À lheure des films du Nouvel
An...
Pour
les cinéastes chinois, le Nouvel An marque la sortie
de nombreux films. On les appelle les « films du Nouvel
An ». Pendant cette saison propice, les réalisateurs
sattendent à récolter le pactole.
À la fin de 2008, presque tous les grands réalisateurs,
comme Feng Xiaogang, Chen Kaige, John Woo, Tsui Hark, à
lexception de Zhang Yimou ayant été occupé
par la mise en scène des cérémonies douverture
et de clôture des JO, ont sorti leur « film du
Nouvel An ». À noter lapparition de la
star du kung-fu, Donnie Yen, (ayant joué dans Hero
de Zhang Yimou), incarnant le maître de Bruce Lee dans
Ip Man.
Auparavant, en Chine, il ny avait pas de date précise
de sortie des films. Parfois, les cinémas fermaient
leurs portes pendant la fête du Printemps. En 1995,
avec le film Jackie Chan dans le Bronx, sorti au Nouvel
An, la star a touché 110 millions de yuans (une somme
colossale à lépoque). Pendant la fête
du Printemps de 1996, il a récolté près
de 100 millions de yuans avec un autre « film du Nouvel
An ».
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Le cinéaste
Feng Xiaogang joue un rôle principal pour garantir
les recettes du film. |
En sinspirant du succès de Jackie Chan, en 1997,
Feng Xiaogang a réalisé le premier «film
du Nouvel An » de la partie continentale de Chine :
The Dream Factory. Avant le tournage, la production
avait fixé trois conditions préalables : le
film doit être réalisé pour le Nouvel
An; son genre doit être une comédie à
leau de rose; tous les rôles doivent être
joués, de préférence, par des stars.
The Dream Factory a finalement connu plus de succès
que Who Am I, interprété par Jackie
Chan. Dès lors, les « films du Nouvel An »
font recettes auprès des Chinois. Depuis une décennie,
un grand nombre de films ont été labellisés
« films du Nouvel An », quils soient dignes
de porter ce titre ou non. De nombreux producteurs y ont perdu
de grosses sommes dargent, ce qui na pas empêché
les plus aventureux de continuer à rêver de dépasser
les records de recettes des films du Nouvel An. Pendant cette
période, certains cinéastes qui méprisaient
les films commerciaux se sont adaptés bon gré
mal gré au marché. Le fait le plus important
est quils ont commencé à penser en fonction
du public plutôt quen fonction deux-mêmes.
En réalité, la plupart des spectateurs veulent
éprouver des émotions fortes et des sentiments
comme la joie, la colère, la tristesse, langoisse,
voire le mépris, provoqués par les images (quelquefois
trop sensationnalistes), les sons (la musique et les dialogues)
et les effets spéciaux, utilisés par les réalisateurs
pour mettre à lépreuve les nerfs du public.
Pendant la saison de la fin de lannée 2008,
en plus de la présence des grands réalisateurs,
les « films du Nouvel An » ont des références
qui ont fini par être respectées. Autrefois,
les réalisateurs considéraient les conventions
des films populaires comme un défi à relever.
Daprès un critique de cinéma, seuls les
réalisateurs qui ne sétaient pas affranchis
de ces règles étaient contraints par les conventions.
Exemples de cinéastes qui ont relevé le défi
: Feng Xiaogang qui sest inspiré de Quand
Harry rencontre Sally; Zhang Jianya, spécialisé
dans les films comiques, qui a réalisé Fit
Lover racontant comment une belle femme a choisi son
bien-aimé parmi douze prétendants; Tsui Hark
avec All about Women qui a gardé toutes les
caractéristiques des films hongkongais : belles images,
proximité avec le grand public, imagination libre et
comique.
