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Changements survenus de
l'Antiquité jusqu'à nos jours

LU RUCAI

LA vice-rectrice de l’Université du Peuple de Chine, Mme Feng Huiling, a effectué des enquêtes auprès d’hommes politiques, d’entrepreneurs et d’autres personnes d’une cinquantaine de pays, à l’occasion d’une étude qu’elle a présidée sur les Jeux olympiques de Beijing 2008. À cette enquête se sont ajoutées les références accumulées sur les reportages des médias chinois et étrangers à propos des sites célèbres et des monuments historiques. Conclusion : parmi les sites touristiques, la Grande Muraille est le premier endroit où les tou-ristes étrangers choisissent de se rendre (80 %). Pour les Chinois et même pour les gens du monde entier, la Grande Muraille est presque toujours associée à la Chine.

Quelle est sa longueur exacte?

« Quand on mentionne la Grande Muraille, les gens pensent tout de suite au tronçon de Badaling », indique M. Dong Yaohui, vice-président de la China Great Wall Society (Société de la Grande Muraille de Chine) et expert chevronné sur cet ouvrage. « En réalité, la première construction de la Grande Muraille a eu lieu durant l’époque des Printemps et Automnes (770 – 476 av. J.-C) et celle des Royaumes combattants (475 – 221 av. J.-C), il y a plus de 2 000 ans. Sa longueur totale dépassait 6 500 km jusqu’aux Ming (1368-1644) ». Badaling n’est qu’un petit tronçon de la Grande Muraille des Ming. Actuellement, ce tronçon ne compte que 3,7 km ouverts au public, et un autre 3,7 km est en train d’être restauré pour doubler, avant la tenue des Jeux olympiques, la longueur ouverte au public.

Aux yeux des Chinois et des gens du reste du monde, la Grande Muraille est associée à la Chine

Au VIIe siècle av. J.-C., la Chine était divisée en fiefs dans lesquels les feudataires régnaient en maîtres. Pour renforcer sa défense, le royaume de Chu (dans le Sud) fut le premier à bâtir une grande muraille. Par la suite, d’autres royaumes, dont celui de Qi (dans le Nord), suivirent l’exemple. Il fallut attendre l’unification de la Chine par l’empereur Shihuangdi des Qin, en 221 av. J.-C., pour que soit formée la Grande Muraille de plus de 10 000 li (1 li= 0,5 km). Celle-ci va du district de Minxian d’aujourd’hui (Gansu, en Chine de l’Ouest) jusqu’à l’intérieur du Liaoning, dans le Nord-Est. Elle a été construite à partir des grandes murailles bâties par ces petits royaumes, tout en reliant et en élargissant les murailles des Yan, des Zhao et des Qin. Aujourd’hui, après plus de 2 000 ans d’existence, il ne reste que quelques tronçons de la Grande Muraille des Qin : celui au nord de Datong (Shanxi), celui à l’ouest du district de Minxian (Gansu); et celui de Guyang (Mongolie intérieure).

Après les Qin, près d’une dizaine de dynasties ont construit des tronçons de la Grande Muraille. Cependant, il n’y a eu que les dynasties des Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.) et des Ming qui ont fait des constructions de grande envergure, alors qu’ils avaient pour seul et même objectif de se défendre contre les ethnies nomades du Nord. Selon des données, la longueur totale de la Grande Muraille des Han dépassait 5 000 km, tandis que celle des Ming était de plus de 6 000 km.

La plupart des tronçons actuels de la Grande Muraille ont été construits sous les Ming, il y a plus de 600 ans. Dans les limites de Beijing, elle compte 629 km, dont les tronçons de Badaling, Simatai et Mutianyu, relativement bien conservés et profitant d’une grande renommée.

« Comme toutes les constructions, la Grande Muraille a une durée de vie », déclare M. Zhou Youma, secrétaire général adjoint de la Société de la Grande Muraille de Chine. Il nous explique les raisons pour lesquelles, sur ses 6 000 km à l’origine, il n’en reste plus que 2 000. « Lorsque la Grande Muraille a été érigée (sous les Ming), la qualité de construction était garantie pour 50 ans. S’il y avait eu des problèmes pendant cette période, l’officier chargé de la construction aurait été condamné. Malgré tout, même si la construction de certains tronçons a commencé plus tard, ceux-ci ont tout de même 300 ou 400 ans, et leur détérioration est un phénomène inévitable. » C’est une toute nouvelle explication.

Selon lui, la longueur disparue est de beaucoup supérieure à celle qui a été restaurée, soit une proportion de 100:1. Bien que ce chiffre ne provienne pas d’une démonstration scientifique, il révèle la faiblesse de la Grande Muraille ancienne face aux éléments naturels.

Guerre ou paix?

