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Propos d’une professeure de français

et de son ancienne étudiante

HU YUE
Valérie et Hu Yue sur le campus

Valérie Galeazzi est une Française qui enseigne à l'Université des langues et de la cultures de Beijing (BLCU) et à l'Alliance française. Je la connais depuis 2001, année où elle m'enseignait le français oral. C'était alors ma première année d'université, et pour elle, sa première année en Chine. Elle a accepté de partager avec moi ses expériences d'enseignante, ses impressions sur la vie quotidienne en Chine, ainsi que ses opinions sur le système d'éducation chinois et son équivalent français.

« C’est le hasard des petites annonces qui m’a menée en Chine. La perspective de découvrir la Chine et d’étudier la langue chinoise était pour moi très exaltante. J’aime bien la Chine, Beijing et cette université. C’est vrai que, pour l’instant, je n’ai pas envie de repartir », explique-t-elle.

Valérie donne actuellement une douzaine d’heures de cours à BLCU et quelques autres heures en cours du soir à l’Alliance française. « À l’université, mon public est essentiellement composé d’adultes qui ont reçu une bourse du gouvernement chinois pour poursuivre des études ou faire des recherches en France. C’est un public très agréable et motivé. »

En Chine, l’enseignement des langues est divisé en spécialités qui se veulent plutôt indépendantes les unes des autres. Par exemple, on trouve l’expression écrite, la compréhension écrite, l’expression orale, la compréhension orale, la grammaire, etc. Chaque professeur est chargé d’enseigner une ou plusieurs d’entre elles. Selon Valérie, le travail de chaque enseignant se fait de manière autonome. Elle apprécie que l’université lui laisse une liberté totale pour organiser et gérer ses cours, et ce qu’elle préfère, c’est un enseignement qui combine cours magistraux et discussions en classe.

Valérie aime bien ses étudiants, entre autres parce qu’elle les trouve particulièrement agréables et attachants et généralement très sérieux dans leur travail. Mais elle estime aussi que les étudiants chinois sont en général plus dépendants du professeur et de ses consignes. « Je pense que les étudiants européens sont plus autonomes et plus enclins que les étudiants chinois à prendre des initiatives en classe, à prendre librement la parole, par exemple », explique-t-elle.

Après quelques échanges sur le sujet, je lui ai présenté ce qui, d’après moi, est l’une des causes de cette situation. Dans l’Antiquité chinoise, le grand maître à penser Confucius a créé, pourrait-on dire, le concept d’école privée (Sishu), et à cette époque, ce type d’école exigeait des élèves le respect de l’enseignant. Cette conception traditionnelle s’est transmise de génération en génération jusqu’aujourd’hui, car le confucianisme imprègne encore la façon de penser des Chinois. C’est un respect du professeur, mais aussi une sorte de dépendance.

Valérie (1er à dr.) avec ses élèves

Pour en revenir à Valérie, il y a aussi, selon elle, une différence dans la manière dont les étudiants chinois et les étudiants français travaillent. « Les étudiants chinois aiment que l’apprentissage soit axé sur la grammaire et ils acceptent difficilement de faire des fautes en parlant. Par contre, dans l’esprit des Européens, c’est généralement la communication qui passe au premier plan, peu importe les fautes. L’important, c’est de pouvoir se faire comprendre ! Par ailleurs, il me semble aussi que les étudiants chinois ont beaucoup tendance à baser leur apprentissage sur le par cœur... », observe-t-elle. Dans ce contexte, Valérie a donc décidé de changer un peu sa manière d’enseigner et le rythme de ses cours, tout en gardant son principe directeur qui est d’essayer de varier les activités pour maintenir un certain rythme et éviter l’ennui.

