La Chine était-elle

un royaume de dinosaures?

À cette question, la réponse est oui. Depuis plus d’un siècle, on a déterré des fossiles de dinosaures et on a fondé des musées dans beaucoup d’endroits, tant dans le nord que dans le sud du pays. Cette année, au Xinjiang, on a découvert des fossiles de stégosaures dotés des plus grandes écailles au monde et des fossiles des plus grands mamenchisaurus d’Asie; et, au Ningxia, on a trouvé pour la première fois des fossiles de dicraeosaurus. Les dinosaures ont donc encore une fois suscité un vif intérêt auprès du grand public.

Selon les statistiques, on comptait, en mai 2006, 527 espèces de dinosaures dans le monde, et la Chine en a maintenant 109, soit 2,3 fois plus qu’en 1990.

Aux yeux des paléontologues du monde, le Xinjiang est un lieu important pour étudier la paléontologie et les dinosaures. À partir des années 1920, des scientifiques chinois y ont déterré de nombreux fossiles de ces animaux. Puis, à partir des années 1930, des paléontologues venus des quatre coins du monde ont été fascinés par cette région. Le Xinjiang, une région riche en fossiles de dinosaures, a depuis lors intéressé le grand public. Une équipe de fouilles archéologiques de l’Institut de recherche sur la paléontologie des vertébrés et de paléoanthropologie relevant de l’Académie des sciences de Chine effectue des travaux de recherche dans cette région depuis 2000.

Le secret du Xinjiang

« Savez-vous qu’on a trouvé des fossiles de dinosaures? » Lorsqu’on a posé cette question aux Ouïgours locaux, presque tout le monde a répondu non. En effet, l’endroit où le Pr Xu Xing et ses collègues se sont rendus se trouve au fin fond du bassin Junggar, une zone dépeuplée à 200 km de la ville la plus proche.

Ce professeur est responsable des travaux de fouilles de fossiles au Xinjiang. Pour lui et ses collègues, cette région revêt une signification particulière.

« Les

Au crépuscule, la solitude des lieux reprend ses droits.

fossiles de dinosaures ailés découverts il y a quelques années dans l’ouest de la province du Liaoning ont attiré les regards du monde entier, car ils ont apporté de nouvelles informations sur les relations entre les dinosaures et les oiseaux. Mais il existe un grand laps de temps entre l’époque de ces fossiles de dinosaures datant de 130 ou 120 millions d’années, et celle des archéoptéryx – 160 millions d’années environ – découverts en Allemagne. Ainsi, il y a encore des chaînons manquants dans le processus d’évolution des animaux, explique le Pr Xu, et la structure de la couche de sol du Xinjiang correspond justement à celle de l’époque jurassique, il y a 160 millions d’années. Si l’on pouvait trouver une preuve convaincante, ce processus d’évolution deviendrait plus clair. » C’est la raison pour laquelle le groupe attache tellement d’intérêt au Xinjiang.

En 1996, dans des roches sédimentaires de l’ouest du Liaoning formées il y a 125 millions d’années, on a trouvé des spécimens de fossiles de petits dinosaures carnivores appelés sinosauropteryx. Couverts d’une livrée faisant penser à des plumes, ces dinosaures ont attiré l’attention des scientifiques chinois et étrangers. Depuis 1997, cet institut a formé un groupe qui se consacre aux fouilles et à la recherche sur les fossiles de dinosaures dans cette région.

En 1997 et en 1998, également dans cette région, on a découvert successivement deux espèces de dinosaures couverts de plumes véritables: l’archéoptéryx et le plosaurus. Après 2000, Pr Xu et ses collègues y ont mis au jour des fossiles de microraptor qui laissent voir clairement l’étape d’évolution entre le dinosaure et l’oiseau. « En 2000, nous avions déjà donné à une espèce de dinosaure le nom de microraptor zhaoianus, indique le Pr Xu. Selon la théorie, ce type de dinosaure aurait dû avoir quatre ailes; à ce moment-là toutefois, nous n’avions pas eu de preuves concluantes. »

On doit alors attendre 2001 pour que soient découverts des fossiles du microrapotor gui. Ces fossiles ont permis aux chercheurs d’obtenir de nouveaux résultats dans la recherche sur la relation entre le dinosaure et l’oiseau. Ils ont trouvé que le corps de cette espèce de dinosaure était entièrement couvert de plumes. Leurs deux pattes avant et leurs deux pattes arrière étaient devenues quatre ailes et ils possédaient déjà certains caractères des oiseaux. Le 23 janvier 2003, l’hebdomadaire étatsunien Science Magazine a publié un reportage sur cette découverte.