Dans sa nouvelle intitulée The Great Wall of China, l’écrivain tchèque Frantz Kafka (1883-1924) raconte l’histoire de la construction de la Grande Muraille des Chinois, dès les temps anciens. Ayant vécu à Prague, il n’a jamais mis les pieds sur le sol chinois, mais il a imaginé le processus de cette construction. Pour lui, la Grande Muraille était un ouvrage de défense.

« La fonction de défense militaire de la Grande Muraille est toujours considérée comme ayant été l’objectif de sa construction. En réalité, si on l’a bâtie, c’était pour la paix, et non pour la guerre, révèle M. Dong. D’ailleurs, au cours de la plupart des périodes historiques, peu de guerres ont eu lieu à l’intérieur et à l’extérieur de ses murs. » Lorsque les présidents Bill Clinton et George W. Bush ont visité la Grande Muraille, M. Dong les a accompagnés. Leur question était la même que celle que posent tous ceux qui sont attirés par la structure complexe de défense de la Grande Muraille : sous différentes époques et pendant des milliers d’années, on y a consacré des ressources humaines, matérielles et financières considérables; en fin de compte, pour quelle raison?

« En réalité, la Grande Muraille a été un moyen pour régler les problèmes qui existaient entre l’économie nomade (au nord) et l’économie agricole (au sud) », indique ce chercheur. Depuis toujours, les ethnies vivant au nord de la Grande Muraille étaient nomades, dont les Xiongnu sous les Qin et les Han, et les Mongols sous les Ming. Or, à cette époque, les Han de la Plaine centrale semaient au printemps et moissonnaient à l’automne. Les récoltes des paysans faisaient souvent l’objet des convoitises des tribus nomades. « Si les bestiaux des tribus nomades mangeaient les cultures des paysans, ces derniers les tuaient; en riposte, les propriétaires des bestiaux tenaient tête aux paysans », ajoute-t-il. Guerre et conflits étaient inévitables.

Les paysans ont donc été obligés de se déplacer vers le sud pour éviter les menaces des tribus nomades, et dans le nord, il y a eu de plus en plus de terres abandonnées. « Pour protéger les paysans et les terres labourées, le gouvernement de la Plaine centrale envoyait des troupes pour repousser les tribus nomades. Pourtant, dès qu’elles arrivaient à l’endroit où se tenaient les tribus, ces dernières étaient déjà parties. Or, une fois que les troupes s’étaient retirées, les tribus nomades pénétraient encore vers le sud », déclare M. Dong. Après la construction de la Grande Muraille, l’économie agricole a été garantie et bien ordonnée. Quant aux troupes qui avaient été chargées de la construction, elles y restaient stationnées, de sorte que la paix était assurée.

La Grande Muraille a aussi accéléré le développement du commerce frontalier. Certaines de ses passes, par exemple la Niangzi et la Zijing, étaient des postes douaniers intérieurs pour les échanges commerciaux.

Selon M. Dong, la Grande Muraille ne peut pas être identifiée seulement à une architecture militaire. « On l’a construite parce qu’on ne voulait pas faire la guerre; et pour qu’elle joue ce rôle durant plusieurs générations, on l’a construite solidement. »

Son rôle au cours de l’histoire

Les artisans ayant participé à la construction étaient pour la plupart des soldats. « Ils provenaient de tous les coins du pays; c’est ainsi que la culture des différentes régions s’est concentrée le long de la Grande Muraille », révèle M. Zhou Youma.

Pour renforcer la défense à la ligne de démarcation formée par la Grande Muraille, il y avait toujours des garnisons de soldats. Un système de défrichement des terres par les soldats, les membres de leur famille et les paysans locaux a été mis en place pour assurer leur subsistance. Il fallait payer des impôts selon le quota de production de céréales qui avait été fixé, afin de garantir les fonds couvrant la solde.

Tronçon de Wangquanyu ----------------------------------Photos: Ma Jun et Liu Minzhu

Lorsque les attaques des adversaires étaient peu nombreuses, il n’y avait pas beaucoup de soldats en garnison sur la Grande Muraille. En général, un ou deux étaient stationnés à une tour de guet. Une fois la présence de l’ennemi découverte, le soldat en stationnement allumait les feux de la tour d’alarme pour communiquer la nouvelle à la troupe en garnison, à proximité, et même aux départements décisionnels dans la capi-tale.

Aux yeux de la plupart des gens, la Grande Muraille n’est certes que des murs imposants qui s’étendent à perte de vue, mais en réalité, elle comprend de nombreuses installations militaires et de vie, dont des forteresses, des casernes, des tours de feux d’alarme, des entrepôts de céréales, des armureries. Elle possède des fonctions de toutes sortes : lieu de bataille, commandement, observation, communication à distance et cache. Elle était un bon choix pour se défendre contre la cavalerie des tribus nomades.

Son nouveau rôle actuel

En 1952, le tronçon de Badaling a été le premier à être ouvert au public. Jusqu’aujourd’hui, plus de 150 millions de visiteurs y sont venus, dont 400 chefs d’État.

