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L’origine de la « question du Tibet »

CHEN QINGYING*

En 1961, le palais du Potala a été classé par la République populaire de Chine parmi les premiers monuments historiques sous protection de l’État et rénové grâce à une allocation spéciale de fonds. CFP

LE Tibet fait partie de la Chine depuis le XIIIe siècle, au moment où les Mongols ont unifié le pays et établi la dynastie des Yuan (1271-1368). À cette époque, en vue d’exercer l’autorité sur les régions habitées par les Tibétains, le gouvernement central les a placées sous sa compétence directe, en mettant en place trois bureaux de commissaires à la pacification. Parmi ces bureaux, celui de l’U-Tsang, Ngari et Korsum avait compétence administrative sur ce qui est l’actuelle région autonome du Tibet, excepté Qamdo. Depuis lors, sous les dynasties des Ming (1368-1644) et des Qing (1644-1911), ainsi que durant la République de Chine (1912-1949) et la République populaire de Chine (depuis 1949), le Tibet est demeuré une région sous la compétence administrative de la Chine.

Cependant, ce fait historique a été déformé au XIXe siècle, quand les impérialistes occidentaux ont commencé leur campagne d’expansion et d’hégémonie en Asie, et que, pour atteindre leurs objectifs hégémoniques en Asie de l’Est, ils ont inventé la « question du Tibet » visant à séparer le Tibet de la Chine. Depuis lors, cette « question » a perduré, étant donné que les forces antichinoises dans le monde occidental y ont recours constamment, tout comme d’ailleurs le dalaï-lama, leur porte-parole, qu’ils ont financé et recruté à leur service. Le dalaï-lama et ses forces séparatistes ont saisi toutes les occasions possibles pour fomenter des incidents sur la « question du Tibet », les derniers étant les émeutes de Lhasa qui se sont produites le 14 mars dernier.

La prétendue « question du Tibet », une question centenaire, peut être divisée en deux périodes historiques pour lesquelles la fondation de la République populaire de Chine, en 1949, sert de ligne de démarcation : la période de l’agitation par les impérialistes britanniques et celle de l’ingérence des forces antichinoises aux États-Unis, dirigées dans les coulisses par la CIA .

Après la colonisation de l’Inde par la Grande-Bretagne, cette dernière a continué son expansion dans l’Himalaya. De 1814 à 1864, elle a envahi et pris le contrôle de l’Afghanistan et de la Perse, et l’armée britannique a lancé une invasion vers le nord à partir de l’Inde, faisant du Népal, du Sikkim et du Bhoutan des protectorats de l’Inde britannique. Sa prochaine cible était le Tibet, mais son expansion ambitieuse a alarmé le gouvernement central de la Chine et suscité des conflits avec la Russie tsariste qui cherchait également à prendre de l’expansion en Asie centrale.

En 1888, sous le prétexte de conflits frontaliers et de droits de commerce, l’armée britannique a lancé sa première invasion du Tibet, forçant le gouvernement intimidé des Qing à signer un traité inégal et ses addenda, lesquels accor-daient à la Grande-Bretagne des droits préférentiels de commerce dans certaines localités, dont Yadong et Gyangzê.

En 1903 et 1904, la Grande-Bretagne a envahi le Tibet une deuxième fois, mais à Pagri et Gyangzê, elle a affronté une résistance héroïque de la part des Tibétains locaux. Après que l’armée britannique eut entré de force dans Lhasa, le gouvernement britannique a contraint le gouvernement local du Tibet à signer le « traité de Lhasa ». Le gouvernement des Qing s’y est fortement opposé et la Russie tsariste a protesté. Faute d’approvisionnement et en raison de la température glaciale, l’armée britannique s’est bientôt repliée de Lhasa.

Après l’échec de ses deux tentatives militaires pour faire du Tibet une colonie, la Grande-Bretagne a changé de stratégie, tirant profit des difficultés diplomatiques et intérieures du gouvernement des Qing pour élargir ses contacts avec la classe supérieure tibétaine. Elle a ainsi semé la discorde et saboté les relations de certains propriétaires d’esclaves avec le gouvernement des Qing et diffusé l’idée de « l’indépendance du Tibet ». Elle a également essayé de ravir le Tibet à la Chine en encourageant les séparatistes tibétains et en les appuyant, dans le but de faire du Tibet une zone tampon entre la Chine, l’Inde et la sphère d’influence russe et d’aider à protéger le régime colonial britannique en Inde.