D’après le Pr Xu, ces dinosaures dotés de quatre ailes pouvaient avoir la capacité de faire un vol plané. Cette découverte a fourni pour la première fois une preuve assez substantielle permettant d’expliquer que la capacité de vol des oiseaux aurait trouvé son origine chez les animaux qui se perchaient dans les arbres.

Déjà en 1856, le naturaliste anglais Thomas Henry Huxley a avancé que les oiseaux et les dinosaures se ressemblaient. Le Pr John Harol Ostrom, de l’université Yale, a étudié l’archéoptéryx et de petits dinosaures carnivores découverts en Amérique du Nord et a émis l’hypothèse suivante : les dinosaures étaient les ancêtres des oiseaux. Depuis lors, les discussions sur la relation entre le dinosaure et l’oiseau se poursuivent dans les milieux scientifiques mondiaux, et cette question est devenue depuis longtemps un mystère insoluble.

La découverte des fossiles de dinosaures ailés a peut-être ouvert une nouvelle piste pour percer ce mystère. Mais l’archéoptéryx découvert en Allemagne a vécu il y a 160 millions d’années, alors que le dinosaure ailé actuellement déterré n’a une histoire que de 130 millions d’années. Pour prouver la justesse de cette hypothèse, il faut trouver des fossiles de ptérosauriens soit de l’époque de l’archéoptéryx soit de celle qui a précédé.

Depuis 2000, l’université George Washington et l’Institut de recherche sur la paléontologie des vertébrés et de la paléoanthropologie de l’Académie des sciences de Chine ont commencé une recherche conjointe à Wucaiwan, dans le bassin Junggar. Pr Xu est le responsable de la partie chinoise de ce groupe de recherche.

« Puisque la grande partie de la couche de sol du Xinjiang appartient à l’époque jurassique, nous nous y intéressons beaucoup », dit-il. Cette année, l’institut où il travaille a établi trois centres de fouilles dans le Xinjiang, et Wucaiwan est le seul centre accueillant les chercheurs étrangers qui participent à la recherche sur ce projet.

Est-ce un ancêtre du tyrannosaure?

Pour le Pr Xu et ses collègues, durant une année, il n’y a que quelques mois (de juillet à septembre) qui conviennent à la fouille. Bien qu’une grande quantité de fossiles de dinosaures soit transportée chaque année à Beijing, des fossiles qui passionnent vraiment les chercheurs ont été trouvés en 2002. Ils estimaient que ces fossiles étaient ceux des plus vieux tyrannosaures du monde et ils les ont appelés guanlong wucai (dinosaure à crête aux couleurs de l’arc-en-ciel).

Le site de fouilles de fossiles, au fin fond du bassin Junggar.

Ceux qui ont vu le film Le Parc jurassique savent bien que le tyrannosaure est le dinosaure carnivore le plus féroce. En réalité, des fossiles de tyrannosaures ayant vécu au crétacé, il y a 80 millions d’années, et de véritables fossiles de grands tyrannosaures du jurassique ont été rarement trouvés. Le guanlong wucai découvert par ce groupe de recherche a vécu au jurassique, il y a 160 millions d’années. Ces fossiles montrent comment de petits animaux carnivores – les ancêtres des tyrannosaures – ont pu devenir de grands dinosaures féroces ; la découverte de ces fossiles comble des lacunes permettant de justifier le processus d’évolution des tyrannosaures.

