Résoudre
les problèmes des étudiants
RICHARD MULLINS
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La concurrence implacable dans
le marché de l'emploi - une source importante de pression
pour les diplômés universitaires.------- Cnsphoto |
Le changement rapide des
conditions sociales et économiques crée des problèmes
de santé mentale chez certains étudiants chinois,
mais l'aide professionnelle est maintenant offerte.
Vers la fin des années 1970, les universités
chinoises ont rouvert leurs portes après la décennie
de troubles de la Révolution culturelle. À ce moment-là,
les étudiants étaient particulièrement heureux
d'avoir l'occasion de recevoir l'éducation universitaire
qui avait été refusée à un si grand
nombre de leurs frères et surs plus âgés,
et l'exaltation était l'ambiance courante sur les campus.
Un quart de siècle plus tard, l'image est très différente.
Les étudiants affrontent les perspectives plus incertaines
d'un marché du travail hautement concurrentiel, les lourdes
responsabilités de l'enfant unique, ainsi qu'une gamme d'autres
forces sociales et économiques, de sorte que la fréquence
des dépressions, de la violence et des suicides augmente
parmi les étudiants chinois.
Cette pression accrue se manifeste parfois par quelques
comportements bizarres et tragiques. Bien que ces cas soient peu
nombreux, ils sont néanmoins choquants. Par exemple, un jour,
un étudiant de l'un des principaux instituts des sciences
du pays, celui de l'université Qinghua, a décidé
d'extérioriser ses problèmes en brûlant un ours
avec de l'acide sulfurique dans un parc zoologique. Dans un autre
cas bien documenté, un étudiant timide du nom de Ma
Jiajue a matraqué à mort quatre de ses camarades de
classe. Cet étudiant venait d'une famille plus pauvre que
la plupart de celles de ses collègues, et un jour, il a décidé
qu'il en avait assez de leurs moqueries. Il a été
exécuté en juin 2004, à l'âge de 22 ans.
Des cas extrêmes comme ceux-là ont incité
les autorités à examiner les causes sous-jacentes
à la dégradation de l'environnement de santé
mentale dans les universités et à chercher des solutions.
Une étude menée par Pionnier de l'éducation
de Chine, un site Web parrainé par le gouvernement et qui
aborde des questions liées à l'éducation, a
montré qu'environ 50 % des étudiants d'université
enquêtés avaient un " faible niveau de santé
mentale ". La même étude a révélé
que les étudiants pauvres ou ceux qui venaient de familles
pauvres allaient probablement souffrir davantage de problèmes
de santé mentale. Selon l'étude, seulement 16 % des
étudiants chinois montraient des signes d'un " comportement
psychologique positif ".
Les sources du problème
Pour la plupart des étudiants, l'anxiété
provient du temps considérable qu'ils doivent consacrer à
leurs études pour obtenir leur diplôme et de l'absence
d'un système d'évaluation qui distingue les meilleurs
étudiants des étudiants moins brillants. Les Chinois
se voient reconnaître les mêmes compétences,
qu'ils frôlent les 40 % ou terminent leurs examens avec d'excellentes
notes. " Premièrement, cette situation peut frustrer
l'étudiant plus doué, exprime Yang, un étudiant
en ingénierie de Shanghai. Mais, plus important encore, elle
diminue ou élimine ses avantages concurrentiels dans le marché
du travail. Peu importe que j'obtienne 100 sur 100 aux examens finaux
et qu'un camarade de classe obtienne la note de passage minimum,
aux yeux des employeurs éventuels, nous sommes égaux.
"
Être pauvre et universitaire est également
une source importante de stress. L'enquête a démontré
que de 20 à 30 % des étudiants chinois sont issus
de " familles pauvres ", et 5 à 7 % de familles
" démunies ". En plus de devoir affronter les difficultés
supplémentaires liées au fait d'avoir à travailler
à temps partiel ou durant les vacances pour payer leurs dépenses
(ce qui n'est pas une pratique courante parmi les étudiants
chinois), ces étudiants sont souvent ridiculisés par
leurs pairs à cause de leurs vêtements, leur accent,
leur physique ou leur régime alimentaire. Ma Jiajue était
pauvre, et ses camarades de classe lui avaient rarement permis d'oublier
que, la plupart du temps à l'université, il mangeait
des petits pains cuits à la vapeur et non pas des aliments
de la cantine. Les complexes d'infériorité sont chose
courante parmi ces étudiants.
La famille, qui devrait être une source de réconfort
pour l'étudiant chinois stressé, ne fait bien souvent
qu'aggraver le problème. Aujourd'hui, les parents sont sensibilisés
au marché du travail et à sa concurrence impitoyable.
