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La nouvelle usine à rêves

ZHANG XUEYING

La Chine relance son industrie du film d’animation. Dans un marché dominé par le Japon et les États-Unis, elle tente de tirer son épingle du jeu avec quelques créations originales. Mais il lui faut encore moderniser son mode de gestion et de marketing pour séduire un public qui boude encore la culture des dessins animés.

Scène du film d’animation Jinhou xiangyao (Le Singe doré dompte diables)

 

Rêves et illusions

M. Jin Guoping, président du conseil d’administration de l’IDMT Dong Ning

Qianting zongdongyuan (Joyeux Petits Sous-marins), film d’animation d’inspiration américaine, est projeté depuis mai dernier dans plus de 200 salles de cinéma en Chine. Il fait partie des rares films d’animation produits par la Chine depuis ces vingt dernières années. Selon M. Jin Guoping, président du conseil d’administration de l’Institute of Digital Media Technology (Shenzhen) Limited (IDMT), c’est la première fois qu’une compagnie rentre dans ses frais avant même la sortie du film en salle, grâce à la vente de ses droits de propriété à des compagnies étrangères. L’événement est sans précédent en Chine.

Le film raconte l’histoire de deux sous-marins, « Ali » et « Beibei », qui traversent d’innombrables épreuves et surmontent beaucoup de difficultés dans les profondeurs abyssales des mers. Ils finissent par réaliser leur rêve : devenir de vrais sous-marins à vocation scientifique.

Ce film destiné aux enfants a nécessité un investissement de 10 millions de yuans. M. Jin reste cependant prudent quant à son succès en salle : « Le marché du cinéma destiné aux jeunes enfants est un peu limité, spécialement en Chine, un pays où le marché des dessins animés n’a pas encore atteint sa maturité. »

Il y a à peine deux ans, le film d’animation Mobisi huan (Thru the Moebius Strip), produit à grands frais par cette société, a subi une perte cuisante : les 150 millions de yuans nécessaires à la production ont été « complètement engloutis », selon les termes de M. Chen Zheng, directeur général de la société. Ce fut une véritable catastrophe pour cette société chinoise qui n’était pas encore très solide. Elle a fait faillite, et sa direction a été remaniée.

« Le film a connu un échec commercial, mais il incarnait tous nos rêves », affirme Mme Cao Hui. Il y a huit ans, elle est entrée dans cette société dans l’intention de faire les meilleurs films d’animation chinois malgré sa méconnaissance des techniques de dessins par ordinateur. Elle y a reçu une formation professionnelle assurée par des dessinateurs venus d’Hollywood.

De jeunes employés de l’Institute of Digital Media Technology (Shenzhen) Limited (IDMT) Dong Ning

« Aucun de mes collègues de la société n’avait d’expérience dans la production de film, mais la moitié d’entre eux au moins avait suivi les cours des Beaux-Arts comme moi. Nous n’avions jamais imaginé la complexité du travail de réalisation d’un dessin animé. Transformer des dessins en film était encore très difficile », explique Mme Cao.

Avant les années 2000, il n’y avait en Chine qu’un institut possédant un département de film d’animation dont le nombre de diplômés ne dépassait pas 1 000 par an. En raison du salaire peu élevé et du manque de débouchés, un dixième d’entre eux seulement s’orientait finalement vers l’industrie des films d’animation.

En 2000, M. Liang Dingbang, alors président du conseil d’administration de l’IDMT, avait un projet ambitieux : faire un grand film d’animation capable de rivaliser techniquement avec le film américain Final Fantasy: the Spirits Within, sorti la même année. La société venait alors à peine d’être créée. « La Chine possède d’innombrables talents. Nous espérions rivaliser avec les studios américains sur le plan de la qualité des films. Pour ce qui est du coût de production, quand les Américains faisaient un film, nous pouvions en faire cinq », affirme M. Liang.

Mobisi huan (Thru the Moebius Strip)

La production d’un dessin animé télévisé coûte en moyenne 15 000 yuans par minute en Chine, alors qu’elle représente environ 80 000 yuans à l’étranger. Pour superviser la production de son film, M. Liang avait invité M. Glenn Chsika, dessinateur du film hollywoodien La Petite Sirène, ainsi que messieurs Bob Koch et Kelvin Lee, les dessinateurs chevronnés des films Toy Story et Stuart Little, ainsi que M. Manny Wong, superviseur des effets spéciaux du film Le Jour d’après.

Mais personne n’avait formé les employés chinois aux modes de travail et de gestion d’une société de films d’animation d’ambition internationale. « Au début, on était divisé en plusieurs groupes de travail répartis selon le modèle, le matériel, les dessins, etc., selon la technique de production d’un film à deux dimensions. Après un tâtonnement de plus d’un an, les 400 personnes ont été finalement réparties dans 16 départements de production selon le modèle de fabrication d’un film à trois dimensions », évoque avec amertume Mme Cao.

Il a donc fallu cinq ans de travail aux 400 personnes pour réaliser un film de 90 minutes.

Démonstration du processus de création d’un unicorne

« Presque toutes les scènes qu’on avait réalisées pendant les deux premières années ont finalement été coupées du film. Un film de 20 minutes, fruit laborieux de plusieurs mois, pouvait être anéanti d’un seul coup. S’il avait la chance de passer, il devait subir au moins des dizaines de modifications. Les larmes et les nuits blanches étaient monnaie courante à l’époque », raconte Mme Cao, aujourd’hui devenue directrice générale adjointe de la compagnie. « Au cours de ces cinq années de création, nous sommes passés du stade de l’ignorance à celui du travail passable pour enfin atteindre une dimension internationale. »

Dans les années 1920, Disney avait aussi connu des difficultés au début de sa carrière. De même, en 2005, M. Liang Dingbang avait solennellement et tristement vendu sa compagnie et sa création inachevée Thru the Moebius Strip. « Nous n’avions jamais espéré avec notre film obtenir le même succès en salle que Le Monde de Nemo et Monsters, nous voulions seulement qu’il soit un coup de fouet au développement de cette nouvelle industrie en Chine », affirme M. Liang.

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