Comparé au tyrannosaure, mesurant 10 m de long et 4 m de haut, le guanlong wucai n’est qu’un pygmée. Ce dinosaure ne mesure que 3 m de long et 1 m de haut lorsqu’il se tient debout. Mais son apparence ressemble à celle du tyrannosaure. Le guanlong wucai a des pattes arrière robustes et des pattes avant ressemblant à des ailes, ainsi que des dents bien acérées. En plus, comme beaucoup d’oiseaux huppés, ce dinosaure possède une protubérance osseuse sur la tête, d’où son nom de guanlong wucai.

Étant donné que le tyrannosaure est l’un des plus vieux membres de cette famille, la recherche sur sa physionomie et son caractère est très importante pour connaître le processus d’évolution des oiseaux. « Le développement de l’os carpien en forme de croissant est toujours un trait important des oiseaux et on trouve aussi un tel os chez cette espèce de dinosaure, ce qui fournit une information importante pour étudier la formation de la structure des oiseaux », indique le Pr Xu. Le trait particulier de l’os frontal du guanlong wucai constitue aussi l’une des preuves permettant de justifier que les oiseaux et les théropodes sont issus du même ancêtre. Le résultat de cette découverte a orienté une fois de plus l’attention des milieux paléontologiques vers la Chine. Le Science Magazine et les Proceedings of the Royal Society, Series B : Biological Science ont publié des reportages sur cette recherche.

Les fouilles continuent

« Un ou deux fossiles ne peuvent pas expliquer le processus d’évolution; lorsqu’un événement s’est produit, il faut chercher de nombreux fossiles dans des lieux différents, mais proches », dit le chercheur. C’est la raison pour laquelle cette équipe travaille au Xinjiang depuis six ans d’affilée.

La découverte d'un nouveau site de fossiles de dinosaures, jadis ensevelis Yu Xiangjun

« Cette année, notre recherche n’a pas porté beaucoup de fruits », dit-il. Le Pr Xu semble insatisfait, même si les passionnés de dinosaures, eux, sont enthousiasmés par la découverte du premier grand mamenchisaurus d’Asie (la longueur de son cou est de 12 m et celle de son corps est d’environ 35 m), dans le désert de Gobi, au Xinjiang.

« En réalité, la découverte faite au Ningxia est d’une plus grande valeur », déclare-t-il, en parlant des fossiles de diplodocus découverts dans le bourg de Ningdong, district de Lingwu, au Ningxia. C’est la première fois qu’on trouvait cette espèce de dinosaure en Asie. Jusqu’alors, des fossiles de diplodocus n’avaient été déterrés qu’en Tanzanie, en Argentine et en Amérique du Nord. Ces fossiles découverts dans ces vestiges recèlent peut-être quelques liens avec les découvertes faites dans l’hémisphère nord, et on croit qu’ils expliquent la probabilité du déplacement des continents », exprime le Pr Xu qui, cet automne, effectue fréquemment des allers-retours entre le Xinjiang et le Ningxia.

En plus de la recherche effectuée au Ningxia, des travaux de fouilles se poursuivent aussi en Mongolie intérieure et dans les provinces du Henan, du Shandong, du Hebei et du Liaoning.

« Bien que les paléontologues se moquent souvent du film Le Parc jurassique, je trouve que nous devons en remercier les producteurs, car depuis ce film, plus de gens s’intéressent à la paléontologie et à la recherche sur les dinosaures », dit le Pr Xu. Selon lui, le vif intérêt du public à l’égard des dinosaures est dû à ce film. Cette année, la Télévision centrale de Chine (CCTV) a diffusé une émission en direct sur le site de fouilles de fossiles, et le public l’a beaucoup appréciée.

Il croit que, l’année prochaine, il ne reviendra pas à Wucaiwan (dans le bassin Junggar), mais il restera au Xinjiang. D’après lui, l’évolution des oiseaux est celle de l’une de ces multiples créatures. Le processus d’évolution du lézard et du crocodile intéresse aussi les paléontologues. Le milieu et la fin du jurassique sont très importants pour la recherche dans ce domaine. Il manque des documents sur cette recherche pour la période remontant à 160 millions d’années et même avant. Les fouilles dans le Xinjiang, un parc jurassique en Chine, sont bien loin d’être terminées.