Avant que les envahisseurs britanniques entrent à Lhasa, le XIIIe dalaï-lama est parti pour la Mongolie. Après son retour à Lhasa, en 1909, il a eu des affrontements avec des fonctionnaires des Qing, un prétexte pour lui de repartir, cette fois pour l’Inde britannique, offrant de ce fait d’autres occasions favorables aux conspirations séparatistes de la Grande-Bretagne.

Durant la période de la révolution de 1911 et de la République de Chine, la situation politique était instable en Chine, et la Grande-Bretagne a intensifié son agitation séparatiste au Tibet. En 1912, dans un mémorandum sur la situation des voisins de l’Inde, le gouvernement britannique et son Bureau de l’Inde ont proposé que la Chine maintienne sa « suzeraineté » sur le Tibet, tout en obligeant ce dernier à s’en remettre en réalité à l’Inde et à garder les Chinois et les Russes à distance. Le mémorandum a également déclaré que les régions tibétaines dans les provinces du Sichuan, Gansu, Qinghai et Yunnan devraient être incluses dans « Le Grand Tibet ». En 1912, à partir de ce mémorandum, Sir John N. Jordan, ministre britannique en Chine, a fait une déclaration de sécession en cinq points. Il a forcé le président chinois Yuan Shikai à envoyer un représentant à la conférence qui réunissait le gouvernement central de Chine, la Grande Bretagne et le Tibet et qui s’est tenue en 1913-1914, à Simla, dans le nord de l’Inde, en menaçant le président Yuan de ne pas reconnaître sa légitimité.

À Simla, de concert avec le représentant tibétain Shagra Paljor Dorje, le représentant britannique Henry MacMahon a monté une conspiration contre Chen Yifan (Evan Chen), le représentant chinois. La partie britannique a alors proposé que le Tibet et les régions tibétaines dans les quatre provinces voisines soient divisés en Tibet « extérieur » et « intérieur », que le « Tibet intérieur » soit administré par la Chine pour le moment, et que le « Tibet extérieur » pratique une autonomie sans possibilité d’ingérence de la part de la Chine. Ce faisant, la Grande-Bretagne prévoyait contrôler d’abord le « Tibet extérieur », puis le moment venu, le « Tibet intérieur ». Après que la conférence de Simla eut pris fin sans accord, la Grande-Bretagne a redoublé son soutien auprès des anglophiles de la classe supérieure du Tibet et incité l’armée tibétaine à attaquer le Sichuan et le Qinghai.

Après le décès du XIIIe dalaï-lama, en 1933, le gouvernement central lui a conféré un titre posthume et a envoyé Huang Musong pour assister aux cérémonies de condoléances. À l’hiver 1939, un garçon de cinq ans, du nom de Lhamo Toinzhug et originaire du Qinghai, a été escorté à Lhasa et intronisé comme XIVe dalaï-lama. La cérémonie d’intronisation a été présidée par Wu Zhongxin, envoyé par le gouvernement central de la République de Chine.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que la Grande-Bretagne et la Chine étaient deux pays alliés, la Grande-Bretagne a tout de même essayé d’interdire et de saboter la souveraineté de la Chine sur le Tibet. Le 5 août 1943, Anthony Eden, secrétaire britannique au Foreign Office, a envoyé une note à Song Ziwen, ministre chinois des Affaires étrangères, dans laquelle il décrivait le Tibet comme ayant un « statut de fait d’autonomie totale ». M. Eden a aussi effectué une nouvelle demande pour une autre conférence de Simla, mais le gouvernement chinois a ignoré cette demande. La conspiration de la Grande-Bretagne pour « l’indépendance du Tibet » s’est finalement effondrée, quand l’Inde a annoncé son indépendance en 1947.