Chaque système a ses problèmes…

Par ailleurs, cette professeure attentive constate que, bien que la plupart des étudiants chinois soient travailleurs, il y en a certains parmi les étudiants à la licence qui n’aiment pas ce qu’ils font. Dans ce cas, elle doute que l’apprentissage du français ait été vraiment leur choix. Et d’expliquer ce qui se passe dans son pays sur cette question: « En France, si quelqu’un aime la langue chinoise, il commence à l’apprendre, mais après un an par exemple, si cette personne trouve que le chinois ne lui plaît pas du tout, elle peut changer d’orientation et commencer autre chose. »

Je rétorque alors qu’en Chine, il est difficile d’être admis à l’université, mais facile d’obtenir son diplôme. En effet, si on n’a pas d’excellentes notes au lycée, il n’est pas facile d’être admis à l’université et encore moins de l’être dans une spécialité courue. En plus, il est difficile de changer de spécialité une fois admis à l’université. L’étudiant qui est dans cette situation n’a pas d’autre choix que d’étudier dans un domaine qu’il n’aime pas. C’est l’une des raisons pour laquelle certains étudiants ne sont pas motivés et étudient juste pour obtenir leur papier.

« En France, pour un étudiant, il est assez facile d’entrer à l’université avec son baccalauréat. Mais s’il ne travaille pas, il ne pourra pas avoir de diplôme », ajoute Valérie. En Chine, lui ai je répondu, dans certains cas, on travaille beaucoup avant d’entrer à l’université, mais une fois admis à l’université, cela signifie se reposer parce qu’on est passablement certain d’obtenir un diplôme. Cette situation ne favorise pas le développement personnel.

Malgré ce type de situations, Valérie remarque que beaucoup de jeunes Chinois étudient assidûment. « Je pense que certains étudiants chinois ont une capacité de travail vraiment impressionnante. Ils passent tout leur temps à travailler. Franchement, je trouve que, à la fin de leurs quatre années d’études, les résultats de certains sont vraiment remarquables... En fait, je dirais même surprenants. Bien qu’ils ne soient jamais allés en France, ils parviennent pratiquement à être bilingues. »

Une vie tranquille à Beijing

Avec ses étudiants, Valérie a parfois des relations qui dépassent le cadre de la classe. Outre les soirées qu’ils organisent et auxquelles elle participe, elle a pu avec certains développer des relations plus poussées et se faire de très bon amis.

À mes yeux, Valérie est une femme indépendante, élégante et tranquille. Sur son visage, j’ai vu la joie de vivre. En effet, elle apprécie la douceur de sa vie à Beijing. « Je nage beaucoup, chaque jour en fait. Après le travail, j’aime aussi de temps en temps aller voir des films à la cinémathèque chinoise ou au Centre culturel français, ou encore assister à des conférences. J’aime aussi me livrer à la découverte sans fin de toutes les subtilités de la gastronomie chinoise ! Là encore, je suis émerveillée par la diversité qui est offerte. Lorsque j’habitais en France, je faisais des sorties en montagne tous les week-ends ; à Beijing, je suis beaucoup plus casanière. Je passe beaucoup de temps chez moi à lire, étudier, travailler, regarder des DVD... »

Valérie me présente les photos prises pendant ses voyages, car elle aime aussi voyager en Chine. Elle adore voyager seule. Je lui demande alors si elle a peur parfois. « J’avais plusieurs fois entendu dire que voyager en Chine était difficile. Pour ma part, je trouve, au contraire, que c’est facile. J’ai vraiment été stupéfaite par la gentillesse des gens, leur chaleur et leur accueil. Et même en voyageant seule, ce que je fais constamment, on se sent toujours en sécurité », exprime Valérie sans hésitation. Pour elle, le voyage est une chance de rencontrer des Chinois, de découvrir la diversité de la Chine. À mes yeux, elle est passablement intrépide.

Quand je lui demande si les Français connaissent mieux la Chine qu’auparavant, elle répond : « Non pas vraiment. Je pense que la majorité des Français qui ne sont jamais venus en Chine en ont encore une image très floue. C’est un pays très lointain pour eux. Maintenant, on parle de plus en plus de la Chine à la télévision. Mais on parle surtout de la croissance de l’économie, mais les Chinois eux-mêmes, on ne les connaît pas mieux qu’avant finalement. Je parle beaucoup de la Chine lorsque mes amis me posent des questions et ils connaissent tous mon sentiment très positif sur la population chinoise en général et ma sympathie pour ce pays. Je sens tout de même chez certains que l’image qu’ils ont de la Chine reste très caricaturale. Mais les choses changent rapidement. Il y a de plus en plus de Français qui viennent en Chine et de Chinois qui vont en France ou ailleurs pour étudier ou travailler. Je pense qu’ils y apportent une image de la Chine... »

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Éditeur : Édition La Chine au présent