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Jamais trop tard!

DIAO YING

M. Gérard Clerc

Après avoir établi la chaîne Carrefour en Asie, à 65 ans, M. Gérard Clerc a fondé sa propre chaîne de supermarchés en Chine.

Les professionnels affairés rêvent habituellement d’une retraite dorée. Mais quand l’heure de la re-traite a sonné, M. Clerc n’a pas passé son temps à jouer au golf. Il a plutôt fondé sa propre entreprise. En 2002, alors âgé de 65 ans et après avoir travaillé chez Carrefour pendant près de trois décennies, il a fondé en Chine la chaîne de supermarchés portant l’enseigne Bonjour. Depuis lors, il a ouvert neuf magasins, tous situés à Beijing ou Qingdao (province du Shandong).

Les premiers pas en Asie

« Cela a été plus difficile que je l’avais prévu », se souvient-il, étant donné la concurrence féroce qui sévit dans le secteur de la vente au détail en Chine. La vie de ce pionnier aurait pu être bien remplie, même sans Bonjour, puisqu’il est celui qui a installé Carrefour en Asie.

Lorsque M. Clerc est arrivé dans le continent asiatique, le concept d’un hypermarché débordant de marchandises était tout nouveau. Pour de nombreux Asiatiques, le concept d’un hypermarché « tout sous un même toit » dans lequel les employés se déplacent en patins à roulettes -- un fait courant en Europe -- était quelque chose d’étranger. Cependant, puisque Carrefour lorgnait du côté du marché asiatique, M. Clerc avait été choisi comme l’homme qui allait mettre ce projet en œuvre. Il était alors marié et avait trois enfants. Sa femme avait insisté pour rester en France, mais pour sa part, il voulait explorer cette partie du monde. Il a donc pris l’avion pour l’Asie en compagnie de son plus jeune fils.

L’entrée d’un Bonjour

À l’été 1986, M. Clerc est arrivé à Taiwan et il a commencé immédiatement la recherche et la col-lecte de données sur la population locale, le réseau de transport et les niveaux de revenus. Bien que l’environnement de marché relativement ouvert de l’île eût laissé présager de bonnes affaires, dix-huit mois ont été nécessaires pour effectuer la recherche et la planification préalables à l’ouverture du premier magasin.

Pour les détaillants locaux, Carrefour était un envahisseur étranger, et M. Clerc a dû gagner la confiance des fournisseurs, des promoteurs immobiliers et de l’autorité locale. À Taiwan, le prix des terrains grimpait en flèche. Il avait prévu construire un magasin de 10 000 m2, une dimension courante en France, mais le coût du terrain augmentait de plus de 20 % à peu près tous les deux mois. Il a donc décidé de louer le terrain, une nouvelle approche pour une compagnie qui avait toujours acheté le terrain sur lequel sont construits ses magasins. Cette décision a grandement coupé les coûts, car le prix de la location ne représentait plus alors que 1 % du prix total du terrain.

Pour avoir une meilleure coordination du marché et un meilleur contact avec lui, M. Clerc a également trouvé un partenaire local : President Group. Vingt ans plus tard, ce groupe allait devenir son partenaire pour fonder Bonjour.

Supermarché Bonjour situé dans la rue Chaoyang, à Beijing

À Taiwan, les hypermarchés ont immédiatement connu du succès. Les résidants, qui ne s’étaient jamais rendus auparavant dans un magasin où ils pouvaient trouver à peu près tout ce dont ils avaient besoin, affluaient dans le magasin durant les week-ends, un peu comme s’ils allaient y célébrer leur congé. Avec le succès de l’entre-prise à Taiwan, M. Clerc est en quelque sorte devenu un héros au sein de Carrefour. En 1993, il a été promu chef de Carrefour Asie, et par la suite, on l’a assigné à Hongkong pour développer davantage la chaîne dans le marché asiatique.

« La clé du succès, conclut M. Clerc, c’est l’adaptation. Apporter autant de changements que l’on réussit à conserver l’essence gagnante permet de connaître du succès dans un nouvel environnement. »

En Asie, les magasins Carrefour sont habituellement situés au centre-ville, ont deux étages et sont partiellement sous terre, tout cela afin de satisfaire aux habitudes d’achat des gens. En France, par contre, les magasins sont généralement de grands bâtiments à un seul étage, situés en banlieue. La configuration des magasins peut avoir changé, mais M. Clerc a conservé les éléments essentiels comme les soldes, le choix, la fraîcheur des produits et le stationnement gratuit.

