Alan
Ross, photographe américain
Lil dans les nuages
ANTOINE HAZARD
En novembre
dernier, le photographe américain Alan Ross a été
linvité spécial du XIIe Festival international
de la photographie de Huangshan (Anhui). Rencontre avec un
artiste amoureux de la nature et de la Chine.
«LES nuages me rendent heureux », confie
Alan Ross, ébloui par la mer de brumes des monts Huangshan.
Béret vissé sur la tête, trépied
à lépaule et caméra à la
main, il prend son temps pour simprégner de lesprit
du lieu. Lil alerte, il scrute lhorizon.
Soudain, son regard séclaire : il a trouvé
la scène idéale. Plantant son trépied,
il déplie le soufflet de sa chambre photographique
(modèle Arca Swiss) et cache sa tête sous un
pare-soleil de tissu blanc. Cette attitude insolite surprend
les visiteurs qui dégainent aussitôt leur appareil
photo.
Objet dattraction, lhomme ne se laisse pas déconcentrer
pour autant. Son esprit est focalisé sur le ciel. «
Cest une expérience physiquement incroyable que
de contempler les monts Huangshan. Les nuages sont comme des
mariées en robe blanche accouplées avec le ciel.
» Alan Ross aime les images, même dans les
mots. Pour lui, la photographie reflète une autre réalité.
Dans cette perspective, le choix exclusif du noir et blanc
est essentiel. « Les photos en noir et blanc font
ressortir davantage les sentiments. Cest pourquoi, je
me sens proche du style des peintres chinois. Comme eux, je
recherche la simplification, la distillation de la réalité.
Je tente dextraire lessence de ce qui est, plutôt
que de montrer ce qui apparaît. » À
limage des maîtres du lavis, il prend son temps
avant de passer à laction. Peu lui importe la
quantité. De son périple dans les monts Huangshan,
il ne ramènera que cinq clichés.
 |
Le village de Hongcun
|
Tout comme les peintres chinois, Alan Ross, 60 ans, a suivi
les traces de son maître. Pendant plus de vingt ans,
il a été lassistant du grand photographe
américain Ansel Adams (1902-1984), célèbre
pour ses paysages de lOuest américain. À
linstar de luvre de son aîné,
ses photos se veulent un hymne à la nature. Le disciple
a appris à transformer son regard. « Selon
Ansel Adams, il valait mieux répondre ouvertement et
spontanément aux émotions plutôt que de
les intellectualiser. Les sentiments ne sont pas parfaits.
Certains accordent trop dimportance aux détails
techniques, si bien quils en oublient le sens esthétique.
Sa phrase fétiche était : La perfection est
lennemie de la beauté. » Lélève
a bien retenu la leçon. Au moment de déclencher
la photo, il laisse ses sentiments le guider. « Tout
ce que je fais, je ne le pense pas, je le ressens tout simplement,
cest intégré en moi, cest inconscient.
Mes mains font ce quelles veulent. »
 |
Les monts Huangshan
|
Installé à Santa Fe dans le Nouveau Mexique,
le photographe nen est pas à son premier séjour
dans lempire du Milieu. « Lorsque jétais
enfant, le meilleur ami de mon père était Chinois.
Le pays mattirait déjà à lépoque.
Quand jai eu la chance de visiter la Chine pour la première
fois en 1981, jai été tellement impressionné
par la beauté des paysages que je suis revenu lannée
suivante. Actuellement, cest mon cinquième voyage
en Chine, et jespère pouvoir revenir lannée
prochaine, et encore après. »
Invité spécial du XIIe Festival international
de la photographie de Huangshan en novembre dernier, Alan
Ross commence à asseoir progressivement sa notoriété
dans lempire du Milieu. Amoureux de la Chine, il lest
encore plus de sa femme Juliette. Depuis plus de vingt ans,
elle laccompagne dans ses déplacements, lassiste
et laide à transporter son matériel qui
pèse plus dune dizaine de kilos. « Elle
nest pas jalouse. Elle aussi est heureuse quand je vois
des nuages. »
|