Trente ans dart
chinois contemporain
ZHANG XUEYING

DEPUIS 2007, le « souvenir » est en vogue dans le milieu
chinois des beaux-arts, entre autres avec lExposition
des beaux-arts de la Nouvelle Vague 85 et Les
30 ans du groupe dart Xingxing. Pourtant, il y a trente
ans, ces uvres navaient été exposées
que dans des occasions non officielles, et certaines dentre
elles avaient même été interdites par le gouvernement.
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Xiyue
(Joie), Liu Ye |
Feizaopao
zhier (Bulles de savon No 2), Feng Zhengjie |
Pour la majorité des gens, lart chinois contemporain
se divise en quatre périodes : la post-Révolution
culturelle allant de 1976 à 1984; la période 1985-1989;
les années 1990; et les années 2000.
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Deux enfants passent devant
Dier zhuangtai (État second), une uvre
des années 1980 de Geng Jianyi. |
Le réveil
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Chenmo (Silence),
une sculpture sur bois de Wang Keping, est toujours considérée
par les critiques en beaux-arts comme le symbole de lExposition
du groupe dart Xingxing. |
Avec la fin de la Révolution culturelle (1966-1976), les
dernières années de la décennie 1970 ont marqué
une période importante de lhistoire chinoise moderne.
Cest en effet à ce moment-là que la Chine a
commencé à appliquer la politique de réforme
et douverture et qua été lancé
le slogan « Recherche de la vérité en se basant
sur les faits ». Sans contredit, ce contexte a fourni à
la société chinoise loccasion dun nouveau
départ.
Cette situation a également donné le goût aux
artistes de produire des uvres reflétant la vie dans
toute sa vérité. Pourtant, au début des années
1980, sous le contrôle sévère de lacadémisme,
lart davant-garde, non conformiste, navait pas
droit de cité dans les instituts chinois des beaux-arts.
Toutefois, à ce moment-là, lart moderne occidental
était introduit progressivement par la tenue dexpositions.
Quelle nouvelle image pour le public chinois qui navait connu
jusqualors que des uvres de lex-Union soviétique
et qui, depuis des dizaines dannées, était habitué
aux uvres hyper élogieuses!
Les amateurs dart ont alors senti comme un vent de fraîcheur
et de liberté. Des ouvrages de nombreux philosophes et théoriciens
modernes et postmodernes occidentaux, dont Nietzsche et Sartre,
ont été traduits en chinois et ont influencé
les étudiants et les jeunes artistes de lépoque.
Ces jeunes se rassemblaient pour discuter culture, philosophie,
sentiments humains... Tout en échangeant leurs expériences
de lecture, les artistes ont entamé leur travail artistique
en empruntant des procédés modernes de lOccident.
En 1980, Fuqin (Père), une huile de Luo Zhongli, était
alors le chef-duvre le plus connu.
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En 1980, Luo Zhongli est devenu
célèbre grâce à son uvre réaliste
Fuqin (Père). |
« À lépoque, après louverture
du pays, nous avons affronté une série de nouveaux
problèmes et nous avons été frappés
de plein fouet par les contrastes violents entre pauvreté
et richesse, avancement et retard, nouveau et ancien. Dans ce contexte,
afin de jouer un rôle positif dans la transformation sociale
et politique, nous avons dû faire un bon examen de conscience
de notre société et affranchir nos manières
de penser. La valeur principale des uvres dune série
de jeunes artistes de cette époque réside dans sa
critique politique manifeste et dans son caractère prophétique.
Ces artistes ont été à lavant-garde du
mouvement de libération de la pensée », indique
le critique dart Li Xianting, un homme qui a la réputation
dêtre le « parrain » de lart chinois
contemporain .
On qualifie lExposition du groupe dart Xingxing
(tenue en 1979, avec la participation dune vingtaine dartistes)
dexposition la plus radicale et la plus contestataire de lhistoire
de lart chinois de ce siècle. De nombreuses sculptures
avaient alors été accrochées sur la grille
de lest du Musée des Beaux-Arts de Chine et avaient
attiré beaucoup de visiteurs. Wang Keping, un participant
important à cette exposition, y avait présenté
30 sculptures sur bois. Chenmo (Silence), lune dentre
elles, est toujours considérée par les critiques en
beaux-arts comme ayant été le symbole de cette exposition.
