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Qui a créé la civilisation

de l’ancien royaume de Sanxingdui?

Dans l’Antiquité, qui étaient les Shu? Est-ce eux qui auraient créé cette brillante civilisation? Les points de vue des archéologues et des historiens d’aujourd’hui s’affrontent sur ces deux questions.

Pendant une très longue période, le bassin du Sichuan a semblé un lieu clos et inaccessible. Pourtant, après la découverte du royaume de Sanxingdui, au XXe siècle, on a vu ce royaume avec des yeux neufs en raison de sa culture du bronze relativement bien développée. « Sa période de production du bronze pourrait s’échelonner de 1766 à 1122 av. J.-C., soit l’équivalent de la dernière période de la dynastie des Shang (XVIe siècle – XIe siècle av. J.-C.) de la plaine centrale. Il est impossible que sa culture du bronze ait été mûre dès ses débuts », affirme M. Chen Xiandan, archéologue de l’Institut de recherches archéologiques du Sichuan.

Selon une explication, les bronzes déterrés dans le Sichuan sont différents de ceux trouvés à Anyang (province du Henan), centre politique et lieu important de la fabrication des bronzes sous la dynastie des Shang. On peut quand même considérer les bronzes du Sichuan comme étant fabriqués d’après ceux de cette dynastie. Dans ce cas, les vestiges qui recèlent des bronzes de la même époque sont considérés comme inspirés de ceux des Shang.

Tête d'oiseau en bronze

Une autre explication affirme que, à l’époque des Shang, la technique de fonte du bronze et celle de son moulage n’ont pas pu être transmises à la légère à d’autres dynasties, parce qu’une fois qu’une armée aurait été équipée de bronzes, grâce à sa puissance militaire, elle aurait pu gagner facilement une guerre et piller les ressources des autres.

Cette explication est soutenue par l’analyse d’un spécialiste japonais sur la valeur spécifique de l’isotope du plomb (le plomb est l’un des éléments importants de ce type de bronze), analyse effectuée sur le lieu de production. Depuis la fin de la dynastie des Shang, les artisans des bronzes de Sanxingdui avaient commencé à utiliser un plomb particulier, et ce bronze ressemblait à celui utilisé pour la fabrication des bronzes découverts dans les vestiges Yinxu d’Anyang du Henan et dans les tombeaux Dayangzhou de Xing’an, province du Jiangxi. D’après ce spécialiste japonais, Sanxingdui utilisait la même matière première pour fabriquer ses bronzes.

Tigre en pierre

M. Chen De’an, de l’Institut de recherches archéologiques du Sichuan, partage cette opinion. Il croit que la civilisation de Sanxingdui entretenait des liens importants avec la dynastie des Shang, et que ces liens prenaient racine dans les échanges commerciaux et diplomatiques ou dans l’influence religieuse, mais non dans les guerres. Selon un archéologue des États-Unis, pour une raison inconnue, le minerai de cuivre de Yinxu – il contient du plomb – était probablement transporté du sud-ouest du Sichuan ou provenait du Yunnan et du Guizhou. En raison des échanges commerciaux, la civilisation développée des Shang a influencé celle des Shu, de sorte que, dans l’histoire de la Chine, on peut considérer cette situation comme la première grande mise en valeur de l’Ouest.

Pour l’instant, l’explication la plus répandue est la suivante : les Shu étaient des autochtones originaires de l’amont du fleuve Minjiang, le plus grand fleuve du Sichuan. À l’époque des Xia et des Shang, cette région était l’habitat des ethnies shi et qiang. Les documents historiques relatent que le premier roi de l’État de Shu appartenait à l’ethnie shi ou qiang. D’après les vestiges de la cité de Baodun, découverts à la première étape des fouilles de Sanxingdui, et ceux de Sanxingdui, y compris les vestiges de Jinsha – découverts à la dernière étape de ces fouilles archéologiques –, les édifices, les tombes et les portes étaient tous orientés du nord-ouest vers le sud-est. Certains spécialistes croient que cette orientation symbolise la vénération de l’habitation des ancêtres.

D’autres ne sont pas de cet avis et croient que cette orientation des installations ne visait plutôt qu’à profiter de la topographie de la vallée.