Au fur et à mesure que Carrefour a pris de l’expansion en Asie, M. Clerc s’est montré plus confiant dans le secteur de la vente au détail. C’est quelque chose qu’il aime et dans lequel il excelle.

« Il semble que je peux savoir instinctivement si une localisation va être rentable », dit-il. Son instinct a également prouvé que sa décision -- prise alors qu’il avait 31 ans -- de travailler dans le secteur de la vente au détail, était la bonne.

Un parcours hors du commun

Avant de travailler pour Carrefour, le jeune Gérard Clerc avait étudié la finance, puis il avait travaillé comme vérificateur pour un magazine français. Selon ses dires, il s’est toujours intéressé à la gestion et a décidé de tenter sa chance dans ce domaine en 1971, après avoir lu un article sur le septième magasin de Carrefour en France. Cet article s’intitulait : Nouvelle gageure ou première erreur? Curieux, M. Clerc s’est rendu au magasin et a découvert qu’un rasoir y était vendu 30 % moins cher qu’à Paris. « Je n’ai pas pensé que c’était une erreur, et je leur ai envoyé mon C.V. », confie-t-il. Trois jours plus tard, il a reçu une offre et a bientôt commencé à travailler en tant qu’inspecteur des étalages. Dix-huit mois plus tard, il est devenu gérant du magasin; six ans de plus, et il était promu gérant régional.

Carrefour lui a offert différents postes, de sorte qu’il a toujours été très présent dans ce secteur. Il aimait la gestion au quotidien, mais il avait également d’autres intérêts : lancer sa propre entreprise. L’occasion lui a été offerte juste avant sa retraite, alors que Carrefour a récompensé sa contribution en lui donnant des actions de la compagnie. Il a utilisé ces actions pour lancer l’enseigne Bonjour.

Ce gestionnaire chevronné a choisi d’ouvrir ses magasins en Chine plutôt que de rentrer en France. « En France, la vente au détail est à maturité et, pour l’essentiel, ce n’est que de la routine. Le défi est plus intéressant en Chine », dit-il. Et du défi, il en a eu! Contrairement à ses années de pionnier passées à Carrefour, alors qu’il était entouré d’une grosse équipe de gestion et d’un système de formation bien rodé pour l’appuyer, à Bonjour, il a dû tout recommencer à zéro. Bien qu’il pense encore que Carrefour est le meilleur supermarché, ses magasins ont gagné la faveur des cols blancs des tours à bureaux des environs. C’est que le magasin met l’accent sur la fraîcheur et la variété des produits. Le détaillant vise également à servir les gens qui habitent à distance de marche. À l’intérieur d’un magasin de 3 000 m2, les clients peuvent trouver plus de vingt types de thés chinois, des produits français de boulangerie et des saveurs locales provenant d’aussi loin que de la province du Guizhou, en Chine du Sud-Ouest.

En 2006, ses magasins de Beijing ont généré des ventes de 200 millions de yuans D’après lui, le chiffre devrait grimper à plus de 300 millions en 2007. Pour chaque magasin, l’investissement moyen est d’environ huit millions de yuans. Également selon M. Clerc, dès 2008, il va être en mesure d’ouvrir de nouveaux magasins à partir des profits réalisés dans les magasins existants.

Profil de Gérard Clerc:

Né en 1937;
Entre au service de Carrefour en 1971;

Localise Carrefour à Taiwan en 1987;

Ouvre le premier Carrefour dans la partie continentale de Chine en 1995;

Prend sa retraite de Carrefour en 1999;

Ouvre le premier magasin Bonjour en 2002.

Il fait remarquer qu’il ne travaille plus aussi dur qu’avant. « Quand vous avez 70 ans, vous ne pouvez plus faire ce que vous faisiez quand vous en aviez qua-rante. » Maintenant, il se contente d’avancer des suggestions et de prendre les décisions d’exploitation importantes. Dans son bureau, une dizaine d’employés gèrent la chaîne de magasins. Selon lui, il y a deux clés en gestion : « Vous devez vous entourer de personnes compétentes et avoir une bonne définition des tâches pour chacune. » Maintenant, M. Clerc nage chaque matin, et le golf est toujours son loisir préféré. Ce sport l’attire parce que « le progrès s’y fait lentement ». Il rentre en France tous les trois mois et prévoit prendre vraiment sa retraite lorsque son équipe pourra exploiter seule les magasins. Il ne sait pas quand cela se produira. « Peut-être dans deux ou trois ans », avoue-t-il.

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