SEPTEMBRE 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Tianjin : hier et aujourd’hui

WU MEILING

Une visite de cette ville permet non seulement d’éprouver le dynamisme de l’époque actuelle, mais aussi de découvrir la richesse des vestiges que l’histoire y a laissés.

Il y a 600 ans, Zhu Di, empereur du règne Yongle de la dynastie des Ming, a nommé cet endroit Tianjin (port du Fils du Ciel), et la ville en a tiré son nom. Depuis lors, Tianjin a peu à peu dit adieu au village de pêcheurs qu’elle était au début de la dynastie des Ming et au port prospère de la dynastie des Qing. Elle est maintenant une grande ville moderne.

Le fleuve Haihe, sa source de vie

Le pont Binhai.

En regardant la ville de Tianjin à vol d’oiseau, on découvre qu’elle ressemble vraiment à une Venise orientale, sillonnée par les affluents du fleuve Haihe. Sans ce fleuve, Tianjin n’aurait pas aujourd’hui d’histoire ancienne ni de culture caractéristique et pas même de prospérité.

Ce fleuve, long de 72 km, compte en amont cinq rivières (Nanyun, Ziya, Daqing, Yongding et Beiyun) et plus de 300 autres affluents. Le fleuve Haihe constitue l’un des sept grands réseaux fluviaux de la Chine.

En tant que fleuve mère et symbole de la ville de Tianjin, le fleuve Haihe est le témoin de l’histoire et de la civilisation moderne de cette ville. C’est un avantage naturel et un trésor inestimable pour elle. Grâce au Haihe, Tianjin est née, et grâce à Tianjin, ce fleuve est très connu.

Développer l’économie fluviale est l’une des mesures stratégiques prises par la municipalité de Tianjin. On s’efforce de développer l’économie des services et de la culture, de même que de créer un beau paysage pour dynamiser la zone le long du fleuve.

Le fleuve Haihe.

En l’espace de seulement deux ans, le Haihe est réapparu sous un aspect moderne et élégant. M. Bai Jiyuan, secrétaire adjoint du Bureau de l’aménagement général du fleuve Haihe, a révélé : « La transformation et la construction des ponts sont les travaux importants de la mise en valeur du fleuve Haihe. Au moment où je vous parle, nous avons déjà construit seize nouveaux ponts, en avons transformé six vieux, et sur le fleuve Haihe, la distance entre deux ponts est passée de 1,68 km à 0,68 km. »

La structure d’acier est une caractéristique des vieux ponts de Tianjin. Presque tous les ponts mobiles ont été construits de cette façon. Ce sont tous des témoins du passé de Tianjin. Citons le pont Jintang, construit en 1906 : alors que pendant plusieurs années il ne pouvait être ouvert, depuis sa transformation, il a retrouvé sa fonction. Tianjin compte de nombreux ponts de types variés. Parmi ceux qui soulèvent l’admiration, mentionnons : le pont Bei’an, un pont classique; le pont Bengpu, qui enjambe la rivière comme un ruban; et le pont Fenghua, dont la forme ressemble à des pétales. 

La ville de Tianjin est née grâce à l’eau. Pour que les habitants puissent voir l’eau et la toucher, on a construit une dizaine de terrasses, des espaces où on peut se trouver près de l’eau. Sanchakou, confluent du fleuve Haihe et de deux rivières (Ziya et Nanyun), est l’une de ces terrasses.  Il faut s’y rendre pour être en contact avec les vestiges de Tianjin. Le pavillon Wanghai, situé à cet endroit, a été construit au début de la dynastie des Qing. À cette époque-là, l’empereur y était descendu lors d’une inspection à Tianjin. Située près du pavillon, une grande église catholique, bien préservée, est une construction de style gothique. C’est là qu’a eu lieu l’affaire de l’Église de Tianjin, qui, dans l’histoire contemporaine de la Chine, est bien connue comme l’une des luttes contre l’invasion.

Bien que très connu dans l’histoire, Sanchakou manquait autrefois d’un environnement de qualité. Aujourd’hui, sur cette terrasse, on peut toucher une ancienne amarre et une vieille ancre qui étaient utilisées il y a des centaines d’années. Le chemin sur la terrasse est pavé de dalles spéciales fabriquées selon l’ancienne méthode de construction des routes à Tianjin. Ses marches sont composées de 3 600 grandes pierres léguées par les travaux de construction de l’écluse, à la fin de la dynastie des Qing et au début de la période de la République de Chine. Je suis allé à Sanchakou au crépuscule; j’y ai vu des gens en train de pêcher et des amoureux qui s’amusaient en se mettant les pieds dans l’eau.

