JUILLET 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Voyages maritimes de Zheng He

dans « l’océan de l’Ouest »

-- 600e anniversaire

HUO JIANYING

Né dans une famille d’ethnie hui à Kunming, province du Yunnan, Zheng He (1371-1433) est le meilleur navigateur de l’histoire de Chine. À 13 ans, il a été capturé, castré et placé comme serviteur dans la résidence du prince Zhu Di de la dynastie des Ming (1368-1644).

Après son accession au trône, l’empereur Yongle (Zhu Di) a attribué à cet eunuque le nom de Zheng et le nom religieux de « Sanbao ».le Sanbao signifie « Trois trésors ».

De 1405 à 1433, à la tête d’une flotte de 200 navires, Zheng He a traversé à sept reprises « l’océan de l’Ouest » et a visité une trentaine de pays et de régions de l’Asie du Sud-Est, de l’océan Indien, de la côte est de l’Afrique et de la mer Rouge.

Portrait de Zhu Di, empereur Yongle des Ming (1368-1644).
Statue dressée sur la rive sud du fleuve Min au Fujian. C’était un des points de départ de la flotte de Zheng He.
L’ancre de fer découverte au chantier naval du « bateau précieux » de Zheng He.

La cloche de bronze destinée au bateau précieux de Zheng He.

Poterie des Ming à motif de caractères chinois, découverte au Kenya. Sur la côte est de l’Afrique, on a aussi découvert un grand nombre de céramiques et de monnaies des Ming.
La voie sacrée du tombeau de roi du Brunei située à l’extérieur du port Ande de Nanjing.
En Thaïlande, une statue de 30 m de Zheng He est conservée en bon état dans un temple.
Le « bateau précieux » de Zheng He, fabriqué en argent, exposé dans un musée en Indonésie.
Pour commémorer le 600e anniversaire des voyages maritimes de Zheng He dans « l’océan de l’Ouest », des amateurs de navigation maritime prennent leur bateau en haute mer.

IL y a 600 ans, au début des Ming, la flotte de Zheng He, composée de quelque 200 navires, a commencé ses voyages dans les mers du Sud. Quel spectacle magnifique cela devait être!

En 1405, dans le port Liujiagang de Taicang, province du Jiangsu, une flotte de quelque 200 bateaux à voiles, la plus imposante du monde, se tenait prête à accomplir la mission de l’empereur.

Les fonctionnaires et la foule des badauds affluèrent au bord de la mer pour exprimer leurs émotions et leurs souhaits. Certains lancèrent des pétards, d’autres exécutèrent la danse du Dragon et d’autres encore battirent des gongs et des tambours.

Sous l’ordre du commandant général Zheng He, les bateaux à voiles sortirent du port Liujiagang. L’exécution de ces manœuvres a été le prélude des voyages maritimes de Zheng He dans l’océan de l’Ouest. Dès lors, ce célèbre navigateur a commencé à développer le commerce de la Chine dans les mers du Sud, ce qui allait durer plus de 28 ans.

L’historique des longs voyages en mer

Il y a plus de 2 000 ans, sous le règne de quinze ans des Qin (221-206 av. J.-C.), leur premier empereur visita le pays à cinq reprises. Lorsqu’il contemplait la mer orientale au sommet du mont Langya, il considérait la mer comme un prodige. Pour explorer les mystères de cette mer, il y envoya une grande flotte de bateaux, sous la direction de Xu Fu, alchimiste du royaume des Qin, ce qui marqua le début de l'histoire des échanges diplomatiques de la Chine. Après des recherches, Xu Fu et sa suite arrivèrent au Japon. Sous les Tang (618-907) et les Song (960-1279), les contacts entre les peuples des pays voisins furent de plus en plus fréquents.

Pour résister aux forces des Yuan (1279-1368) qui tenaient bon dans le nord du pays, le jeune empereur Zhu Di avait transféré sans hésitation sa capitale de Nanjing à Beijing. Maints faits et gestes ont édifié l’apogée de la puissance des Ming. Le Grand Canal, qui relie Hangzhou à Beijing, est le plus important projet de canalisation de la Chine ancienne. Pour développer l’économie nationale, l’empereur d’élite Zhu Di des Ming dragua ce canal, ce qui coûta une somme colossale. LaGrande Encyclopédie de Yongle, rédigée sous le règne de Yongle (1403-1424) des Ming, constitue l'encyclopédie la plus longuement conçue et la plus remarquable à avoir été réalisée dans l'antiquité chinoise. Il va de soi que tout ce qui la concerne fait l'objet de l'attention générale du public. Ayant rassemblé des documents de quelque 7 000 ou 8 000 livres anciens, cet ouvrage composé de 60 tomes de catalogue et de 22 877 tomes pour le dictionnaire lui-même a été relié en 11 095 volumes. Sous le règne de Yongle, l’économie, la culture et les sciences et techniques de cette dynastie étaient au premier rang mondial.