En plus de Badaling, Beijing compte d’autres tronçons ouverts aux visiteurs (dont ceux de Mutianyu, Simatai et Juyongguan), pour une longueur ouverte totalisant quelque 30 km. Comme le désir de découvrir la Muraille est de plus en plus fort, des tronçons non aménagés ont commencé à en attirer certains. Pourtant, puisqu’ils sont extrêmement fragiles, faute de restauration, des accidents pourraient s’y produire. C’est pour cela que les Règlements sur la protection de la Grande Muraille interdisent ce genre d’exploration dans les sections non aménagées.

Aux yeux de M. Dong, l’exploitation touristique est une arme à double tranchant. « Si le monde ne peut y aller, à quoi sert la Grande Muraille? » Pour lui, les lieux ayant la meilleure exploitation sont aussi ceux dont la protection est la meilleure. Avec les revenus des billets d’entrée, les coûts de la protection sont relativement couverts et la gestion, plus perfectionnée. Il espère donc que davantage de tronçons non aménagés seront ouverts au public.

Ce souhait sera réalisé rapidement. Selon l’Administration du Patrimoine culturel de Beijing, après qu’ils auront été restaurés, des tronçons non aménagés comme ceux de Huanghuacheng, Qinglongxia et Shuiguan pourront être ouverts au public.

Le Gansu a même devancé Beijing dans la protection et l’utilisation de la Grande Muraille. Des départements responsables de la protection du patrimoine culturel ont demandé à un paysan local, Yang Yongfu, d’entreprendre à forfait la restauration d’un tronçon des Ming. En 2000, cet homme a investi 800 000 yuans pour restaurer ce tronçon endommagé et a signé un contrat de 30 ans pour sa protection, son entretien et son utilisation. Aujourd’hui, son « site touristique de la Grande Muraille de Shiguanxia » est devenu un lieu fréquenté par les touristes.

Les secteurs fonciers et immobiliers et celui des activités du spectacle s’intéressent également aux effets de la Grande Muraille en publicité. La « Commune au pied de la Grande Muraille » est un complexe architectural privé, conçu et bâti par douze éminents architectes asiatiques. Situé au pied du tronçon de Shuiguan (au nord de Beijing), ce complexe a gagné de nombreux prix d’architecture prestigieux, grâce à sa localisation et à son style architectural de pointe. Ce complexe est maintenant un hôtel et un centre d’activités à la mode, et des événements médiatiques de nombreuses grandes marques s’y tiennent.

« Aujourd’hui, la portée médiatique de la Grande Muraille va bien au-delà de celle de simple symbole historique », conclut le chercheur Dong Yao-hui.

Histoire de la construction de la Grande Muraille

Des royaumes feudataires du VIIe siècle av. J.-C. jusqu’aux Ming (1368-1644), une vingtaine de royaumes et dynasties ont bâti la Grande Muraille. Les longueurs construites sous les Qin (221 – 207 av. J.-C.), les Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.) et les Ming dépassaient toutes 5 000 km.

La Grande Muraille des Qin a été construite sous l’ordre de l’empereur Shihuangdi. Elle a été bâtie à partir des grandes murailles des autres royaumes et s’étendait sur plus de 5 000 km, en partant de Lintao (actuel Minxian du Gansu), à l’ouest, et en se prolongeant vers l’est jusqu’au mont Jieshi (préfecture Liaodong – aujourd’hui Longgang, dans la péninsule coréenne). La Grande Muraille des Qin passe par les actuels Gansu, Ningxia, Shaanxi, Shanxi, Mongolie intérieure, Hebei et Liaoning.

L’envergure des travaux de la Grande Muraille des Han est de loin supérieure à celle des Qin. Sous les Han de l’Ouest (206 av. J.-C. – 24 apr. J.-C.), pour protéger le corridor Hexi qui menait vers les contrées de l’Ouest, en plus de restaurer la Grande Muraille des Qin, on a également élargi les tronçons de l’ouest et les citadelles, en passant par Dunhuang (Gansu) jusqu’au Xinjiang. On l’a fait également pour les tronçons de l’est qui vont jusqu’au Jilin, avant de passer par les monts Langshan et Yinshan, ainsi que Chifeng (Mongolie intérieure). Une grande partie de la Grande Muraille des Han traverse les prairies. Après deux millénaires, les ruines ont une largeur variant de 4 à 8 m, et une hauteur de 0,5 à 1 m.

Plusieurs empereurs des Ming ont fait faire des travaux de construction de la Grande Muraille (environ 20 fois). Sur plus de 6 000 km, la Grande Muraille des Ming part de Shanhaiguan (Hebei), à l’est, et passe par Beijing, le Shanxi, le Shaanxi et le Ningxia, avant d’arriver à Jiayuguan (Gansu), à l’ouest. La plupart des tronçons conservés actuellement datent de cette époque, dont ceux de Badaling et de Simatai. Avec sa structure en brique et en pierre, la Grande Muraille des Ming a un système de défense plus perfectionné.


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