Les quais du fleuve Haihe et les terrasses près de l’eau ont des paysages différents et attrayants. La terrasse près du pont Jingang est toute fleurie et est bien assortie au parc verdoyant du même nom. La terrasse qui se trouve entre le pont Jintang et la rive est du pont Bei’an est faite de marbre naturel.

Les bâtiments de style occidental

La bâtiment Zhangyuan où a habité Sun Yat-sen (59, rue Anshan).
Résidence de Liang Qichao (46, route de la Nationalité).
Résidence de Yuan Shikai, (chef du groupe des seigneurs de guerre représentant la force féodale au début de la période de la République de Chine 1912-1927).

Mao Zedong et Deng Xiaoping aimaient bien les maisons à cour carrée de Beijing et les bâtiments de style occidental de Tianjin. C’est un condensé du style architectural de ces deux villes de la Chine du Nord. Ces bâtiments de style occidental, qui évoquent la honte d’un moment de l’histoire contemporaine, rendent la ville de Tianjin plus charmante.

En 1860, la ville de Tianjin était une ville commerçante. Pendant la dernière moitié de ce siècle, des pays occidentaux ont construit, dans leur concession, des bâtiments selon leur propre style architectural. Les concessions de neuf pays ont non seulement profondément humilié Tianjin, mais lui ont aussi permis de conserver la quintessence de l’art architectural.

Dans le musée Hangying, situé au 314, rue du Hebei, j’ai vu le journal d’un reporter russe au champ de bataille. En voici un extrait : « Les Chinois ne se laissent pas intimider. Cachés derrière les trous des remparts entourant la ville, dans les milliers de petites maisons en pierre, ils tirent avec toutes sortes de fusils sur les troupes d’étrangers en marche. Les balles tombent comme de la grêle… » Ces mots m’ont beaucoup touché. C’est une histoire extraordinaire. Les impérialistes étrangers ont occupé notre terre, mais ils ont admiré notre esprit.

Au bord du fleuve, à proximité de la place Marco Polo, il y a un groupe de bâtiments de style italien, construits au début du XXe siècle. Grâce aux efforts de la municipalité de Tianjin et du gouvernement de la région de Lombardie, une zone touristique de style italien a vu le jour.

La rénovation de plus de 130 bâtiments de style italien est achevée. C’est le groupe de constructions italiennes le plus grand et le mieux conservé à l’étranger. Ces bâtiments sont différents les uns des autres, mais ils appartiennent tous au style italien. Il y a peu, le président italien a dépêché le ministre du Commerce et le ministre des Affaires étrangères de son pays à Tianjin afin de conférer une décoration au dirigeant de la ville, en remerciement de la protection accordée à la zone d’architectures italiennes.

Dans cette zone, il vaut la peine de visiter la résidence de Liang Qichao, penseur chinois de l’époque contemporaine. Il y a participé à beaucoup d’activités politiques et écrit des œuvres connues.

Certains bâtiments de style occidental situés dans cinq avenues (Chengdu, Chongqing, Dali, Changde et Lunan) sont des produits de l’histoire. Dès leur construction, des gens sont venus s’y installer à cause des privilèges qu’offrait la concession. Des seigneurs de guerre, des hommes politiques, des hommes de lettres et des descendants de la famille impériale des Qing y ont tous laissé leurs traces.

Lorsqu’il parle des bâtiments de style occidental de Tianjin, on sent que M. Jin Pengyu les connaît sur le bout de ses doigts. En tant que spécialiste, il peut non seulement présenter leur style architectural, mais aussi raconter en détail ce qui s’y est passé. Selon ses dires, Pu Yi, dernier empereur de la dynastie des Qing (1644-1911), est venu y habiter après avoir été déchu.

J’aime bien les bâtiments sur la voie Machang, conçus par un architecte italien. Ce mur raboteux naturel me rappelle le nid d’hirondelle sur notre ancienne maison à la campagne, alors que j’étais enfant. Le mur et la balustrade de ce bâtiment sont ornés des armoiries aristocratiques de l’Angleterre, et elles sont restées intactes.

La résidence du prince Qingwang sur l’avenue de Chongqing est une construction de style sino-étranger. C’était la résidence secrète de Xiaode Zhang, eunuque en chef de l’impératrice douairière Yulong de la dynastie des Qing. C’est lui qui avait conçu et dirigé personnellement la construction de ce bâtiment, puis il l’a vendu au prince Qingwang. Aujourd’hui, c’est le bâtiment du Bureau des affaires étrangères de la municipalité de Tianjin.

L’avenue de la Libération était le centre des concessions où, jadis, la plupart des bâtiments étaient des bureaux administratifs, financiers, commerciaux et des journaux des pays étrangers. Dans cette rue, des constructions aux styles architecturaux différents se voient partout. Au crépuscule, alors qu’il y a moins de passants dans la rue, on peut se promener et admirer ce paysage exotique.