Luvre représente le visage empreint de douleur
dune personne qui a les yeux et la bouche bien fermés,
symbolisant son impossibilité de voir et de parler.
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Plus de 150 uvres
ont été accrochées sur la grille de lest
du Musée des Beaux-Arts de Chine, lors de lExposition
du groupe dart Xingxing, tenue le 27 septembre 1979. |
Cette exposition trop radicale a dû fermer ses portes trois
jours après son ouverture pour « avoir nui à
lordre social ». Par la suite, les artistes ont tenu
une manifestation au cours de laquelle ils exhibaient une banderole
où était inscrit « Liberté de lart
». Grâce à cette activité, lexposition
a pu rouvrir. Lannée suivante, elle a fait encore plus
sensation, car non seulement elle a été autorisée
à se dérouler au Musée des Beaux-Arts de Chine,
mais elle a aussi battu un record de vente de billets (plus de 9
000) en une seule journée.
Malgré les doutes et les discussions qui nont jamais
cessé sur les uvres de cette exposition, celles-ci
ont incontestablement joué un rôle moteur dans le développement
de lart chinois contemporain. Selon Bao Pao, célèbre
critique dart, « le groupe dart Xingxing a suscité,
chez les intellectuels, un réveil sur la valeur de leur propre
personnalité. »
La percée
Au début de 1985, lenvironnement culturel et artistique
était relativement détendu, de sorte que linnovation
et le renversement de toute contrainte restaient lobjectif
ultime des artistes.
LExposition des beaux-arts de la jeunesse à loccasion
de lAnnée internationale de la paix, tenue à
Beijing en avril de cette année-là, a pris linitiative
de lancer une série duvres débarrassées
des descriptions littéraires et des slogans politiques. Grâce
à des procédés inusités, ces uvres
allaient au-delà du temps et de lespace. Dun
type tout à fait nouveau, elles ont alors fait lobjet
de nombreux commentaires favorables.
En mai, les milieux officiels ont organisé lExposition
des beaux-arts de la jeunesse chinoise en marche au cours de
laquelle des uvres dart corporel, inspirées du
style de lécole moderne occidentale, ont gagné
des prix. Cette exposition a donné un nouveau signal clair
de la liberté et de louverture de lart. Probablement
sous limpulsion de ce nouveau contexte, de jeunes artistes
ont quitté la clandestinité. Les milieux artistiques
se sont animés.
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Huxi (Respiration),
Wang Keping |
À cette époque-là, lévénement
le plus influent revient au débat artistique plus large que
jamais qui portait sur le thème suivant : « La peinture
chinoise est-elle dans une impasse? » Ce débat a permis
aux gens de réexaminer les relations entre la création
et la poursuite de la tradition, ainsi quentre lOccident
et la Chine.
Encouragés par cet esprit, de nombreux groupes de jeunes
artistes ont vu le jour. Selon les statistiques de Gao Minglu (un
artiste davant-garde dans les années 1980 et qui enseigne
maintenant aux États-Unis), dans tout le pays, durant la
période allant du début de 1985 au début de
1987, environ 90 groupes dartistes sont apparus, et on a compté
plus de 150 activités artistiques de groupes, avec la participation
de plus de 2 000 artistes. En raison du nombre de participants,
duvres et didées originales, une nouvelle
vague massive en beaux-arts sest alors formée chez
les jeunes; dans lhistoire de lart contemporain, on
la surnomme la Nouvelle Vague 85. Grâce à son ardeur
naissante et à sa grande vitalité, cette nouvelle
vague a vigoureusement secoué le passé : procédés,
traditions, idées et structures.
En fait, le point de départ de son opposition était
le courant artistique principal et non pas la tradition artistique
chinoise, telle quon lentendait avant le XIXe siècle.
