 |
Feuillet Poste
de Gusu, 1990 |
En plus des languettes en bambou et en bois, les anciens Chinois
écrivaient également des lettres sur des bandes de
soie unie. Pendant la dynastie des Tang (618-907), une lettre en
soie mesurait environ un chi de long, de sorte quune
lettre était appelée « chisu »
ou « un chi de soie unie ». Pour la livrer, on
attachait habituellement une lettre chisu en forme de paire de poissons,
doù lexpression « yu chuan chisu ».
De plus, « lenveloppe » dune chisu
était façonnée à partir dune
paire de plaques en bois coupées en forme de poisson. Avant
linvention du papier, les lettres écrites sur des languettes
de bambou ou de bois ou encore sur de la soie étaient insérées
entre ces deux pièces en forme de poisson. Les surfaces extérieures
des pièces comportaient des fentes pour faire passer la corde
qui les tenait ensemble. Beaucoup danciennes poésies
incluent des termes comme « lettre-poisson », «
soie-poisson » et « double carpe », et tous font
référence au début du service postal.
En octobre 1998, la Poste de Chine a publié une série
de quatre cartes postales pour marquer le XXIIe congrès de
lUnion postale universelle qui sest tenu à Beijing.
Lune des quatre cartes postales dépeint un oiseau en
vol et évoque lancienne expression « Qingniao
chuan shu » ou « Un merle bleu livre un message
» un mythe encore plus ancien que les histoires doies
sauvages et de poissons.
Selon la mythologie chinoise, la reine-mère de lOuest
avait trois merles bleus qui lui servaient de messagers. Partout
où elle allait, lun des oiseaux volait au-delà
des montagnes et des fleuves pour livrer ses missives. Cest
ainsi que les Chinois de lAntiquité vénéraient
les merles bleus comme des messagers de bon augure. Dans la mythologie
ultérieure, les merles bleus se sont transformés en
« reine des oiseaux » le phénix mythique
qui renaît intact des cendres de sa propre destruction.
Des tours de feu dalarme au courrier à cheval
Le feuillet-souvenir, qui a été publié en
1994 lors du IVe congrès de la Fédération de
philatélie de Chine, présente les vestiges de la tour
de feu dalarme de Kizil de la dynastie des Han, dans le district
de Kuqa, au Xinjiang. Cette tour a été bâtie
il y a 2 000 ans, pendant la dynastie des Han de lOuest (206
av. J.-C. 24 apr. J.-C.). Ses vestiges atteignent environ
quinze mètres.
Dans lAntiquité, des tours de feu dalarme ont
été bâties à intervalles réguliers
dans les zones frontalières. Pendant la nuit, on allumait
des feux pour envoyer des messages le long de la route, et pendant
le jour, la fumée assurait la même fonction. Les excréments
secs de loup était le meilleur matériau pour produire
de la fumée épaisse, de sorte que la tour de feu dalarme
a également été connue familièrement
comme « tour de fumée de loup ». Elle a été
une installation essentielle pendant la construction de la Grande
Muraille.
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Ancien relais
postal de Yucheng, 1995 |
Site de lancienne
poste de Yucheng, district de Gaoyou, province du Jiangsu |
Au début, les tours de feu dalarme ont été
adoptées comme mode de communication à des fins militaires.
Cétait il y a 3 000 ans, aux environs de la période
de transition entre la dynastie des Shang (environ XVIe XIe
av. J.-C.) et celle des Zhou (XIe siècle à 256 av.
J.-C.). Elles étaient restées en service pendant plus
de 2 000 ans. La dynastie des Han a bâti plus de tours de
feux dalarme que toute autre dynastie.
À partir de la période des Printemps et Automnes
et des Royaumes combattants (770 221 av. J.-C.), des chars
et des chevaux ont été utilisés pour améliorer
le système de communication des tours de feu dalarme.
Cest ainsi que le système postal à cheval est
né. Après lunification de la Chine effectuée
par lempereur Qinshihuang en 221 av. J.-C., ce dernier a mis
en place de nombreuses routes et relais postaux, et lexpansion
du système postal en a fait une institution établie.
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Ville postale du mont Jiming,
dans le district de Huailai, province du Hebei
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Relais postal
du mont Jiming, 1995. |
Le courrier à cheval, illustré sur le feuillet de
timbres émis pour le Ier congrès de la Fédération
de philatélie de Chine, est inspiré dun courrier
ou dun agent de liaison militaire, tel quil est décrit
sur une image sur brique trouvée dans un tombeau remontant
à la période du royaume de Wei (220-265) et de la
dynastie des Jin (265-420) dans le désert de Gobi, dans la
ville de Jiayuguan, au Gansu. Il y a des centaines danciens
tombeaux dans le désert, et huit dentre eux ont été
déterrés en 1972. Plus de 600 fresques ont été
découvertes sur les briques à lintérieur
de six de ces tombeaux, habituellement une image par brique. Le
courrier était lune delles.