C’est dans ce contexte que la dynastie commença à appliquer sa politique d’ouverture sur l’extérieur. De 1405 à 1433, Zheng He, à la tête d’une flotte de 200 navires, traversa à sept reprises l’océan de l’Ouest. Par ces voyages, Zheng He a non seulement accompli l’importante mission qui lui avait été confiée, mais a renforcé encore les échanges culturels et économiques avec les pays voisins. Sans aucun doute, la politique d’ouverture sur l’extérieur a joué un rôle important dans la navigation maritime au cours de la dynastie des Ming.

Une flotte imposante de 200 navires

Des désaccords récurrents ont eu lieu dans les milieux historiques au sujet de la grandeur du « bateau précieux » de Zheng He. Lors d'un entretien avec le professeur Xi Longfei de l'Institut des communications de l'Université polytechnique de Wuhan, qui examine actuellement la première édition du livre L'épopée de Zheng He, celui-ci a étonnamment révélé que le « bateau précieux » de Zheng He était cent fois plus grand que le vaisseau amiral de Colomb, que le premier était aussi important qu'un porte-avions et que le dernier ressemble à un petit bateau à voile.

M. Xi est membre de la Société d'ingénierie navale de Chine, vice-président de la Société de recherche sur l'histoire de l'industrie de la construction navale de Chine et expert du groupe dirigeant et préparatoire des célébrations du 600e anniversaire des voyages maritimes de Zheng He dans « l'océan de l'Ouest ». Depuis une quarantaine d'années, il s’adonne à la conception et aux techniques navales, à l'enseignement et à la recherche sur les navires, et il a publié trois manuels sur l'industrie navale de Chine. Des modèles de navires et de bateaux des dynasties des Han (206 av. J.-C.-220 apr. J.-C.), Sui (581-618), Yuan (1271-1368), Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911), fabriqués par Xi Longfei, ont été exposés au Musée militaire de Beijing et au Musée des bateaux anciens de Dengzhou du Shandong.

En se fondant sur des documents portants sur Zheng He, tels que la Biographie de Zheng He, L'histoire de la dynastie des Ming, le Registre généalogique de Zheng He et les Annales du chantier naval Longjiang, M. Xi a constaté que le « bateau précieux » de Zheng He mesurait 125 mètres sur 50 et avait une capacité de déplacement de plus de 10 000 tonnes. Quatre-vingt-sept ans après le voyage maritime de Zheng He, la flotte de Colomb était composée de trois bateaux à voiles, dont le plus grand avait une capacité de déplacement de 100 tonnes. La flotte de Zheng He était, quant à elle, composée de quelque 27 000 personnes, contre de 100 à 300 sur les flottes de Christophe Colomb, Vasco de Gama et Ferdinand Magellan. Lors de son premier voyage maritime, la flotte de Zheng He comprenait 208 bateaux, dont 62 grands et moyens « bateaux précieux ».

Le navire de Nanjing découvert dans la baie de Quanzhou, le navire des Song du Nord (960-1127) à Ningbo, le navire chinois des Yuan (1271-1368) en République de Corée du Sud, ainsi que les découvertes archéologiques effectuées dans les vestiges du chantier naval Longjiang de Nanjing ont aussi confirmé la grandeur du « bateau précieux » de Zheng He.

Le « bateau précieux », qui était le bateau amiral de la flotte, était réservé aux fonctionnaires de la mission et aux envoyés diplomatiques, ainsi qu’au transport des cadeaux offerts par les Ming (1368-1644) aux dirigeants des autres pays et des trésors présentés en retour. Selon M. Xi, le « bateau précieux » comprenait un bâtiment de style impérial à quatre étages, neuf mâts et douze voiles. La flotte de Zheng He est sans pareille dans l'histoire chinoise et mondiale; un savant américain a même dit qu’elle n'a pas eu d'égal avant la Première Guerre mondiale.

À partir de 1405, l'amiral Zheng He a été le fer de lance des sept plus vastes campagnes d'exploration jamais entreprises; en comparaison, les flottes de Colomb et de Vasco semblent des coques de noix risibles. Pour certaines expéditions, Zheng regroupera jusqu'à 300 vaisseaux (dont certains de plus de 130 m de long et de 60 de large (comme le « bateau précieux ») et 27 000 hommes. Trois cent cinquante ans avant les Européens, les bateaux de Zheng He possédaient déjà des éléments de conception avancée, dont des compartiments étanches.