À lépoque, sous le contrôle des autorités
officielles, le mode de sélection des expositions nationales
de beaux-arts était en quelque sorte un droit de décision
unique et absolu; la Nouvelle Vague 85 sopposait à
cela. Or, avec leurs uvres différentes de celles dautrefois,
les jeunes artistes qui avaient échoué à la
sélection des expositions nationales sattendaient à
obtenir un droit de parole et à être reconnus par la
société. Ils espéraient un relèvement
de la Chine par la réforme sociale. Une vingtaine dannées
après ce mouvement, certaines personnes lont comparé
à la Renaissance.
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Duihua (Dialogue), de
Xiao Lu, exposée en 1989, porte encore la trace des coups
de feu. |
Au début des années 1980, des artistes comme Wang
Guangyi, Gao Minglu, Xu Bing, Shu Qun et Zhang Xiaogang, maintenant
des maîtres de lart chinois contemporain, étaient
fraîchement diplômés des instituts des beaux-arts
et se posaient en porte-étendards de la Nouvelle Vague 85.
Ayant été admis dans les établissements denseignement
supérieur après la remise en vigueur des examens dentrée,
il leur était facile dêtre en contact avec des
documents sur lart occidental, un art que lon voyait
rarement dans la société. La plupart de ces artistes
étaient nés dans les années 1950 et avaient
passé leur adolescence dans lambiance fanatique de
la Révolution culturelle. Ils ressentaient profondément
le retard de la Chine par rapport aux pays dEurope et dAmérique
et, selon eux, le meilleur remède pour réhabiliter
lesprit des Chinois nétait nul autre que la liberté
desprit et de personnalité dont faisait preuve lart
moderne occidental.
« De 1985 à 1989, nous avons presque tout essayé
ce qui existait comme modèles dart occidental daprès
les années 1960. Les artistes chinois soffraient loccasion
dun essai complet de lart moderne occidental »,
explique Xu Bing, un artiste qui a bien réussi.
Un événement du 1er janvier 1988 révèle
lenvironnement social densemble qui avait cours en Chine
à cette époque: la porte Tiananmen, symbole
du pouvoir et de lhistoire, a été ouverte au
public pour la première fois. Un espace historique et politique,
dont lentrée avait été interdite pendant
longtemps, devenait maintenant un lieu de visite pour les gens ordinaires.
Dans la conception de la société chinoise, cela correspondait
à un séisme, et ce dernier allait permettre aux paroles
longtemps étouffées davoir un environnement
propice pour être enfin entendues.
En février 1989, lExposition dart chinois
davant-garde sest déroulée au Musée
des Beaux-Arts de Chine. Quelque 186 artistes, y compris des Tibétains,
y ont participé. Les thèmes étaient variés
et touchaient la peinture, linstallation, la gestuelle, la
photographie et la vidéo, ce qui renversait complètement
les expériences traditionnelles des Chinois dans le domaine
de lart. Gao Minglu, un des concepteurs de cette exposition,
a passé au moins six mois à négocier pour la
faire accepter du Musée, car il pensait que : « Ce
nest que si la Nouvelle Vague 85 peut entrer dans le Musée
des Beaux-Arts de Chine quelle pourra réellement passer
de la clandestinité à louverture. »
Cette exposition na pas manqué de surprises ni doriginalité.
Lartiste Wu Shanzhuan y vendait des crevettes bouquets géantes.
Avec cette façon de faire, il a renversé limage
officielle du Musée. Dautres artistes en art gestuel
y étaient venus sans invitation. Mais le clou de lexposition
sest produit lorsque Xiao Lu a tiré deux coups de feu
sur Duihua (Dialogue), son uvre installation. De nombreux
policiers ont encerclé immédiatement le Musée
et lexposition a dû être interrompue pendant quatre
jours.