Dans les temps anciens, un courrier ne livrait que les missives
militaires et officielles, jamais de correspondance privée.
Avant la dynastie des Han, un courrier se déplaçait
la plupart du temps en char ou en bateau; par la suite, on a considéré
que les chevaux étaient un mode de transport plus efficace
et plus économique. Pendant la dynastie des Han, un relais
postal a été installé à tous les 15
km. Selon les registres historiques, un courrier pouvait parcourir
quelque 200 km par jour, et sil portait une enveloppe rouge
et blanche, cela indiquait quil transportait une « livraison
urgente ».
Les relais postaux
Chaque dynastie avait sa propre règle à propos de
ses services postaux, et chacune a établi des relais postaux
à des intervalles réguliers le long des routes principales
du pays. Les Postes étaient administrées par les forces
militaires de leur localité, et elles fournissaient lhébergement,
le ravitaillement et des chevaux de poste ou des chars et des bateaux,
au besoin, pour les courriers et les fonctionnaires en déplacement.
En plus dun gestionnaire de la Poste, les relais avaient des
courriers pour remplacer ceux qui étaient épuisés,
ainsi que des corvéables des Postes pour fournir les services
nécessaires.
La dynastie des Han a construit des relais postaux le long des
routes allant de la capitale à tous ses états vassaux;
la Poste de Gusu, représentée sur le feuillet-souvenir,
était lun dentre eux. Pendant la dynastie des
Tang, il y avait plus de 1 600 relais postaux, incluant des relais
terrestres et riverains, ainsi que certains combinant les deux.
Cette structure employait plus de 20 000 hommes de service.
En 1995, le ministère des Postes et Télécommunications
a émis une série de deux timbres « Anciens
relais postaux ». Lun dentre eux, la ville
postale de Yucheng, dans le district de Gaoyou, au Jiangsu, était
un relais terrestre et riverain ayant été établi
en 1375, durant la dynastie des Ming (1368-1644). Les vestiges de
plus de 80 bâtiments de cette Poste, répartis sur une
superficie de 1,4 ha se dressent encore.
Le deuxième relais, celui du mont Jiming, dans le district
de Huailai, au Hebei, a été établi en 1420,
durant la dynastie des Ming. Par la suite, il sest développé
en une ville postale sétendant sur 20 ha et étant
équipée dinstallations comme le Bureau de ladministrateur
des postes, des hôtels, des granges pour les céréales
ainsi que des écuries et des pâturages pour les chevaux
de la Poste. La ville postale du mont Jiming est le relais le mieux
préservé de son genre en Chine.
Les objets postaux
Le feuillet-souvenir du IIe congrès de la Fédération
de philatélie de Chine illustre une plaque daccréditation
portant un motif de tigre; cétait un type de laisser-passer
que portaient les anciens courriers. Lorigine de cette accréditation
avec tigre nest pas connue, mais elle était largement
répandue au cours de la période des Royaumes combattants
(475221 av. J.-C.). Une telle accréditation était
composée de deux moitiés fabriquées en or,
en jade, en bronze, en bambou ou en bois. Les accréditations
avaient diverses formes, la plupart du temps celle dun tigre.
Elles étaient conférées par la cour impériale
(ou un commandant) à un officier envoyé en mission.
Une moitié de la plaque daccréditation était
conservée par lémetteur, et lautre moitié,
par lofficier chargé de la mission. Le messager dune
partie devait apparier sa moitié avec celle de son homologue
pour assurer la sécurité des communications.
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Feuillet-souvenir
Plaque daccréditation ronde des Xia de lOuest,
2007 |
Plusieurs plaques daccréditation de la période
des Royaumes combattants ont été déterrées,
y compris une en bronze avec motif de dragon. Les neuf caractères
qui y sont gravées ordonnaient que les relais postaux fournissent
le couvert et lhébergement à son porteur. Une
paire de plaques daccréditation rondes a également
été déterrée des ruines des Xia de lOuest
(1038-1227).
Le feuillet-souvenir du Ve congrès de la Fédération
de philatélie de Chine présente une feuille de compte-rendu
du service postal de la dynastie des Qing (1644-1911), qui était
jointe à chaque pièce de courrier officiel. Cette
feuille fait le détail du type, de la valeur et de la date
du courrier, ainsi que les relais postaux le long de la voie qui
devaient remplir linformation concernée, notamment
le moment où le courrier était arrivé à
un relais donné.
Le feuillet de timbres émis en 1996, à loccasion
du centenaire du service postal de la Chine moderne, contient les
huit premiers timbres émis au pays par le Bureau de poste
des Qing, le 2 février 1897. La marge montre deux phrases
dun document du gouvernement demandant lapprobation
impériale pour létablissement dun service
postal. Le 20 mars 1896, lempereur Guangxu (1871-1908) donna
son approbation, ce qui marqua la naissance du service postal moderne
en Chine.
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