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Lacteur Ge You
joue dans le film If you are the one. |
Le retour de Feng Xiaogang
Lorsqu'on évoque les films du Nouvel An, Feng Xiaogang
est incontournable. N'ayant subi aucun échec pour ses
films de ce genre depuis 10 ans, en 2006, Feng n'a réalisé
qu'un drame : The Banquet, interprété
par Zhang Ziyi et Ge You. Fin 2007, Assembly, un film
de guerre du même cinéaste, ne réunissant
que des acteurs inconnus du grand public, a récolté
en un mois la somme de 235 millions de yuans. En 2008, If
you are the one, interprété par Ge You,
a fait rire les spectateurs par ses dialogues. Le film raconte
l'histoire d'un quadragénaire célibataire à
la recherche d'une femme idéale. Pour faire croire
aux spectateurs qu'un homme laid peut gagner le cur
d'une jolie femme, le metteur en scène, qui est aussi
l'auteur du scénario, a inséré une intrigue
particulière: le principal personnage féminin
aime un homme marié. Pour se débarrasser de
cet amour adultérin, elle choisit de s'enticher du
personnage joué par Ge You sans savoir pourquoi. Elle
finit par tomber amoureuse de cet homme, trouvé par
hasard.
Le film est empreint de douceur. À la fin, Feng Xiaogang
console le public ayant subi toutes sortes d'épreuves
en 2008, en faisant dire à un de ses personnages :
« Ménagez le présent. Ces dernières
années, on avait de l'argent, mais on avait moins d'amis.
»Le réalisateur a créé une atmosphère
où prédominait la couleur rouge qui présage
la montée de la Bourse en 2009. " Mon film
du Nouvel An a pour but de faire plaisir aux spectateurs
", résume Feng Xiaogang.
Les quatre premiers jours, If you are the one a empoché
80 millions de yuans de recettes. Pourtant, les spectateurs
ont été choqués par l'omniprésence
de publicités dans le film. En désaccord avec
l'intervention du producteur, Feng Xiaogang s'est querellé
avec lui. Le cinéaste lui a même jeté
une tasse. « Des éclats de verre ont atteint
son visage », confie un membre de l'équipe
de tournage.
Le « deuxième coup » de John Woo
Au début de 2009, John Woo a sorti Chibi (2e épisode)
(Red Cliff), un film de guerre historique. Il nétait
pas prévu que ce soit un « film du Nouvel An
». Le premier épisode était déjà
sorti à lété 2008. En quatre jours
de projection, il avait déjà battu le record
de recettes de Transformers qui avait alors réalisé
plus de 100 millions de yuans au cours des cinq premiers jours.
Ce chiffre est monté à 200 millions au bout
de 10 jours et 300 millions au bout de 30 jours.
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John Woo
participe à la cérémonie de la publication
de lautobiographie de sa femme Niu Chunlong, organisée
le 7 décembre dernier à Taipei. |
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Après
la projection de Red Cliff, ce film a été
à la fois apprécié et critiqué
par les spectateurs. |
Rien que le nom de ce film peut suffire à lui garantir
le succès. Il raconte une bataille célèbre
de lhistoire chinoise, dont les protagonistes sont connus
de tous les Chinois. Ces personnages sont souvent décrits
dans dautres genres artistiques, notamment à
travers luvre littéraire Le Roman des
Trois Royaumes (Chibi est lune des guerres importantes
décrites dans ce livre), un long roman écrit
il y a 600 ans, devenu ensuite lun des quatre romans
les plus célèbres de la littérature classique
chinoise. En 1997, la CCTV a projeté un feuilleton
inspiré du roman. Certains jours, laudience a
atteint 46,7% en Chine, soit environ 476 millions de téléspectateurs.
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Le film Ip Man
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Le film
Red Cliff |
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Scène
du film Mei Lanfang |
Le nom du cinéaste John Woo constitue aussi une autre
garantie pour le marché de ce film. « Jaime
lhistoire de cette bataille qui illustre de manière
éloquente la victoire des faibles sur les puissants
grâce à lintelligence, lunion et
le courage. » Cest une histoire qui la
ému dès lenfance. Il rêvait de ladapter
au cinéma, voulant montrer la fraternité profonde
et lentente parfaite entre les héros. Auparavant,
on avait accolé des étiquettes morales à
ces personnages étant considérés comme
mi-humains et mi-surnaturels. John Woo a voulu leur rendre
leur vrai visage historique. Pourtant, le réalisme
nest pas son point fort. Il excelle dans les films daction
modernes. La « danse des balles » est son style.
Pour les films grand public, il est aussi « auteur-metteur
en scène ».
Le film témoigne une fois de plus du style de John
Woo : vol des colombes de la paix pendant des scènes
de fusillade, sauf que « les deux pistolets »
ont été remplacés par des épées.
On retrouve lintention du cinéaste de rechercher
davantage leffet cinématographique que la vérité
historique pour être plus près du public. Il
révèle aussi son intention de tourner un film
« international » pas trop « lourd »
et « humoristique ».