Après la Seconde Guerre mondiale, le monde est entré dans la période de la guerre froide. Les États-Unis ont pris la place de la Grande-Bretagne comme chef de file du monde occidental et du patronage de « l’indépendance du Tibet ». En fait, le Tibet est inclus dans le plan stratégique de la CIA depuis la fondation de cette agence en 1947. Sous prétexte d’examiner la construction d’une route servant à transporter des matériaux de guerre au Tibet, le président Roosevelt a dépêché ses émissaires auprès du dalaï-lama, et ceux-ci lui ont remis un cadeau et un message disant que le président espérait que le Tibet pourrait maintenir son statut de « petit pays indépendant ». En 1950, année du déclenchement de la guerre de Corée, l’Armée populaire de Libération (APL) est entrée au Tibet et a rapidement libéré Qamdo. Soupesant la situation, le gouvernement local du Tibet a envoyé à Beijing une délégation dirigée par Ngapoi Ngawang Jigme. Après des négociations, le 23 mai 1951, la délégation a signé l’Accord en 17 points avec le gouvernement central, ce qui a marqué l’accomplissement de la libération pacifique du Tibet.

Cependant, les tentatives de la CIA pour perturber la paix et la stabilité dans la région n’ont jamais cessé. La CIA a approché Gyalo Thondup et Thupten Jigme Norbu, deux frères aînés du XIVe dalaï-lama, et a conspiré avec eux dans le but d’établir des guérillas antigouvernementales au Tibet. La CIA a offert de former des milices tibétaines, d’abord à Taiwan, puis à l’île de Saipan, et finalement au Colorado (États-Unis). Au Camp Hale (Colorado) seulement, elle a formé plus de 300 espions tibétains. En août 1957, la US Air Force a parachuté deux membres tibétains de la guérilla dans le district de Sangri, dans le sud du Tibet. Au début de l’année suivante, ceux-ci ont établi des contacts avec Anzhugcang Goinbo Zhaxi, le chef des rebelles de Lhasa, et ils en ont fait rapport à la CIA. Le 20 avril 1958, quelque 5 000 chefs de l’armée rebelle et représentants des trois principaux monastères – Drepung, Sera et Ganden – ont tenu une réunion secrète au cours de laquelle ils ont décidé d’installer une base de la guérilla à Shannan. Le 24 juin, « l’Armée de protection de la religion des Quatre Fleuves et des Six Montagnes » a été formée, et Anzhugcang Goinbo Zhaxi en a été nommé commandant. En septembre, le premier lot d’aliments et de munitions lui a été parachuté par la US Air Force.

Un bâtiment du domaine aristocratique d’un chef des rebelles abrite maintenant une école primaire dans la région tibétaine. CIPG

Le 27 février 1960, premier jour du premier mois du calendrier tibétain, le peuple tibétain a célébré joyeusement son premier Nouvel An après la Libération. Des habitants de Lhasa s’échangent des souhaits de bonheur en tenant des épis colorés de qingke, l’orge du Tibet. CIPG

Le 23 mai 1951, le représentant plénipotentiaire du gouvernement central et celui du gouvernement local du Tibet ont signé l’Accord relatif à la libération pacifique du Tibet, qu’on appelle également l’Accord en 17 points. CNSPhoto

Le matin du 10 mars 1959, des rumeurs selon lesquelles on allait procéder à l’arrestation du dalaï-lama et de ses fonctionnaires se sont répandues à Lhasa. On a leurré des milliers de Tibétains en leur disant de se rassembler autour du Norbu Lingka, la résidence du dalaï-lama, pour tenter de l’empêcher de se rendre à un spectacle de chants et de danses offert par l’APL et auquel il avait été invité. Parallèlement, des manifestations pendant lesquelles on scandait les slogans « Indépendance du Tibet » et « Pas de Han » ont été organisées. Plus de 2 000 émeutiers ont pris d’assaut le monastère Jokhang. Au cours de l’après-midi, une conférence sur « l’indépendance du Tibet » a été tenue dans le palais du Potala.

Le matin du 17 mars, vêtu d’un déguisement, le XIVe dalaï-lama, alors âgé de 24 ans, s’est enfui de son palais; il s’est alors dirigé vers Shannan avec l’aide de l’agent de la CIA Tony Poe. La CIA lui a parachuté des aliments tout au long de sa fuite et a tenu des registres de tout son voyage. En route, le dalaï-lama et son cortège sont restés en contact avec des postes de la CIA par l’intermédiaire de la radio.