Li Xianting considère laction de Xiao Lu comme «
le point final dune décennie de développement
de lart chinois contemporain. » Daprès
lui: « Ces coups de feu ont fait avancer dun pas le
point critique des beaux-arts de la Nouvelle Vague 85,
cest-à-dire quils ont fixé la limite des
nouvelles idées et des nouveaux modèles que recherchent
les artistes davant-garde et qui sont nécessaires à
la société. Cest un esprit moderne et un phénomène
particulier à lart chinois contemporain. »
La marginalisation
« Après 1989, ayant essuyé un échec
complet de leur idéal de résoudre les problèmes
de la Chine par le modernisme occidental, les intellectuels chinois
ont commencé à traiter les problèmes de manière
plus réaliste. Lenvironnement de vie dans lequel nous
nous trouvions alors était désordonné et morose,
puisque les anciennes normes avaient disparu et quon nen
avait pas encore établi de nouvelles. Dans une telle période,
chacun affrontait un monde spirituel morcelé. Il est évident
que lart du début et du milieu des années 1990
a été marqué par un tel contexte », commente
le critique dart Li Xianting.
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Zai xinshidai
Yadang Xiawa de qishi (Inspiration dAdam et
Ève dans la nouvelle ère) de Zhang Qun et Meng
Luding est lune des uvres les plus représentives
de lExposition des beaux-arts de la jeunesse chinoise
en marche. |
Youyong de Li
Xianting (Li Xianting en train de nager), Fang Lijun |
Un nouveau courant a alors émergé subrepticement.
Sa conception et son langage pouvaient être définis
comme étant pop politique : regard critique, humour cynique
et style réaliste méprisant les conventions.
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Affiche de lExposition
dart chinois davant-garde, tenue en février
1989, au Musée des Beaux-Arts de Chine. |
Correspondant à ce courant, on a vu lapparition de
la « littérature des voyous », représentée
par lécrivain Wang Shuo, et de la « littérature
néo-réaliste », avec Liu Zhenyun et Chi Li.
Par ailleurs, dans le domaine de la musique, des groupes rock dits
de laprès-Cui Jian (le père du rock chinois)
ont fait leur apparition.
Dans les années 1990, les artistes à succès
étaient généralement nés dans les années
1960 et avaient diplômé à la fin des années
1980. Sur les plans de leur évolution et de leur carrière
professionnelle, ils étaient très différents
de leurs prédécesseurs. En abandonnant lidéalisme
et les couleurs héroïques dautrefois, ils ont
commencé à peindre en adoptant la perspective du peuple.
À la manière de mauvais garçons, ils ont peint
des moments de vie ordinaires, insignifiants, occasionnels et parfois
extravagants, vécus par eux-mêmes ou par leur entourage.
Selon certains critiques, ce renversement de perspective rendait
parfaitement le monde chinois de lépoque, tant dans
son état desprit général que dans sa
manière de se conduire.
Les uvres des peintres cultes du « groupe des voyous
» expriment leur humour cynique de deux manières :
en choisissant directement des moments de vie extravagants, minables
ou insignifiants, ou alors en ridiculisant des choses sérieuses
et importantes.
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Le Village dart Songzhuang,
formé dans les années 1990, est une des zones
regroupant les artistes. |
Lapparition du courant pop politique est considérée
comme un tournant important dans lhistoire de lart chinois.
Après avoir suivi avec intérêt le modernisme
idéologique et artistique de lOccident, les artistes
se sont tournés vers le suivi de lespace de vie réel
des Chinois. De plus, lapparition de ce courant à lhumour
cynique a illustré la tendance à se libérer
de tout complexe politique, ce qui constitue lun des signes
ayant marqué que lart chinois contemporain sétait
engagé dans une voie qui lui était propre.
De pair avec cette attitude artistique, il faut noter le changement
de mode de vie des artistes.
Cest à cette époque quest apparu le Village
des peintres. Dès le début des années 1990,
après avoir abandonné leur fonction officielle, bon
nombre dartistes venus des quatre coins du pays sont arrivés
à tour de rôle à Beijing et se sont regroupés
dans les environs de Yuanmingyuan. En 1994, les artistes y affluaient.
Personne naurait pu imaginer que cet endroit allait voir lémergence
dun grand nombre dartistes célèbres, notamment
Ding Fang, Fang Lijun, Yue Minjun, Yi Ling, Yang Shaobin, Xu Yihui
et Chi Nai.