De ce fait, il est donc inévitable que le film soit
qualifié par certains de « superficiel »,
« vulgaire » ou « infidèle à
lhistoire ». Pour certains autres, le sens de
lépoque de ce film donne à réfléchir.
La réussite du " maître de Bruce Lee
"
Si les cinéphiles sont attirés par le nom de
John Woo, ils le sont aussi par Ip Man, film sur le
maître de Bruce Lee.
La conception du monde et le kung fu de Bruce Lee ont été
influencés par son maître, Ye Wen. Ce film émouvant
raconte l'histoire de maître Ye, depuis sa formation
autodidacte dans la boxe jusqu'à sa confrontation aux
agresseurs japonais.
De l'avis général, les arts martiaux, spécialement
la " boxe Yongchun " du maître Ye, présentés
dans ce film comptent parmi les plus remarquables de ces dernières
années. Le film met l'accent sur la boxe à mains
nues, à la place des effets spéciaux en tout
genre ou des gestes exagérés. En résumé,
il met en scène le kung fu chinois le plus traditionnel.
Les scènes d'actions non martiales ne sont pas négligées.
Elles rendent le film plus captivant.
Ip Man a réussi à réunir la quintessence
des films sur Bruce Lee. Maître Ye demandait toujours
à ses apprentis de mêler " leurs sentiments
" dans la boxe. Ce genre d'art martial, filmé
avec des images précises et excellemment montées,
accompagné d'effets sonores violents et d'une bande
musicale formidable, incite les spectateurs à se plonger
corps et âme dans le film.
Cela dit, certains spectateurs ont été déçus,
car de nombreux cinémas, en dépit des bonnes
critiques, n'ont projeté le film que dans une salle.
Malgré cela, il a enregistré 30 millions de
yuans pour le premier week-end, dépassant les recettes
totales du film All about Women de Tsui Hark.
L'arrivée de Mei Lanfang, grand maître de
l'opéra de Pékin
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Chen Kaige |
Ayant tourné Adieu ma Concubine il y
a plus de dix ans, le lauréat de la Palme d'Or de Cannes,
Chen Kaige, a jeté son dévolu une fois de plus
sur l'opéra de Pékin, fin 2009. Il s'agit de
Mei Lanfang, grand maître de l'opéra de
Pékin.
Pendant l'invasion de l'armée japonaise en Chine,
durant les décennies 1930 et 1940, Mei a composé
des pièces de théâtre révolutionnaires
pour encourager les Chinois à résister contre
les envahisseurs. Sous la menace des Japonais, il n'est pas
monté sur scène pendant huit années entières.
" Pour un acteur qui n'a rien fait durant tant d'années,
c'est une perte irréparable ! " soupirait-il.
En plus de cela, dans le film, les imbroglios sentimentaux
entre lui et deux femmes ont fait couler beaucoup d'encre.
Il y a trois ans, Chen Kaige a sorti Wu Ji pour fêter
le Nouvel An. Mais ce film a été un désastre.
L'imagination y est maladroite, les intrigues incohérentes,
la présentation affectée et la production calamiteuse.
On comprenait mal comment l'un des metteurs en scène
chinois de la cinquième génération était
tombé si bas et on se demandait pourquoi le scénario
d'un film à si gros budget ne pouvait pas être
" rattrapé " par des financements (le budget
a été le plus élevé des films
chinois de cette époque).
De toute évidence, Chen Kaige a voulu renouer avec
ses débuts dans son dernier film Mei Lanfang. Le tournage
d'une telle réalisation étant laborieuse, il
a fallu un grand metteur en scène pour l'achever. Ce
film, difficilement produit, s'est assez bien vendu sur le
marché.
Auparavant, la plupart des metteurs en scène de cinéma
pensaient que l'art devait parfois être sacrifié
pour y intégrer des éléments commerciaux.
Aujourd'hui, Chen Kaige estime que ces sacrifices en valaient
la peine : « De nombreuses uvres d'art pures,
appréciées par tous, sont nées du marché.
L'apparition des peintures à l'huile à la Renaissance
italienne est due à la demande de peintures de personnages,
de peintures religieuses ainsi que de peintures de décoration.
L'art est le résultat de la multiplication des activités
économiques. »
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