Peut-être un peu éloigné, mais certainement très riche en découvertes, Liupanshui ne déçoit pas ceux qui prennent la peine de s’y rendre.

WU MEILING

À Liupanshui, province du Guizhou, la vie est apparue pour la première fois pendant le permien et le trias, il y a 200 à 300 millions d'années. À ce moment-là, le secteur entier reposait sous l'océan. Puis, au paléolithique, la terre a émergé et les premiers humains sont apparus. Le temps s’est encore écoulé, et le royaume de Yelang a surgi au creux des montagnes boisées, il y a plus de deux millénaires. De nos jours, beaucoup de régions de la Chine où des cultures anciennes ont autrefois prospéré sont englouties par la vague rapide de l'urbanisation. Toutefois, l'homme moderne a laissé en grande partie inchangés les paysages sauvages de Liupanshui, et les groupes ethniques locaux vivent comme ils le faisaient autrefois.

Emplacement du royaume de Yelang

Les Yelang formaient une tribu ethnique qui pouvait avoir pour habitat le plateau Yunnan-Guizhou. Sa disparition soudaine autour de 26 av. J.-C. demeure un mystère pour les historiens. Mais beaucoup d'historiens de l’Antiquité, dont Sima Qian et Ban Gu, ont enregistré leur style de vie. À partir de ces livres, nous savons que les Yelang pratiquaient la sorcellerie, avaient des coiffures étranges et formaient une société agricole ayant des guerriers féroces. D'autres études prouvent que le royaume était composé en fait de plusieurs tribus ethniques qui vivaient dans le sud-ouest du Guizhou et les provinces voisines du Sichuan, du Hunan et du Yunnan.

On croit que la capitale des Yelang était située à Liupanshui, dans le district de Maokou d'aujourd'hui.. Beaucoup de touristes curieux visitent Maokou pour découvrir les histoires de son passé. Selon une de ces histoires, quand le chef des Yelang a choisi sa capitale, il a cherché un endroit ayant 100 cimes. Il a escaladé la montagne Jiuceng, à proximité, et n’en a compté que 99, oubliant d’inclure la cime sur laquelle il se tenait. Ainsi, le chef déçu s’est rendu à Maokou et y a établi sa base.

Sa décision s'est avérée être la bonne. Les monts Langshan et Daishan flanquent le col Datie qui est la seule voie vers Maokou. Ces monts ont servi de fortifications naturelles et imprenables, et ils ont aidé à maintenir la paix dans ces chaînes de montagnes brumeuses.

Le mont Lang est également connu comme le mont du Vieux Roi. Selon une légende locale, une nuit, le roi Duotong des Yelang se serait promené hors de la ville, et il aurait aperçu une grotte mystique en forme de croissant dans le mont Lang. Le roi aurait été si stupéfait à la vue de cette grotte qu'il aurait souhaité qu’elle soit son lieu de repos final. Depuis lors, les gens du pays ont appelé l’endroit le mont du Vieux Roi, et le site d'enterrement est connu comme la grotte de la Lune.

Sis sur la rive nord de la rivière Beipan, ce mont de 2 127 ans est en grande partie inexploré par les humains. Seules des chèvres aux sabots assurés peuvent s’aventurer dans ce terrain escarpé. La grotte de la Lune, sur le versant oriental, est toujours enveloppée par les nuages et la brume. Selon les légendes, ce serait la maison des trésors de l’ancien roi.

La cime des Ciboules chinoises

Se dressant à 2 900 mètres d’altitude, la cime Jiucai (Ciboules chinoises) du mont Wumeng est le point le plus haut du Guizhou. On l’appelle ainsi parce qu'elle est couverte par une mer de ciboules chinoises sauvages. Il y a des centaines de millions d'années, le secteur entier était submergé par une mer tranquille. Les éruptions volcaniques et les mouvements des plaques ont fait surgir la terre il y a quelque 300 millions d'années, et celle-ci a subi d'autres transformations au fil des ans. Les différentes couches de sol ont différentes couleurs, allant du brunâtre au gris verdâtre, et du rouille à une couleur argileuse.

La végétation change au fur et à mesure que l’altitude s’élève. Il y a des forêts d’arbres à feuilles persistantes, de conifères et de latifoliés, ainsi que des buissons. La prairie de ciboules chinoises couvre les 100 derniers mètres de la montagne. Les ciboules chinoises poussent davantage que la plupart des herbes, et elles remplissent l’air d’un parfum pénétrant. La forêt de pierres blanches, formée de grappes de gros rochers, est un autre site magnifique de ce mont.