Cette flotte impressionnante – et autonome puisqu'elle transportait suffisamment de médecins, d'interprètes (même arabes!), d’astrologues et de vivres pour subvenir à ses besoins, toute nourriture barbare étant proscrite – a parcouru les océans Indien et Pacifique, le golfe Persique et l'Afrique, et est même soupçonnée d'avoir touché terre en Amérique, 80 ans avant Christophe Colomb et son groupe. Certains écrits rapportés par Zheng He le prouveraient.

Un changement d'empereur et de nouvelles guerres à l'Ouest emporteront toute velléité de poursuite de cette conquête du monde, et le septième voyage de Zheng He sera son dernier. Juste au moment où les Portugais commenceront à essaimer les mers et à établir des comptoirs commerciaux un peu partout, la dynastie des Ming a mis fin au plus grand espoir de la Chine d'alors, aussi rapidement qu'elle l'avait engendré. .

Un messager d’amitié et de paix

La grande flotte de bateaux de navigation hauturière se composait d’effectifs d’unité militaire. Elle était digne d’être une force de réserve puissante dans le monde d’alors. L’auteur britannique renommé Joseph Needham a écrit : « La dynastie des Ming à son apogée avait des forces navales qui dépassaient peut-être celles de tous les autres pays asiatiques, de tous les pays européens, voire même celles des forces navales globales de l’Europe. » Après avoir fait une recherche consciencieuse sur les voyages maritimes de Zheng He dans « l’océan de l’Ouest », il a estimé que ses forces navales ne conquirent jamais d’autres pays étrangers par les armes, ne construisirent jamais de forteresses et ne menacèrent jamais l’existence des autres peuples.

Chercher la paix et le développement est le principe diplomatique traditionnel de la Chine depuis l’Antiquité. Avant le départ de Zheng He, l’empereur Zhu Di lui avait fait des recommandations bien précises : il devait renforcer l’amitié et les échanges avec les pays étrangers en recherchant la coopération mutuelle et les avantages réciproques. Respectueux des recommandations de l’empereur, Zheng He rendit une visite officielle, au nom de l’empereur, aux rois et aux chefs de clan, et il leur fit connaître la sincérité de l’amitié des Chinois lors des contacts et des échanges mutuels. Il leur offrit aussi de l’or, de l’argent, des porcelaines, des soieries, etc. Il troqua les marchandises qu’il avait apportées contre une centaine de spécialités locales (épices, bijoux, bois de construction, etc.), ce qui lui gagna l’amitié des pays étrangers.

La flotte de bateaux de Zheng He subit aussi des accrochages sanglants avec des locaux dans l’île de Java, à cause de troubles liés aux luttes pour le pouvoir et les avantages. Ces homicides involontaires lui ont toutefois été pardonnés.

La flotte de Zheng He a affronté à trois fois reprises une attaque surprise lancée par Chen Zuyi, chef des pirates. Après avoir éliminé plus de 7 000 bandits du despote Chen Zuyi, ce dernier fut capturé vivant. Cette nouvelle a réjoui les peuples de toute l’Asie du Sud-Est.

Une époque de paix et de prospérité

Les voyages maritimes de Zheng He dans « l’océan de l’Ouest » ont aidé les peuples du monde à bien connaître la Chine. Une trentaine de pays et de régions de l’Asie du Sud-Est, de l’océan Indien, de la côte est de l’Afrique et de la mer Rouge dépêchèrent leur corps diplomatique en visite en Chine, en suivant la flotte de Zheng He. Une fois, ce type de visites a regroupé seize corps diplomatiques. Par ailleurs, on dit que des rois de quatre pays voisins arrivèrent en Chine par bateau. En 1408, 6e année du règne de Yongle, le roi du Brunei conduisit un corps diplomatique de plus de 150 personnes pour visiter la Chine. L’empereur des Ming accueillit avec protocole tous ces hôtes distingués et leur offrit des cadeaux (chaises en bois de santal, services de table en argent, chevaux, vêtements, ornements, etc.). Fatigué par le voyage, le roi tomba malade. L’empereur Zhu Di demanda à ses médecins de lui prodiguer de bons soins. Le testament que ce roi a écrit sur son lit de mort montre sa volonté d’être enterré à l’extérieur du port Ande de Nanjing. Aujourd’hui, son tombeau est considéré comme un important patrimoine culturel protégé par le Conseil des affaires d’État.

En 1415, les voyages de Zheng He en Afrique, sur les côtes de Somalie, ont donné l'occasion aux Chinois de découvrir des animaux formidables, dont les fameux « oiseaux chameaux » (autruches). Une girafe a même été ramenée à l'empereur.

Zheng He a laissé ses empreintes dans toute l’Asie du Sud-Est, où il est maintenant pratiquement plus connu qu’en Chine.