Le style de Fang Lijun se caractérise par le mépris
des conventions et a fait lobjet dune reconnaissance
internationale. « Après les années 1990, nous
disposions dun espace plus large, mais tout a sombré
dans le bourbier de la consommation », souligne-t-il.
Au milieu et dans les dernières années de la décennie
1990, les artistes ont commencé à lier lart
au commerce. Dans les environs de Yuanmingyuan, le prix de limmobilier
a augmenté et les touristes se sont faits de plus en plus
nombreux. Des artistes ont alors déménagé,
ce qui a donné lieu à lapparition dune
série de zones les regroupant. Parmi ces zones, on peut mentionner
: le Village dart Songzhuang, le Centre dart 798, Shangyuan,
Binhe Xiaoqu et Feijiacun. Quant aux artistes, ils ont commencé
à faire des carrières professionnelles et cest
ainsi que, parmi eux, sest creusé un écart entre
les riches et les pauvres.
Lombre et la prospérité
Au début des années 1990, la réforme et louverture
sur lextérieur et les deux coups de feu tirés
par Xiao Lu au Musée des Beaux-Arts de Beijing avaient attiré
lattention des Occidentaux sur lart chinois contemporain.
Par ailleurs, des galeries dart comme Red Gate ou ShanghART
(gérées par des étrangers) sont entrées
à tour de rôle dans le marché presque désert
de lart chinois contemporain. Ces galeries ont dû traverser
une décennie difficile avant de recevoir le fruit de leur
dur labeur : susciter, dans le marché international, lintérêt
des investisseurs et des conservateurs en art chinois contemporain.
Au XXIe siècle, la prospérité de lart
contemporain peut se résumer ainsi : premièrement,
le succès des expositions; deuxièmement, le dynamisme
des activités dans le secteur des galeries dart, le
développement rapide des galeries commerciales et les hauts
et bas des galeries non commerciales; troisièmement, lafflux
des capitaux internationaux et des investissements dentreprises
dans le circuit de la gestion et de la conservation; finalement,
la prospérité du commerce et le dynamisme des ventes
aux enchères.
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L'une des sculptures de lartiste
Yue Minjun |
Il ny a pas longtemps, au cours dune vente aux enchères
organisée par la Société Poly, on a enregistré
un nouveau record : Mianju N° 14 (Masque No 14), un tableau
de Zeng Fanzhi, a été vendu 8,8 millions de yuans,
soit huit fois le montant des estimations dorigine. En étant
vendu 1,76 million de yuans, Tongzhi xilie : Nanren
(Série Camarades : Homme), de Zhang Xiaogang, a établi
un record pour les tableaux de petit format. Toutefois, ce record
a été immédiatement battu par un autre de ses
tableaux, Tongzhi xilie : Nüren (Série Camarades
: Femme), vendu pour 1,98 million de yuans. Le prix de vente de
départ du tableau Da qijian (Le grand navire), de
Liu Ye, avait été fixé à 1,2 million
de yuans, mais la vente sest finalement conclue pour 9,35
millions de yuans. Par ailleurs, le tableau Jiyi huo tiaowu de
heimeigui (Sharp-Born Black Rose) a été vendu
9,845 millions de yuans. Pour ce qui est du tableau Jinri jingguan
(Paysage daujourdhui), qui a fait la couverture du catalogue
de la vente aux enchères, il a été vendu pour
la somme de 16,5 millions de yuans. Maintenant conscients de limportance
dêtre riches, les Chinois sétonnent toujours
des sommes astronomiques auxquelles sont vendues les uvres
dart chinois contemporain.
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Tianshu (Book from the
Sky), Xu Bing (1987-1991). |
Ouverte en septembre 2004 et gérée conjointement
par Huang Liaoyuan et Zhang Haoming, la galerie dart Xianzai
se trouve au bord dun lac, près du Palais des sports
des ouvriers de Beijing. Cette jeune galerie dart, qui vient
de fêter son troisième anniversaire, na sans
doute pas encore un statut très élevé ni une
grande influence, mais son commerce est tout de même florissant.
