Trois
piliers de léducation traditionnelle de base
HUO JIANYING
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Par cette classe
de musique, ces enfants de Shenzhen font lexpérience
de ce quétudiaient leurs pairs, il y a des siècles,
et de la manière dont ces derniers étudiaient.
-------------China Foto Press |
Le peuple chinois a toujours accordé beaucoup dimportance
à léducation de base. Il y a des siècles,
des garçons de 5 ou 6 ans entamaient leur instruction par
des cours sur léthique, et ces cours étaient
destinés à guider ces jeunes sur la voie qui allait
en faire des citoyens de haute moralité.
Une sagesse précoce
Tous les Chinois connaissent lhistoire de Kong Rong, un descendant
de Confucius (son nom de famille était Kong ), qui a vécu
vers la fin de la dynastie de Han de lEst (25-220). Kong Rong
était le sixième de sept fils. Un jour, alors quil
était enfant, sa mère déposa sept poires sur
la table à lintention de ses enfants. Kong Rong choisit
la plus petite. Heureux, mais perplexe, son père lui demanda
pourquoi il avait agi ainsi. Lenfant de 4 ans lui répondit
: « Je suis jeune et je dois laisser les plus grosses poires
à mes frères aînés. Mais puisque jai
également un frère cadet, je dois lui laisser une
plus grosse poire. » Cette histoire est citée dans
le San Zi Jing, un classique de lAntiquité sur
léducation de base.
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Une
partie du texte du Qian Zi Wen, retranscrite par le moine
Zhiyong, à la fin du VIIe siècle. |
Une
école privée, vers la fin de la dynastie des Qing
(1644-1911) |
Les
éducateurs de lAntiquité ont également
écrit ou compilé le Qian Jia Shi (Collection
de poésies populaires anciennes), imprimé il y
a un siècle..-----------------------------
Huo Jianying |
Dans la culture confucéenne antique, la morale et léthique
étaient deux des aspects prédominants de léducation
chinoise.
Cette prédominance a donné lieu à la maxime
bien connue : « Le potentiel dun enfant en tant quadulte
est apparent quand il a 3 ans; ce quil sera réellement
est évident à 7 ans ». Ce dicton a alerté
bien des parents sur la nécessité de cultiver les
traits de personnalité de leur enfant, dès son tout
jeune âge, en récompensant les bons comportements et
en décourageant les tendances antisociales. Si des problèmes
comportementaux persistent quand un enfant a atteint 7 ans, ils
se manifesteront durant toute sa vie. La psychologie moderne reconnaît
la validité scientifique de cette théorie. Étant
donné que la réussite dune personne dans la
vie dépend en grande partie de sa conduite dans son environnement
social, il est certain que léducation de base façonne
la totalité de sa vie.
Le San Zi Jing : la «
bible » de léducation de base
On a peine à imaginer que, jusquà larrivée
de léducation moderne et des écoles publiques
(dans la deuxième moitié du XIXe siècle), le
matériel didactique de base en Chine navait pas changé
depuis des milliers dannées. Parmi les premiers manuels,
citons le San Zi Jing, le Qian Zi Wen (Classique des
mille caractères) et le Bai Jia Xing (Livre des cent
noms de famille). Les autres manuels fréquemment utilisés
étaient le Qian Jia Shi (Collection de poèmes
populaires antiques), le Dizi Gui (Code de conduite pour
les élèves), et le Ming Xian Ji (Livre sur
les célébrités et les hommes de vertu).
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Mettre un point rouge sur
le front des enfants dâge scolaire était
une pratique populaire dans la Chine antique. Celle-ci marquait
le début de linstruction des enfants. Le point
rouge symbolise lil de lintelligence.--------------------------
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Cependant, de tous les manuels utilisés à lécole
primaire, le San Zi Jing était le plus courant, et
par conséquent, le plus influent. Il a été
introduit au Japon et en Corée, il y a des siècles.
Il a dailleurs été traduit en russe en 1727,
et plus tard en anglais et en français. À lautomne
de 1990, lUnesco a inclus ce livre dans sa série sur
léducation morale des enfants. Depuis lors, il a été
publié dans le monde entier.
Le San Zi Jing a été écrit par Wang
Yinglin (un érudit confucéen et éducateur réputé
du XIIIe siècle), à lintention des enfants de
son clan. Il se compose de strophes rimées à trois
caractères, et quatre strophes composent une phrase. Les
1 415 caractères du San Zi Jing énoncent succinctement
lessence du système de valeurs et le code déthique
chinois. Ce chef-duvre a toujours été
considéré comme une encyclopédie des sciences
humaines pour enfants, une aide pédagogique systématique
pour les professeurs et une lecture indispensable pour les parents.