Il faut dire que les découvertes archéologiques récentes effectuées au mont Yingpan, en amont du fleuve Minjiang, semblent soutenir cette explication la plus courante. M. Zhang Qing, chef de l’équipe d’archéologie de Chengdu, explique : « Le mont Yingpan peut représenter la culture de vestiges de la période de 3 500–3 000 av. J.-C. Dans ces vestiges, la structure des murs est en bambou et cette structure est recouverte de terre et d’herbes. Cette façon de faire était adoptée aussi à Sanxingdui, et même dans les zones rurales du Sichuan. Cette explication témoigne que la culture des autochtones s’est déplacée du mont Yingpan, en amont du fleuve Minjiang, vers la plaine de Chengdu. Par ailleurs, nous avons également découvert que cette culture est très différente de la civilisation du fleuve Jaune, mais qu’elle porte l’empreinte de la même époque. »

Pour sa part, le chercheur australien Noël Barnard, qui a 30 ans d’expérience dans la recherche sur les bronzes chinois, affirme que, sous l’influence de la culture de la plaine centrale et de facteurs extérieurs, dès ses débuts, la culture de Sanxingdui s’est manifestée comme une culture locale multiculturelle. Bien sûr, certains contenus de la culture des Shu sont nés et se sont développés dans un lieu précis, mais le processus de développement d’une civilisation peut-il être limité seulement à la Chine du Nord, de l’Ouest ou du Sud?

D’après une recherche récente, la province du Sichuan, située en Chine du Sud-Ouest, n’était pas une région fermée comme on l’a cru autrefois. Au contraire, elle possède depuis toujours un accès important sur l’extérieur, comme le présente M. Huo Wei du Musée de l’université du Sichuan : « Il y a plus de 10 000 ans, cette contrée entretenait déjà des liens avec l’extérieur par des échanges commerciaux et des contacts religieux fréquents. »

Pour l’heure, toutes ces explications ne peuvent éclaircir le mystère entourant l’origine de la civilisation de Sanxingdui. Pourquoi ne trouve-t-on pas, dans la plaine centrale, dans le bassin du Yangtsé et dans le lieu d’origine des Shu, le genre de gravures et le sceptre d’or déterrés à Sanxingdui? Dans les vestiges de Sanxingdui, pourquoi a-t-on déterré une grande quantité de coquillages, de défenses d’éléphant et de bronzes à motifs de plantes et d’animaux marins?

La culture de Sanxingdui est basée sur une civilisation multiculturelle. Les éléments d’une culture non indigène et ceux de la civilisation de l’Asie du Sud piquent la curiosité. Ainsi, parmi des coquillages découverts dans une fosse que l’on utilisait probablement pour les sacrifices, on en a trouvé une sorte particulière. Ce dernier coquillage avait sans doute été introduit du nord de l’océan Indien, parce qu’il ne se trouve que dans la zone en eau profonde de cet océan. Selon des documents historiques, l’Inde possède ce coquillage qui était considéré comme une monnaie pour les échanges commerciaux.

Ce type de coquillage a été découvert non seulement à Sanxingdui, mais aussi à Dali, Lufeng, Kunming, Jinning, Chuxiong et Qujing , au Yunnan, ainsi qu’à Liangshan et Maoxian, au Sichuan. Si l’on reliait ces endroits par une ligne, cette dernière correspondrait à une route entre le sud-ouest de la Chine et l’Inde, la route de la Soie du Sud. Cela signifie que des échanges culturels étaient déjà établis avant la période de la culture de Sanxingdui, entre l’ancienne civilisation de Shu et la civilisation de l’Asie du Sud.

Par ailleurs, à Sanxingdui, on a déterré de nombreuses gravures en bronze à motifs d’animaux marins et toutes façonnées en bas-relief. Parmi elles, la plupart sont oxydées, mais on peut y distinguer la forme de pièces de monnaie et de gravures d’espèces marines. Pour cette raison, on croit que les Shu se sont certainement rendus dans la zone de l’océan Indien et qu’ils avaient une connaissance approfondie des espèces marines.