Les vestiges historiques et l’héritage culturel reflètent bien l’étendue de la culture et le processus historique d’une région, et les constructions en sont les meilleurs témoignages. À cet effet, la municipalité de Tianjin a organisé un groupe spécial destiné à protéger ces bâtiments.

En parlant des constructions de style occidental, il faut signaler quelques grands hôtels de Tianjin, notamment l’hôtel Huizhong et l’hôtel Guomin; de plus, l’hôtel Lishunde est le berceau de la réussite de nombreuses personnalités. Le 30e président américain Herbert C. Hoover et son épouse sont descendus dans cet hôtel lorsqu’ils sont venus en Chine (il était le conseiller technique du bureau des mines de Kaiping de Chine). Zhang Xueliang (commandant d’une troupe chinoise du Guomindang) et Mlle Zhao Yidi y ont fait leur première rencontre. Sun Yat-sen, Yuan Shikai et Mei Lanfang choisissaient tous l’hôtel Lishunde lorsqu’ils venaient à Tianjin. Bien sûr, beaucoup d’entre eux possédaient aussi une habitation à Tianjin.

Les routes

Un échangeur sur la route nationale.

Pour un étranger, la première impression d’une ville provient de ses routes. Je suis arrivé à Tianjin par le train. À l’entrée de la ville, je pouvais déjà sentir le changement du système routier. Il y a quelques années, le paysage n’y était pas aussi joli. C’était l’endroit où se concentraient porteurs, cheminots, tireurs de pousse-pousse, etc. Les vieilles habitations étaient dans un état déplorable. Cette fois, à mon arrivée, au lieu de ces vieilles maisons délabrées, je n’ai vu que des bandes verdoyantes et reboisées. Les gens s’y promenaient, les vieillards y jouaient aux échecs. M. Wang Jingwei, directeur adjoint de la Commission de planification de la ville de Tianjin, nous a expliqué : « Depuis le début de 2004, nous effectuons des travaux de réaménagement des zones riveraines des lignes de chemin de fer. Aujourd’hui, nous avons déjà démoli et déménagé 660 000 m2 de vieilles maisons, enlevé 300 000 tonnes d’ordures, et planté des arbres et des herbes sur les deux côtés des voies ferrées. »

Une gare de bus.

La modernisation doit se faire rapidement. Les voies express de Tianjin fournissent une belle garantie au développement rapide de cette ville. En 1985, le troisième périphérique de Tianjin a été ouvert à la circulation. Cela a fortement soutenu le développement économique de la ville. Mais vingt ans plus tard, il n’est plus en mesure de répondre au besoin de l’expansion économique de la ville. À l’époque, il y avait moins de 300 000 véhicules dans la ville; aujourd’hui, ce chiffre a atteint un million. Dans ce contexte, en mars 2003, le gouvernement municipal a décidé de construire des voies express; elles étaient considérées comme les plus importants des dix grands ouvrages de la ville. M. Wang Guoliang, directeur adjoint de l’Institut de planification et de conception de la ville de Tianjin, nous a expliqué qu’ils font des recherches sur les transports urbains sous un angle macrostratégique. Le projet des voies express de Tianjin combine tous les éléments, allant de la conception des routes, à l’aménagement paysager et à l’environnement, etc.

J’ai moi-même expérimenté une fois la voie express de Tianjin. Auparavant, il fallait une heure et demie pour se rendre à l’arrondissement Binhai; maintenant 40 minutes suffisent. Le paysage aux abords de la route est bien agréable. On a l’impression de circuler au cœur d’une forêt.

Une ville dans la forêt

Le parc Yinhe.

De 2002 à 2004, la superficie reboisée de Tianjin a atteint 58,26 millions de m2, ce qui dépasse la totalité des surfaces reboisées des 50 années précédentes. Selon des chiffres du Bureau des parcs et du reboisement de la ville, de décembre 2004 à mai dernier, 660 millions de yuans ont déjà été utilisés pour les travaux d’aménagement de l’environnement urbain. D’après des chiffres fournis par le Groupe Chengtou de Tianjin, qui vient d’entrer en service en novembre dernier, celui-ci a déjà investi 1,7 milliard de yuans dans les ouvrages de traitement de l’eau et 670 millions de yuans dans la Centrale électrique Jinnan dont la combustion est assurée par des déchets.

La rivière Yueya.