En citant en exemple une histoire sur Mencius, le texte débute
par limportance de léducation. Alors quil
avait 2 ans Mencius a perdu son père. Veuve, sa mère
a essayé de joindre les deux bouts en vendant de létoffe
quelle avait tissée. Toutefois, quelles que soient
les difficultés de la vie, elle prenait toujours le temps
de créer les meilleures conditions possibles pour léducation
de son fils. Mencius était un garçon intelligent,
mais espiègle. Dans son enfance, lui et sa mère vivaient
près dun cimetière. Mencius est alors rapidement
devenu familier avec les rituels des cérémonies funèbres.
Croyant que cet environnement morbide pouvait être particulièrement
malsain pour son fils, la mère a décidé de
déménager en ville, près dun marché.
Peu de temps après, Mencius a commencé à se
comporter comme un commerçant astucieux. Cherchant à
freiner cette tendance, sa mère a déménagé
de nouveau la famille, cette fois, dans un logement situé
tout près dune école. Comme prévu, le
jeune Mencius sest avéré être un écolier
intelligent et semblait avoir un grand potentiel pour la recherche.
Toutefois, puisquil terminait généralement ses
travaux scolaires bien avant les autres, il sesquivait de
la salle de classe pour aller flâner.
Un jour quil était resté trop longtemps éloigné,
son professeur sest rendu chez lui pour aller le chercher.
À la nouvelle de labsentéisme de Mencius, la
mère a réagi en coupant tous les fils sur son métier
à tisser et en disant à son fils de les raccorder.
Mencius se montra incapable de remettre en ordre cette masse empêtrée
de fils coupés. Cest la manière que sa mère
avait choisie de lui montrer que létude est comparable
au tissage, en lui prouvant que les lignes complexes du savoir sont
semblables aux fils sur un métier à tisser: une fois
brisés, ils ne peuvent plus être raccordés.
Dès lors, Mencius a étudié très fort
et est devenu un sage confucéen respecté et vénéré.
Le Qian Zi Wen
Le Qian Zi Wen est un manuel aussi important que le San
Zi Jing dans l'éducation de base. Zhou Xingsi, son auteur,
a vécu au début du VIe siècle.
Ce dernier était renommé pour ses vastes connaissances,
son esprit vif et sa verve littéraire. Grâce à
sa réputation, il a été nommé secrétaire
personnel de lempereur Wudi de la dynastie des Liang (502-557).
Lempereur la alors chargé de compiler ce manuel
au profit de ses fils et neveux. Il lui a ordonné de choisir
1 000 caractères des calligraphies de Wang Xizhi et den
faire un traité en vers. Zhou Xingsi en a fait un chef-duvre
littéraire qui a plu à lempereur.
Le Qian Zi Wen était à lusage exclusif
de la famille impériale. Cest grâce au moine
Zhiyong, qui a vécu à la fin du VIIe siècle,
que les gens ordinaires ont pu y avoir accès.
La vaste gamme des sujets couverts par Zhou Xingsi dans les 1 000
caractères comprend lastronomie, la géographie,
lhistoire, la politique, les affaires militaires, la culture,
la littérature, les arts, la vie sociale, léthique,
ainsi que les saints et les sages de lAntiquité.
Règle générale, on considère que le
Qian Zi Wen est une épopée poétique
encore plus vaste que le San Zi Jing, car il est imprégné
dune beauté et dune poésie encore plus
profondes.
Le Bai Jia Xing
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Mencius (à g.)
est vénéré aux côtés de Confucius,
au temple portant son nom, à Qufu. Huo Jianying |
Le Bai Jia Xing constitue la composante finale de cette
trilogie de manuels antiques. Son but est d'aider les enfants à
apprendre les caractères chinois en mémorisant les
cent noms de famille chinois les plus courants. Il examine les origines
de ces noms de famille et donne des détails sur les personnages
célèbres au sein de divers clans, de même que
sur leurs vertus et leurs mérites. Ces personnages modèles
tirent leurs forces dans léthique. Létude
de ces trois livres demandait généralement un an et
demi pendant lequel les élèves devaient maîtriser
plus de 1 000 caractères de lécriture chinoise.
Cest plus que ce à quoi lon s'attend de la part
dun élève de deuxième année dans
une école daujourdhui.
Ces trois piliers de la sagesse pédagogique ont peut-être
été remplacés par des théories plus
modernes sur léducation, mais leur influence se continue,
car ils ont laissé une marque indélébile dans
la conscience collective des Chinois.
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