Dans un récent traité, M. Duan Yu, directeur de l’Institut d’histoire de l’Académie des sciences sociales du Sichuan, a indiqué que le sceptre et le masque d’or, de même que les gravures sur bronze de corps humains, de visages humains et de faces d’animaux, nous permettent de découvrir que leurs éléments culturels provenaient d’une ancienne civilisation du Proche-Orient.

Dans l’Antiquité, la civilisation du Proche-Orient comprenait les civilisations de Mésopotamie, en Asie de l’Ouest, d’Akkad et de l’Égypte, en Afrique du Nord. Le sceptre y est apparu 4 000 ans av. J.-C. On en a découvert une grande quantité sur le large territoire de Mésopotamie, et à l’époque du bronze, le sceptre y était le symbole du droit des dieux et du pouvoir absolu du monarque. Puis, par la transmission de la culture, la fonction du sceptre s’est généralisée dans le monde.

Le masque d’or contient aussi un élément de la culture propre à la civilisation de la Mésopotamie. En Syrie, on a aussi déterré une statuette en bronze recouverte de feuilles d’or. En effet, en Asie de l’Ouest, de nombreuses gravures étaient décorées de feuilles d’or. L’Égypte avait la tradition de couvrir le visage du mort d’un masque d’or.

En outre, la physionomie des statuettes trouvées à Sanxingdui est différente de celle des Shu, de celle des personnages de la plaine centrale et de celle des personnes au cours moyen et inférieur du Yangtsé. Elle est caractérisée par un nez haut, des sourcils larges, une grande bouche aux commissures descendantes, une barbe et des moustaches. Le style artistique des statuettes de Sanxingdui ressemble au style de celles de l’Asie de l’Ouest. L’amplification du réalisme artistique reflète bien le culte envers les dieux.

Vue à vol d'oiseau des vestiges

L’archéologue Su San a avancé certaines hypothèses. Selon elle, l’Égypte antique et ses environs auraient créé la civilisation du bronze de Sanxingdui. Par ailleurs, on n’a jamais trouvé de preuves du processus de fonte du bronze en Chine, et une fois que le bronze est apparu en Chine, il avait déjà atteint un niveau élevé. Il semble donc qu’on aurait maîtrisé la technique de soudure et de moulage. Pendant cette période (3800–3500 av. J.-C.), l’Égypte antique était un grand empire colonisateur, de sorte que des gens qui habitaient en Égypte et connaissaient la technique seraient venus en Chine. Ils auraient d’abord mené une vie nomade sur le haut plateau du Yunnan et du Sichuan, puis, sous l’influence des changements climatiques et de la situation topographique, ils se seraient maintes fois déplacés avant de s’établir dans le Sichuan. Toutefois, la plupart des archéologues et des spécialistes n’acceptent pas cette hypothèse, étant d’avis qu’elle manque de fondements historiques.

M. Zhang Hui fait des recherches sur la langue de la Perse antique. D’après ses découvertes, dans l’Antiquité, un groupe ethnique autochtone indo-iranien habitait en Asie centrale. Lors d’une grande migration, une tribu se serait égarée et aurait pénétré dans le Sichuan. Elle y aurait créé la civilisation de Sanxingdui. Pour cette raison, les statuettes découvertes à Sanxingdui présentent la vraie physionomie des autochtones indo-iraniens. D’après des recherches archéologiques effectuées en Iran, cette tribu possédait une culture avancée du bronze et maîtrisait les techniques pour l’or. En effet, dès la fin du XIXe siècle, l’hypothèse selon laquelle la civilisation chinoise serait originaire de l’Occident était en vogue. Même au XVIIe siècle, le chrétien Athanasius Kircher a affirmé que les Chinois étaient originaires de l’Égypte. De même, l’Anglais J. Chalmers et le Français T. Lacouperie ont avancé l’idée que la culture chinoise serait issue de Babylone. En 2003, au moment de fouilles archéologiques, un homme de science autrichien a découvert une momie couverte d’un tissu de soie des Shu ; cela témoigne que, à l’époque des Shang et des Zhou, il y a 3 000 ans, des contacts directs ou indirects auraient existé entre les gens du bassin du Sichuan et ceux de l’Égypte antique.

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