Au départ, Huang Liaoyuan avait acheté des uvres
peu connues dartistes de deuxième catégorie.
À sa grande surprise, les prix de vente de ces uvres
ont rapidement quintuplé et même décuplé.
Sept mois seulement après louverture de sa galerie,
les bénéfices étaient déjà au
rendez-vous. Cela dit, derrière la prospérité
de lart chinois contemporain se cachent tout de même
des inquiétudes. Certaines dentre elles viennent des
étrangers : « Le développement de lart
chinois attire lattention, mais sa dépendance excessive
au marché cause des inquiétudes », confie un
responsable du Musée dart moderne de la Ville de Paris.
Son témoignage représente un point de vue relativement
généralisé parmi les gens du milieu de lart
contemporain à létranger. Dautres témoignages
viennent des Chinois eux-mêmes. Daprès M. Wang
Yishan, directeur général de la Société
de vente aux enchères Rongbaozhai : « Le prix des uvres
dart chinois va déjà à lencontre
des règles de léconomie. Il y a un phénomène
de spéculation, parce que le prix de ces uvres dépasse
même la limite des capacités financières des
entrepreneurs chinois qui réussissent le mieux. » Les
gens des milieux artistiques sinquiètent également
: cette fièvre du marché, où mènera-t-elle
lart contemporain?
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Au début
des années 1990, des artistes se sont rassemblés
au Village des peintres, près de Yuanmingyuan. |
Latmosphère
libérale et créative à lintérieur
du Centre dart 798 offre un contraste frappant avec la
réalité au-delà de ses murs couverts de
graffitis. |
« Maintenant que nous disposons de plus de liberté
et que nous convoitons aussi un plus grand nombre de choses, nous
sommes en train de perdre la capacité dune réflexion
approfondie. Je pense que certains ont une vision faussée
de la réalité. Les gens simaginent que, si le
niveau de contrôle diminue, ils peuvent profiter de libertés
accrues. Étant donné que le gouvernement a appliqué
sa politique douverture, les créations artistiques
disposent de plus de libertés, mais en réalité,
ce sont les intérêts commerciaux et le marché
qui empêchent les gens de penser librement. Daprès
moi, cest le marché, et non pas le gouvernement, qui
restreint aujourdhui leur liberté. Par ailleurs, il
est évident que lattitude des gens envers la politique
est plus mûre quauparavant », confie Xu Bing,
un artiste chinois célèbre, devant son installation
Tianshu (Book from the Sky) quil a créée
de 1987 à 1991.
Lart chinois est entré dans la modernité en
copiant lOccident. Plus tard, la culture occidentale, une
culture forte, a donné la direction à suivre à
lensemble de lart contemporain dans le monde. Ces deux
dernières années, le gouvernement chinois a adopté
une attitude plus tolérante à légard
de ce type dart. Denfants désobéissants
à lesprit indépendant, les artistes sont maintenant
devenus des enfants gâtés. Selon les deux critères
« indépendance desprit par rapport aux réalités
sociales » et « lart pour lart »,
il y a peu dartistes vraiment excellents dans le milieu de
lart chinois contemporain. Le moment de réfléchir
sur cet état de choses est fort probablement arrivé.
« Je pense que nos artistes doivent se remémorer les
années 1980, cest-à-dire retourner au point
de départ de cet art et réfléchir à
son avenir », ajoute Xu Bing.
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Dans lune
des nombreuses galeries du Village dart Songzhuang. |
Lusine 798,
transformée en un centre dart, attire beaucoup
de visiteurs chaque jour. |
« Être à la recherche dun esprit à
la fois humaniste et artistique qui puisse concurrencer de manière
indépendante dans le contexte actuel de lomniprésence
de la mondialisation et de léconomie de marché.
Jai un rêve : que lart chinois contemporain ne
soit pas seulement une marchandise et une uvre dexposition;
quil soit un domaine comme la science, la religion ou la philosophie,
et quil exerce une influence positive sur la culture chinoise
et mondiale », dit Gao Minglu.
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