Dès que le dalaï-lama eut quitté Lhasa, les rebelles ont lancé des attaques en règle contre les garnisons de l’APL et les bureaux du gouvernement situés dans la ville, tuant et pillant sur leur passage. Il a fallu deux jours pour mater la révolte.

L’Esprit de la colline Zongshan, une grande pièce de théâtre tibétain, donnée à la mémoire des exploits dans la lutte contre les agresseurs britanniques CFP

Après que l’émeute à Lhasa eut été déjouée, la CIA a rassemblé 2 100 rebelles pour installer une base de la guérilla à Mustang, au Népal, et elle leur a fourni des munitions et une formation. Par la suite, ces gens ont été renvoyés au Tibet pour collecter des renseignements et commencer des sabotages.

En mai et juin 1959, le dalaï-lama a mis en place son « gouvernement en exil » en Inde. Par la suite, il a convoqué son « assemblée populaire du Tibet » et promulgué sa prétendue « constitution ». Celle-ci énonce ce qui suit: le dalaï-lama est le chef d’État; les ministres seront nommés par le dalaï-lama; et tout travail du gouvernement ne pourra être approuvé sans le consentement du dalaï-lama.

En dépit du fait qu’aucun pays n’avait reconnu le « gouvernement en exil » du dalaï-lama, les États-Unis ont demandé à certains pays de soulever la « question du Tibet » à l’Assemblée générale de l’ONU en 1959, 1960, 1961 et 1965. Des résolutions sur le Tibet ont été adoptées en 1961 et 1965.

Des documents décryptés des États-Unis indiquent que, pendant une grande partie de la décennie 1960, la CIA a profité d’un fonds annuel de 1,7 million de $US pour le Tibet, dont 500 000 ont été versés aux 2 100 guérilleros basés au Népal, et 180 000 l’ont été en allocations personnelles au dalaï-lama. En 1968, après la fermeture du camp d’entraînement dans le Colorado, les fonds ont été réduits à 1,2 million; et après l’établissement des relations diplomatiques entre la RPC et les États-Unis en 1979, les fonds ont été coupés.

En rivalisant avec l’ex-Union soviétique pour gagner les faveurs de la Chine, les états-Unis ont réduit momentanément leur aide au dalaï-lama, de sorte que la clique du dalaï-lama s’est plainte d’être une « orpheline de la guerre froide ». Cependant, dans le monde, les forces antichinoises n’ont jamais abandonné leur plan de contenir la Chine par la « question du Tibet » et la « question de Taïwan » et elles n’ont jamais cessé de soutenir la clique du dalaï-lama.

Depuis le milieu des années 1980, cette clique a intensifié sa campagne mondiale pour « l’indépendance du Tibet » et s’est infiltrée régulièrement au Tibet pour y semer le trouble. Elle a envoyé des délégations en Occident sous différents noms, vendant ses histoires aux médias occidentaux, exerçant des pressions politiques pour que le Tibet soit un pays indépendant et diffamant la Chine sous le couvert de la démocratie et des droits de la personne. De 1987 à 1989, la clique du dalaï-lama a fomenté des émeutes à Lhasa, ce qui a engendré des problèmes pour l’économie, la société et la vie des habitants locaux. Ironiquement, le dalaï-lama s’est vu conférer le prix Nobel de la paix en 1989. Par la suite, ce dernier a visité plus de 50 pays afin de promouvoir ses activités sécessionnistes.

Comme l’histoire le démontre, l’invasion des impérialistes occidentaux et leur tentative de diviser la Chine sont à la source de la « question du Tibet ». Dans les premières années, les impérialistes britanniques ont semé la discorde dans la région et ont cultivé le séparatisme chez les Tibétains. En tant qu’élément de ses stratégies mondiales, après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont manipulé la question du Tibet pour mettre en échec la Chine et le communisme. Aujourd’hui, dans un effort désespéré pour contenir et diviser la Chine, les forces étrangères antichinoises jouent encore la carte du Tibet. Dans l’espoir que l’aide et le soutien de ces forces pourront l’aider à concrétiser son rêve d’« indépendance du Tibet », la clique du dalaï-lama agit de plein gré comme leur pion. Tous ces facteurs contribuent à la complexité de la « question du Tibet » et au fait qu’elle perdure.

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*Chen Qingying est chercheur supérieur au Centre de recherche sur la tibétologie de Chine.

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