Les parcs municipaux sont les fenêtres de la ville, un peu comme des étoiles parsemées de-ci de-là. Je suis étonné de voir tant de jolis paysages bâtis sur ce qui était jadis des amoncellements de déchets et d’ordures.  Le parc Ziyun (nuages pourpres) est l’unique parc écologique de Chine construit à partir de déchets industriels. Auparavant, des scories alcalines y étaient entassées depuis environ un siècle. Aujourd’hui, cette montagne blanche est devenue un parc de montagne occupant une superficie de 330 000 m2.

Dans le parc Wanghaishan d’une superficie de 77 hectares, se dresse une colline de 50 m. Elle a été construite avec des déchets des centrales électriques de la région et de la terre provenant du creusement d’un lac. C’est vraiment faire d’une pierre deux coups.

La ville de Tianjin est caractérisée par l’eau, et celle-ci est cruciale pour le reboisement. La ville de Tianjin a su bien utiliser cet or bleu pour les travaux de reboisement des deux côtés des rivières. À la fin de l’année dernière, la ville avait reboisé 1,6 million de m2 de zones riveraines des fleuves et rivières en utilisant plus de 330 espèces de plantes différentes. Chaque habitant de Tianjin vit à proximité de la verdure, jouit du ciel bleu et de l’eau limpide. La ville de Tianjin est la première ville relevant directement de l’autorité centrale de Chine qui a proposé d’être une ville exemplaire en matière de protection environnementale. Il semble qu’elle a déjà satisfait à tous les critères afférents. 

Un classique offert par la Terre à l’humanité

On dit qu’il faut voir Xi’an pour connaître la Chine cinq fois millénaire, voir Beijing pour connaître la Chine millénaire et voir Tianjin pour connaître la Chine séculaire, car des années 1860-1870 au début du XXe siècle, un grand nombre de premières de Chine y ont eu lieu : entre autres, la première utilisation du télégramme et du téléphone, le commencement de l’utilisation de la poste et du timbre et le début du transport par chemins de fer, etc., mais on parle maintenant de choses qui remontent encore plus loin.

Après une heure de voiture, nous sommes arrivés à la réserve nationale située dans le district de Jixian. On peut y observer beaucoup de phénomènes géologiques. Des pierres lavées par les vagues pendant des milliards et des milliards d’années nous permettent d’imaginer le flux et le reflux des marées il y a très longtemps, des roches volcaniques poreuses en forme d’amande, des forêts de pierres et des reliefs karstiques. Tous sont des phénomènes géologiques qu’on voit rarement en Chine du Nord. Dans la vallée de Changzhou, on peut découvrir des reliefs dont la couche inférieure appartient à l’ère archéozoïque (précambrien)  et la couche supérieure au protérozoïque (début du cambrien). Ces couches ont été déposées durant 2,6 milliards d’années.

Quatre vues des terres marécageuses près de la ville.

Le port antique et la réserve naturelle des terres marécageuses se trouvent sur la côte ouest de la mer Bohai et à l’est de Tianjin. S’étendant sur une superficie de 990 km2, la réserve protège principalement la digue entassée de coquillages, la plage d’huîtres et le marais. C’est la seule réserve naturelle d’échelon national ayant pour but de protéger les vestiges d’une côte antique et un rare exemple de la coexistence de trois phénomènes géologiques différents dans une région administrative. 

Nous nous sommes d’abord rendus dans un musée, construit sur une digue de coquillages. Ce vestige de la côte antique témoigne de l’existence de la mer à cet endroit autrefois. Dans la région côtière orientale de la plaine de Tianjin, il existe quelques digues de coquillages, entassées généralement en parallèle avec la côte d’aujourd’hui. Ce sont des digues formées par des coquillages qui ont été apportés par les marées et les vagues.

Comme la digue de coquillages, la plage d’huîtres est aussi un vestige de la côte antique. Elle reflète les vicissitudes de la côte de Tianjin. Les terres marécageuses, qui s’étendent sur 7 km, forment un vestige de la côte remontant à l’holocène, il y a plus de dix mille ans, et elles sont un témoin de l’évolution de la région de Tianjin. À 15 km de la mer Bohai et sur une longueur de 7 km, ces terres marécageuses ont une altitude moyenne de 0,8 m.

Dans cette zone humide poussent des roseaux et vivent de nombreuses espèces d’oiseaux précieux. Près de cette zone vaste et de bonne qualité, la mer donne de bons poissons.

La digue de coquillages est l’une des trois grandes digues du même genre dans le monde, et jusqu’aujourd’hui, on n’a pas trouvé une plage d’huîtres entassées à une hauteur de 5 m. L’environnement écologique de ces terres marécageuses nous rappelle bien la belle harmonie de la famille de la Terre dans la plus haute Antiquité.

Vue du golfe de Bohai. Le mouvement incessant des vagues sur la côte millénaire.