SEPTEMBRE 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Feux de la guerre sur le marché laitier chinois

QIAO TIANBI

La consommation du lait se généralise parmi les enfants des villes.

Il y a près d’un an, le 12 octobre 2004, le ministère de la Santé de Chine publiait le Livre blanc intitulé : La nutrition et l’état de santé des résidants chinois. Les résultats étaient basés sur une enquête de cinq mois, effectuée par échantillonnage dans tout le pays et dirigée conjointement par le ministère de la Santé, le ministère de la Science et Technologie et le Bureau d’État des statistiques. Le rapport déclarait que la consommation quotidienne moyenne de calcium des résidants urbains et ruraux atteignait 391 mg, seulement 41 pour cent de la quantité recommandée. Il précisait que la « consommation insuffisante de produits laitiers et de fèves et haricots reste un problème généralisé à travers le pays ». Ce rapport inquiétant était toutefois de bonnes nouvelles pour l'industrie laitière chinoise.

La révolution blanche

Autrefois, quand les Chinois voulaient étancher leur soif, ils prenaient un verre d'eau. De nos jours, quand ils ont la gorge sèche, plusieurs d’entre eux pensent à ouvrir le réfrigérateur et à boire un verre de lait froid que l’on dit bon pour fortifier les os. En 1999, l’Association des consommateurs de Chine a mené une campagne pour augmenter la consommation de lait. Elle a alors utilisé le slogan : « Un verre de lait pour un corps fort et en santé ». Parallèlement, dans les écoles primaires et secondaires, le gouvernement a fait la promotion du lait par son « Projet Lait des étudiants ».

Grâce à un flot continu de publicités dans les médias, les consommateurs chinois, en particulier les citadins, ont rapidement développé un goût pour le lait et les autres produits laitiers. Les laiteries ont connu une expansion fulgurante et leurs produits sont apparus sur les étagères des magasins dans des quantités et des variétés sans précédent. Les consommateurs ont adopté avec enthousiasme ces produits nouveaux et sains, et de 2002 à 2004, la consommation par habitant de produits laitiers a doublé.

Cette situation a engendré une explosion de la concurrence parmi les entreprises de ce secteur. Vers la fin des années 1990, la Chine avait 700 entreprises de transformation laitière. En 2004, elle en avait 1 600, dont 500 étaient des entreprises d'État. De 1999 à 2003, quand la promotion des produits laitiers était au plus intense, l'industrie a maintenu un taux annuel de croissance de 30 pour cent, et la concurrence a atteint le point d'ébullition.

Une concurrence chauffée à blanc

Une laiterie utilise des moyens promotionnels pour augmenter les ventes.

Des différends ont bientôt surgi entre les laiteries utilisant la technique de pasteurisation et celles utilisant la technique UHT (ultrahaute température, longue conservation). Les entreprises de lait pasteurisé avaient des ressources de production limitées (pour ce qui concerne, entre autres, les facilités de pâturage des vaches), mais étaient situées près des marchés, alors que les entreprises de lait UHT s’enorgueillissaient de ressources beaucoup plus importantes, mais étaient basées loin du marché au détail. Song Kungang, chef de l'Association de l’industrie laitière de Chine, avait exprimé sa consternation par rapport à ce phénomène, en disant que de tels conflits auraient un impact négatif sur la croissance globale de l’industrie. Ses dires se sont bientôt avérés exacts. Sauf la Mongolie intérieure, le Heilongjiang et le Hebei, la plupart des provinces et régions de Chine manquent de bons pâturages, de sorte que les géants du UHT basés dans ces endroits ont distribué du lait UHT et en poudre bon marché dans le pays. La guerre des prix qui a suivi a forcé les compagnies de pasteurisation à retirer du marché plusieurs de leurs produits plus chers. L'année dernière, Yili et Mengniu, deux compagnies de lait UHT ont remporté la bataille qu’elles livraient avec la compagnie de lait pasteurisé Guangming pour occuper la première place du marché, alors que Sanyuan de Beijing encaissait de lourdes pertes.

En 2004, cette guerre des prix féroce a fait ralentir la croissance à 25,5 pour cent, et les laiteries ont vu leurs bénéfices chuter à un piètre 2 pour cent de leur revenu de ventes. Moins du quart des transformateurs de lait ont réalisé des bénéfices cette année-là.

Anticipant avec joie la « vache à lait » que représentait la Chine, les géants internationaux des produits laitiers y ont afflué en 1995. Mais eux aussi ont vu leurs plans tourner au vinaigre, et beaucoup d’entre eux, dont Danone, Parmalat, Kraft et Friesland ont retransféré leurs opérations chez eux. Seul Nestlé est parvenu à se maintenir au sein de cette tourmente.

Maintenant, les gagnants du pays sont occupés à lever des capitaux, et des fusions sont en perspective. Bien que les bénéfices de l’industrie aient commencé à diminuer en 2004, Mengniu, de la Mongolie intérieure, a encaissé des bénéfices nets de 320 millions de yuans et maintient une croissance des bénéfices nets de 35 pour cent par année. En tant que la seule laiterie chinoise cotée outre-mer, Mengniu a obtenu un investissement par un syndicat financier de Morgan Stanley, CDH China et China Capital Partners.

Nouvel âge d'or

En dépit du ralentissement de l'année dernière, les experts estiment que l'industrie maintiendra un taux annuel de croissance de 15 à 25 pour cent au cours des cinq à dix années à venir. L'analyste de valeurs mobilières Kang Jingdong estime que, d'une perspective internationale, l'industrie laitière de Chine connaît une croissance sans précédent, malgré une consommation par habitant toujours relativement basse. Il y a un grand potentiel de développement dans les villes, et encore plus dans les vastes secteurs ruraux du pays où des produits laitiers savoureux, sains et à haute valeur ajoutée deviendront le nouveau choix des consommateurs.

Dans un avenir immédiat, une concurrence féroce continuera de contraindre l'industrie laitière qui subit toujours une restructuration et qui est en cours de réglementation. Comme les producteurs du pays se préparent au prochain round de combat, le temps n’est plus très loin où les marques étrangères tenteront de revenir en force.