![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
La
passion de la qualité et être un pionnier, voilà
ce qui anime cet homme qui travaille à donner ses lettres
de noblesse au vin chinois.
QUAND on parle du Xinjiang (la région autonome ouïgoure en Chine de lOuest), pour bien des gens, cela évoque de grandes étendues désertiques, très éloignées des grands centres de la côte orientale chinoise tellement dynamique. En outre, jusquà tout récemment, le vin sec chinois était boudé par les amateurs de bon vin. Et pour cause! Trop souvent, ce vin nétait quune boisson peu raffinée au goût âcre. La Chine nest-elle pas le royaume de la bière et du baijiu (alcool blanc souvent fort), même si le pays occupe le sixième rang mondial pour la production du vin? Pourtant, cest à Manas, dans le Centre-Ouest du Xinjiang, que lingénieur-nologue Fred Nauleau a choisi de sinstaller. Depuis 2005, il met son savoir-faire au service de Vinisuntime International, une compagnie qui possède un vignoble de 10 000 ha, le plus grand dAsie, et il est bien décidé à persuader quiconque sintéresse aux vins que ceux de Vinisuntime sont à la hauteur des attentes des connaisseurs. Si on essaie dabord de comprendre un peu la décision de cet homme, originaire de la vallée de la Loire, de sexpatrier dans une région considérée comme « éloignée », on saperçoit rapidement quil na peut-être pas eu tort. En fait, situé à la même latitude que Bordeaux et la Californie, le Xinjiang est depuis longtemps un royaume du raisin. Cependant, la région produisait surtout des variétés de raisins à consommer frais ou séchés.
Par ailleurs, avant 1950, Manas, située au nord des monts Tianshan, nétait quune étendue inculte. Cest 1997 qui y a marqué le début des vignobles, et la production de vin a commencé en 2000. Dès le début, un mot dordre a été donné : à partir de raisins cultivés en Chine, produire des vins de qualité que lon entrepose en vrac, et les produire en utilisant des méthodes modernes de viticulture et un équipement à la fine pointe de la technologie. Cest dans ce contexte que la compagnie a investi 175 millions $US dans trois démarches : la construction de quatre installations vinicoles; laménagement dun système dirrigation perfectionné pour canaliser les eaux provenant de la fonte des neiges des monts Tianshan; et lachat déquipements sophistiqués de France et dItalie. Il faut dire que certains experts locaux semblent être convaincus des avantages de la région puisquils déclarent : « En Chine de lEst, il y a trop de pluie et les raisins ne mûrissent jamais suffisamment. Ici, nos étés sont très chauds et il y a une grande différence de température entre la nuit et le jour, ce qui est bon pour le mûrissement du raisin. » De plus, les analystes sentendent pour dire que le marché chinois du vin, un marché de 2 milliards $US, a de belles années devant lui, vu laugmentation du niveau de vie des Chinois et leur goût pour des vins de qualité qui est en train de se développer. Les chiffres semblent leur donner raison : selon Euromonitor, un prestataire dinformations sur les industries et les consommateurs, de 1999 à 2004, la consommation de vin y a augmenté de 79 %! Cest probablement la combinaison de toute cette situation qui a exercé un attrait irrésistible sur M. Nauleau. Laissons-le nous parler de son expérience.
Vinisuntime, est-ce votre première expérience comme nologue? Ah! non. Auparavant, jai travaillé comme consultant en Europe, notamment en Bulgarie.
Quelles sont maintenant vos fonctions dans cette compagnie? Je suis responsable de la fabrication du vin et de la formation du personnel. Jassure donc le con-trôle de la partie technique et jai la responsabilité denviron 90 employés.
Pouvez-vous nous donner un aperçu dune journée type? Je dois préparer le travail des employés qui supervisent les opérations de vinification, dresser la liste des échantillons à prélever, organiser les dégustations pour prévoir les assemblages et établir les procédés avec les employés.
Quel est laspect le plus difficile de ce travail?
À mon arrivée, la « culture » du vin nexistait pas et jai dû partir pratiquement de zéro, notamment montrer comment brancher les pompes, comment déguster, jeter les bases théoriques. Cependant, je dirais que cest laspect humain, plus que le côté technique, qui est exigeant. Les employés sont jeunes, je les connais bien, car cest moi qui les ai formés. Toutefois, comme il leur est difficile de prendre eux-mêmes des décisions, ce nest pas facile de leur déléguer des responsabilités. LUniversité de lagriculture du Nord-Ouest offre maintenant une formation pour les métiers de la vigne et du vin, mais sur 90 employés, il ny a quune dizaine qui ont un niveau universitaire. Dans ce contexte, je dois planifier, moccuper de la production, de ladministration, guider les employés et les superviser. De plus, les dirigeants de lentreprise sont Chinois, ils nont pas le même sens de la planification que nous, Occidentaux. Alors, parfois, cest plus difficile de prévoir ce quil y a à faire.
Il doit bien y avoir des avantages, non? Ici, cest une nouvelle région productrice de vin, une région unique sur le plan du climat, une région davenir. Donc, dans mon métier, cela veut dire agir un peu comme un pionnier. De plus, jaime bien découvrir du nouveau, une culture différente. On apprend beaucoup, cest enrichissant. Et lon apprend aussi la patience...
Que pensent vos collègues nologues de votre expérience? Ils ont de ladmiration, surtout quand ils constatent que, même dans une région reculée, on peut faire un vin de bonne qualité. La viticulture, comme dautres secteurs, subit la concurrence mon-diale, mais il y a un marché pour le vin chinois, pour un vin qui sadapte bien à la cuisine chinoise.
Jai lu que certains amateurs ont dit que votre vin est lun des meilleurs quils aient goûtés en Chine... Quand on a du bon raisin, du bon matériel, une bonne vinification, le sens du détail et quon a une certaine sensibilité par rapport au produit, on peut fabriquer un produit de qualité en adaptant les procédés selon le millésime. Il faut respecter à la fois le produit et le désir du consommateur.
Sur un plan plus personnel, la Chine, est-ce un hasard? Pas tout à fait. Jai toujours été attiré par les pays asiatiques et lAsie centrale, une attirance que jai sans doute acquise par mes lectures. Quand jétais jeune, jaimais, entre autres, lire du Loti.
Comment qualifieriez-vous votre expérience au Xinjiang? Au départ, par un sentiment disolement, par des difficultés dintégration. Dans un métier, les difficultés techniques, on arrive toujours à les surmonter. Même chose pour la barrière linguistique : les interprètes peuvent donner un coup de main. Mais comprendre les particularités dun pays, dune région, cela se fait plus lentement. Je peux dire que, sous cet aspect, mon expérience de travail en Bulgarie ma aidé. Là-bas, comme ici, il sagit dune entreprise dÉtat privatisée, dun pays ayant des mécanismes communs hérités de lépoque de léconomie planifiée. Mais cest surtout ma femme, une Chinoise, qui ma permis de mieux madapter. Sans elle, cela aurait été plus difficile. Aujourdhui, ces difficultés sont surmontées. Jai une famille et je me sens intégré.
Et lavenir? Sûrement deux ou trois ans encore au Xinjiang, puis je verrai. |
![]() |
Rédaction : 24, rue Baiwanzhuang, Beijing 100037, Chine |