La grande grotte de Panxian

Liupanshui se compose de trois districts : Luzhi, Panxian et Shuicheng. À Panxian, il y a une grande grotte que l’on croit être le premier habitat humain dans la province. Une excavation qu’on y a faite en 1992 a créé des remous dans les milieux mondiaux de la paléo-anthropologie et donné lieu à certaines recherches importantes concernant une présence humaine hâtive en Chine du Sud. La grotte est également le plus grand habitat d’hommes primitifs du monde. Cinq dents humaines y ont été trouvées, ce qui montre l'évolution de l’Homo erectus vers l’Homo sapiens. De plus, une technique de formation de la pierre, appelée la technique Levallois, y a été repérée sur les outils en pierre. C'était la première fois que cette technique était découverte en Asie.

Une autre grotte célèbre, appelée la grotte Biyun (nuage bleu), se trouve au sud du siège du district de Panxian. Sa partie supérieure, la grotte Céleste, se trouve à mi-chemin du haut de la montagne. La partie inférieure, la grotte Terrestre, se trouve au pied de la montagne. Les rayons du soleil passent à travers la grotte Céleste pour illuminer la grotte Terrestre et éclairer ses murs de pierre calcaire qui s’effritent.

La gorge de la rivière Beipan

La rivière Beipan, un affluent des fleuves Kula et Kedu, traverse les districts de Shuicheng et de Luzhi, et s’étire sur 100 kilomètres. Sur son cours, elle croise des montagnes, des forêts et des grottes karstiques et passe à proximité de sites historiques, dont les ruines de la cité de Yelang, des fresques antiques, des vieux ponts et des gravures rupestres. L'eau coule plus vite dans les tronçons situés près de Faer et de Fadu. Flanquée de deux cimes qui semblent caresser les nuages, l'eau jaillit d'abord vers l'est puis vers le sud, passant par des coudes marqués. Il reste encore quelques ponts à chaînes bien préservés qui remontent à la dynastie des Qing.

Les montagnes sur la rive abritent plus de 849 espèces différentes d’animaux sauvages. Parmi celles-ci, on compte le singe Presbytis francoisi, et des dizaines d'animaux sous protection d’État de classe II, dont le macaque tibétain (Macaca thibetana), et le macaque rhésus (Macaca mulatta).

La culture ethnique

La population de Liupanshui est un mélange de 30 groupes ethniques différents, dont les Han, les Miao, les Yi, les Bouyei et les Gelao. Chacun a transmis sa culture et ses coutumes de génération en génération. Avec une population si diverse, il n’est pas surprenant que le secteur organise plus de 1 000 fêtes différentes chaque année. Les plus intéressantes, d’une perspective touristique, sont la fête des fleurs des Miao (le cinquième jour du premier mois lunaire), la fête des Flambeaux des Yi (le 24e jour du sixième mois lunaire), et la fête de Langshan des Bouyei (le sixième jour du sixième mois lunaire).

Cependant, la manière la plus simple de se renseigner sur tous ces groupes ethniques locaux est de visiter le Musée biologique de Suoga du district de Luzhi. La commune de Suoga est le seul habitat des Miao Changjiao, une branche de ce groupe ethnique. Avec une population d’un peu plus de 6 000 personnes, c'est le plus petit groupe ethnique de Chine. Depuis des siècles, ces Miao ont survécu en dépit du climat rigoureux et de la terre infertile des monts Daqing, situés à 1 600 mètres d’altitude, et ils mènent toujours une vie tribale d’autosuffisance qui est bien loin du monde moderne. Certains chercheurs étrangers les ont qualifiés de fossiles vivants de la société primitive.

Les Miao Changjiao sont appelés ainsi en raison de leurs coiffures et de leurs parures de tête uniques. Les femmes portent des cônes en bois autour desquels elles fixent leurs cheveux pour les envelopper ensuite de brins de laine blanche. Cette parure est censée symboliser le respect du groupe pour la nature. Aujourd'hui, les hommes ne portent plus les changjiao, sauf pendant les fêtes importantes. À la place, ils couvrent leur tête d’un mouchoir noir. Les femmes portent toujours les changjiao, mais peu d’entre elles fixent encore leurs cheveux autour d’eux.

Les Miao Changjiao ont un certain nombre de coutumes qu'ils conservent encore aujourd’hui. L’une d’elle est connue comme « la bastonnade du mariage »; au cours de celle-ci, la famille de la mariée luttera amicalement avec le marié, l’entremetteur et ses amis. Une autre coutume est l'enterrement Daga. La famille du défunt reçoit des cadeaux des personnes en deuil, et la liste des cadeaux est gravée sur du bambou et lue devant la famille en pleurs. Il y a également beaucoup de rituels sacrificatoires intéressants pour vénérer les montagnes et les arbres.