Ils se fient à leur fils ou à leur fille, leur donnent
la meilleure éducation possible afin qu'il ou qu'elle décroche
le meilleur travail et éventuellement, s'occupe de papa et
maman quand ils seront vieux. " C'est difficile d'être
un enfant unique en Chine ", confie Zhang, un étudiant
de Beijing. Nous savons que lorsque nos parents seront vieux, ils
compteront sur nous pour les soutenir. Ceci signifie que nous sommes
incités à travailler plus dur, tant par nos parents
que par notre conscience, ce qui s'ajoute à la pression déjà
écrasante que nous subissons. "
Des questions moins pratiques sont souvent évoquées
parmi ceux qui sont responsables des problèmes de santé
mentale des étudiants chinois, et ce, particulièrement
de nos jours, avec la tendance actuelle à la nécessité
d'être branchés. " Les rapports interpersonnels
entre camarades de classe ont toujours été importants,
mais maintenant, ils sont cruciaux pour l'état d'esprit de
la plupart des étudiants ", révèle Zhang.
De nos jours, " les enfants manifestent plus de signes de tendances
occidentales, par exemple s'habiller à la mode, tout savoir
sur la vedette pop la plus en vogue, etc. ". Des relations
amoureuses qui échouent peuvent également conduire
certains étudiants au bord du précipice. Toutes ces
situations peuvent entraîner de l'apathie, de l'insomnie,
des désordres alimentaires, de piètres résultats
scolaires, et dans le pire scénario, inciter au meurtre et
au suicide.
Des remèdes, oui, mais encore peu utilisés
Dans ce contexte, quelle est la réaction des
universités? Beaucoup d'entre elles ont mis en place des
départements de consultations psychologiques ou ont amélioré
ceux qui existaient déjà. L'Université normale
de la Capitale, dans l'ouest de Beijing, a été l'une
des premières universités à s'occuper de ce
problème en 1994, en offrant des conférences spéciales,
de l'éducation psychologique et des consultations libres.
Beaucoup d'universités à travers le pays ont suivi
le mouvement. Lin Guirui est directrice du Centre de consultations
psychologiques de l'Université normale de la Capitale. Elle
dit : " Avec les changements rapides de la société
chinoise, les jeunes subissent une pression plus forte qu'auparavant.
Il y a un urgent besoin d'offrir des conseils sur la tolérance
à la frustration, afin d'aider les étudiants à
former leur caractère et à renforcer leur volonté,
et cela est important particulièrement pour les enfants uniques.
"
Ainsi, les psychologues ou les conseillers sont plus
présents sur les campus chinois, mais leurs salles d'attente
sont souvent vides. " Par tradition, les étudiants chinois
refoulent leurs problèmes. Avouer un problème, c'est
admettre la défaite, et par conséquent, perdre la
face ", confie Wang, un étudiant de Beijing. Beaucoup
croient qu'ils seront stigmatisés s'ils vont chercher de
l'aide et se préoccupent de la " honte " qu'auront
à subir leurs parents et eux-mêmes. " Il n'y a
pas beaucoup d'étudiants qui cherchent de l'aide auprès
de ces conseillers, dit Ming, un étudiant de l'université
de Beijing. En tant qu'adultes, ils croient qu'ils seront en mesure
d'affronter leurs problèmes et de les résoudre. "
Cependant, les lignes ouvertes administrées par les institutions
scolaires sont populaires parmi les étudiants ayant des problèmes
de santé mentale, car ils peuvent garder l'anonymat et obtenir
des conseils avisés de conseillers professionnels sur la
manière d'aborder leurs problèmes. Beaucoup d'universités
offrent des classes spéciales ou distribuent aux étudiants
de première année de l'information sur la manière
de s'adapter à la vie universitaire et de gérer leur
nouveau stress.
Pour sensibiliser les gens à ce problème
grandissant, le gouvernement a fixé le 25 mai comme la Journée
de la santé mentale des étudiants d'université.
Il a également ouvert un site Web où les étudiants
peuvent recevoir de l'information et des consultations, ou parler
de leurs problèmes avec des pairs, tout en gardant l'anonymat.
De plus, un système national de soutien a été
établi, et il possède même des mécanismes
d'avertissement et d'intervention. Un nombre grandissant d'universités
effectuent des évaluations de la santé mentale de
leurs étudiants de première année afin d'identifier
ceux qui risquent de développer des problèmes psychologiques.
On effectue des suivis rigoureux, et au besoin, les autorités
compétentes interviendront.
Malgré toute cette pression, seule une minorité
d'étudiants développe des problèmes sérieux
de santé mentale ou prend des mesures extrêmes pour
les régler. La plupart des étudiants sentent qu'ils
peuvent affronter la pression qu'ils subissent, car le gaokao (l'examen
national d'entrée à l'université) leur a certainement
donné suffisamment de pratique. Pour ceux qui souffrent d'un
faible niveau de stress, bavarder avec un camarade de classe ou
participer à une joute de badminton suffit souvent à
dissiper les soucis. Et pour les quelques-uns qui risquent malheureusement
de craquer sous le poids du stress, l'aide professionnelle est maintenant
à portée de main.
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