SEPTEMBRE 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

« Chine double face »

Daniel Cogez

La vie au bureau

Le mystère du pot à thé

Un mystère de la récupération?

Tous les employés chinois ont sur leurs bureaux le pot à thé pour infuser ce breuvage national. Ce pot est pour moi souvent un mystère. En effet, les Chinois ne boivent pas de café et très rares sont ceux qui consomment du Nescafé. Et chose curieuse, beaucoup de pots à thé sont précisément d’anciens pots de... Nescafé! Comment cela se fait-il? Mystère de la récupération...

Des bureaux hors du temps

Ce qui me frappe en pénétrant dans notre immeuble rue Bai Wan Zhuang, c’est l’absence d’horloges aussi bien dans le hall que dans nos bureaux. En Occident,toutes les sociétés possèdent une horloge bien visible sur l’un des murs d’entrée de leur société afin de rappeler qu’il y a des horaires à respecter.

Ici, en Chine, les bureaux sont en quelque sorte hors du temps. Il existe des cartes de pointage, mais seulement pour le centre Internet de la Maison d’édition en langues étrangères. Les autres bureaux n’ont pas d’horloge. Cela n’empêche pas les employés de savoir l’heure exacte.

À 10h, lors de la pause, des haut-parleurs invitent à faire de la gymnastique en musique et en cadence, et quand approche 11h30, tous les employés descendent au pas de course avec leurs gamelles vers la cantine.

Les achats et la consommation

L’acheteur de « jiaozi »

C’est une scène qui se déroule dans le petit supermarché Shun Tianfu. À l’entrée, dans un stand, on peut acheter des raviolis confectionnés à la main. Un client d’une quarantaine d’années se présente et commande trois livres de jiaozi. Tout de suite, il demande à la vendeuse si elle a bien lavé ses mains. Celle-ci répond qu’elle vient de le faire et le client de préciser « Dans un métier comme ça l’hygiène c’est le plus important! »

Et après avoir donné son opinion, il demande encore à la fille : « Qu’est-ce que j’ai commandé? Quel contenu? Répète! Il ne faut pas mélanger. » Et la fille répète correctement. Il regarde alors le garçon qui fait lui aussi des jiaozi : « Et toi, que fais-tu? Toi, tu répètes : qu’est-ce que j’ai commandé? Répète? » Le garçon ahuri ne sait plus quoi, regarde la fille et dis : « Je ne sais pas. C’est la fille : elle sait! » Et la fille doit répéter encore une fois le détail de la commande!

Des projecteurs montés sur un tricycle, et en une nuit, l’avenue Baiwanzhuang est macadamisée

Quand les jiaozi sont préparés, le garçon les met sur un plateau en plastique et les pèse. Le client s’approche de la balance en serrant bien fort son porte-monnaie et s’exclame : « Des petits jiaozi, ça coûte si cher! Tu me fais payer le sac et le plateau! C’est contre la loi! » Et il demande avec insistance : « C’est combien? » Le garçon regarde la fille et celle-ci dit : « D’accord. Tu paies deux mao de moins! » Enfin, quand il prend le sac, il se tourne méchamment vers la fille et dit : « Tu es sûre : le sac est solide! » La fille dit : « Rassurez-vous : ça ne casse pas! » Et quand le client est enfin parti, le garçon, très inquiet, demande à la fille : « Tu es sûre de ce que tu dis? Pourquoi tu lui donnes une garantie? Tu crois que c’est solide? »  La fille ne sait plus quoi répondre...

Traînée de poudre

Les Chinois –c’est bien connu– ont inventé la poudre. Mais il est un domaine où les Chinois sont très forts; la diffusion de l’information qui se répand comme « une traînée de poudre » précisément sans même que fonctionnent les moyens modernes de la radio, de la télévision et du portable. Ainsi, je désirais acheter quelques vieilles pièces de monnaie dans la rue des antiquaires, Liulichang.

J’avais demandé à un libraire où je pouvais trouver ces pièces : il m’indiqua une adresse sur papier. Puis, tout en flânant, j’acquis quelques brimborions de pièces sans valeur, au prix fort, bien entendu. J’arpentais ensuite la rue, achetais encore quelques sapèques sans valeur. Puis, en revenant sur mes pas, je m’assis pour prendre le frais et me reposer : un petit monsieur qui ne payait pas de mine s’approcha de moi et me proposa de vieilles pièces en argent d’origine étrangère. J’écarquillais les yeux : il avait des pièces rares du XIXe siècle venant de Cuba, de Panama, du Mexique, d’Angleterre, d’Afrique du Sud, de cent pays différents et toutes fort intéressantes sur le plan de l’histoire et de la numismatique. Mais il n’y en avait pas une seule française : alors, je feignais de n’être pas intéressé, malgré le faible prix du marchandage (25 yuans). Ce que j’ai trouvé de plus fantastique est une pièce de l’île de Man de 1976, le paradis fiscal du Royaume-Uni, par où transitent tous les trafics honteux et les blanchiments d’argent.

Comment et par quel truchement ce petit monsieur avait-il pu récupérer ces pièces? Était-ce un héritage? Mais alors il le garderait précieusement. Était-ce l’objet de tractations secrètes? Sans doute…

Le temps et le travail

Sept jours sur sept

S’il est une chose que j’apprécie, c’est l’ouverture des magasins, restaurants et services sept jours sur sept. Pas de souci pour acheter un timbre le dimanche ou retirer de l’argent à la banque durant le week-end. En outre, en ce qui concerne l’argent, on peut utiliser sa carte bancaire à son gré comme partout dans le monde dans les D.A.B. et quelques grandes surfaces.

En Europe, ces ouvertures non-stop sont radicalement impossibles : en France l’ouverture des grandes surfaces le dimanche soulève un tollé et en Grande-Bretagne il est illusoire de rompre la trêve du week-end.

Donc, j’apprécie ces services en continu qui facilitent bien la vie quotidienne.

Chantiers

Seuls ceux qui ne connaissent pas la Chine ignorent que les ouvriers travaillent dans ce pays jour et nuit. J’ai ainsi vu goudronner l’avenue Baiwanzhuang, longue de 500 mètres près de notre hôtel, en une seule nuit. De curieux projecteurs montés sur des tricycles servaient à éclairer le chantier mené rondement en l’espace de quelques heures. Au petit matin, tout était débarrassé : les énormes « barber-green » servant à étaler le goudron sur la chaussée avaient disparu ainsi que tous les ouvriers occupés au chantier. La surface de l’avenue parfaitement lissée était rouverte à la circulation.

Mais parfois certains chantiers dérangent par leurs bruits intempestifs. Ainsi un soir, à trois heures du matin, des camions sont venus décharger du ciment à l’Institut. Les ouvriers en guidant le camion hurlaient des « Zou! Zou! » très sonores et ne s’inquiétaient pas s’ils réveillaient cent personnes. S’agissait-il d’un grand chantier? Non, simplement de la couverture d’un terrain de sport par une dalle de béton. Qui aussi fallait-il plaindre? Ceux qui travaillaient de nuit ou ceux qui étaient réveillés? Problème chinois, très chinois…