JUILLET 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Nous sommes tolérants, mais il est inacceptable

de nier les faits


LU RUCAI

Du Dongmei (à dr.), veuve d’un Japonais, résidante du Japon depuis 1991, retourne en Chine aux côtés de sa mère adoptive.

Repayer le mal par le bien après la Seconde Guerre mondiale

Li Shuxian, 81 ans, vit seule dans la ville de Changchun, province du Jilin, en Chine du Nord-Est. Sa seule fille adoptive, Xu Guilan, s'est établie au Japon et lui rend visite de temps à autre. En 1943, Li Shuxian était enceinte et elle a fait une fausse couche, provoquée par l’arrivée d’une troupe de soldats japonais, et elle a alors perdu la chance d'être mère. Quoique, deux ans plus tard, en 1945, elle ait adopté une orpheline japonaise de trois ans et l’ait rebaptisée Xu Guilan : « J'avais des sentiments mitigés à ce moment-là; je ne savais pas si je devais l'adopter ou non. Mais voyant que la pauvre enfant allait mourir si je ne l'adoptais pas, j'ai donc oublié toute haine et je l'ai adoptée. Peut-être est-ce la nature morale des femmes chinoises », dit Li Shuxian.

En Chine du Nord-Est et dans l’est de la Mongolie intérieure, des Chinoises au grand cœur comme Li Shuxian ont adopté des milliers d’orphelins japonais qui avaient été abandonnés par les Japonais lorsque la guerre a pris fin. Aux yeux des Chinois ordinaires, les enfants japonais abandonnés étaient innocents. La guerre leur avait apporté le malheur. Plus de 2 800 orphelins japonais adoptés par des familles chinoises ont été reconnus par le gouvernement japonais, mais leur nombre véritable est beaucoup plus important. Le professeur Qu Xiaofan de l’Université normale du Nord-Est a mené une recherche sur les orphelins japonais depuis des années. Selon son évaluation, les familles chinoises ont adopté au moins de 5 000 à 7 000 orphelins japonais.

 

Wang Xuan (au centre, 1er rang) participe au rassemblement de Chinois et de Japonais à Tokyo pour demander au Japon de faire face sérieusement à l’histoire.

Les Chinois ont adopté une politique de « repayer le mal par le bien » à l’égard des malfaiteurs japonais. Au début des années 1950, des 1 062 criminels de guerre japonais emprisonnés dans le Bureau d'administration des criminels de guerre de Chine, 1 017 ont été exemptés de poursuite, libérés et renvoyés au Japon en trois groupes en 1956; les 45 autres ont été emprisonnés, mais aucun n’a été condamné à la peine de mort. Ils ont été libérés et renvoyés au Japon en avril 1964. Ces prisonniers de guerre japonais retournés au pays ont fondé une organisation et ont publié des livres afin de faire connaître le traitement humanitaire que le Bureau des criminels de guerre de Chine leur avait prodigué.

À titre de pays sorti vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement chinois aurait pu réclamer 120 milliards $US d’indemnités de guerre. Comme l’a déclaré feu le premier ministre Zhou Enlai, si la Chine avait réclamé des compensations de guerre du Japon, le fardeau aurait été assumé par le peuple japonais. Pour payer cette dette, il aurait mené une vie difficile pendant longtemps, et ceci n'était pas conforme au souhait de perpétuer l'amitié avec le peuple japonais de génération en génération. À ce moment-là, le niveau de vie des Chinois n'était pas meilleur que celui des Japonais.

Respecter l'histoire

En 1995, une nouvelle publiée dans The Japanese Times a totalement changé la vie de Wang Xuan qui étudiait alors au Japon et y a obtenu une maîtrise. Dans cet article, on signalait que lors d’un séminaire international sur l'Unité japonaise de guerre bactériologique 731, deux chercheurs japonais avaient livré un rapport sur la peste survenue dans le village de Chongshan, Yiwu, province du Zhejiang, laquelle avait été provoquée par des opérations de l'Unité de guerre bactériologique 731. C'était le village natal de Wang Xuan. Désormais, elle sentait qu’elle ne pourrait plus rester plus longtemps à ne rien faire. En 1996, elle a été choisie comme interprète pour le groupe de recherche non gouvernemental japonais sur la guerre bactériologique, puisqu'elle maîtrisait à la fois le japonais et le dialecte du Zhejiang. Mais quand le groupe de recherche s’est rendu au village, les villageois ont éprouvé des difficultés à communiquer avec les membres japonais du groupe. « Les paysans avaient encore peur des envahisseurs japonais », a dit Wang Xuan. L'ombre laissée par la Guerre d’agression japonaise plane toujours.

Wang Xuan a été choisie comme représentante des victimes chinoises de la guerre bactériologique lors du procès. Le 27 août 2002, elle est allée à la cour japonaise pour la 27e fois. Ce jour-là, les juges de la cour locale de Tokyo ont admis que, pendant la Seconde Guerre mondiale, les troupes japonaises s’étaient en effet servies de l’arme bactériologique, un crime contre l’humanité, causant des préjudices à la Chine, mais la cour a rejeté les réclamations de compensation des victimes chinoises. Wang Xuan et les nombreuses victimes chinoises ont perdu le procès, mais le verdict de la cour avait au moins admis l’existence de la guerre bactériologique. Selon Wang Xuan, le procès a permis une clarification des faits historiques entre la Chine et le Japon. Pour le Japon, admettre l'histoire et assumer ses responsabilités reflètent son choix d'orientation politique. En tant que Chinois, c'est un devoir incontournable d’enquêter et de dénoncer les crimes de cette guerre bactériologique infligée par les Japonais et de faire valoir la justice. L'histoire devrait être respectée.

Le choix de Wang Xuan représente l'autre aspect de l’attitude des Chinois : le respect de l'histoire. L'histoire est une grande question qui maintient le moral des Chinois. « Même lorsqu'un pays est conquis, son histoire ne devrait pas disparaître », déclare un proverbe chinois. Selon Wu Xuewen, conseiller de l'Institut des relations internationales modernes de Chine, le gouvernement chinois a adopté une politique cohérente envers le Japon, c'est-à-dire faire une différence entre le militarisme et le peuple japonais, et entre les personnes qui ont décidé cette politique militariste et ceux qui ont participé à sa mise en application.

Mais l'attitude du Japon envers son histoire d'agression est inacceptable pour les Chinois. En 1958, en examinant un manuel d'histoire, le ministère de l’Éducation japonais a changé les mots « envahir la Chine » par « entrer en Chine ». Depuis 1982, dans les manuels des écoles japonaises, le « Massacre de Nanjing » a été remplacé par « occupation de Nanjing ». En 2004, le Comité d'éducation de Tokyo a approuvé les manuels d'histoire qui font abstraction de la guerre d’agression du Japon. La guerre de Résistance de la Chine contre l'agression japonaise, qui a duré huit ans (1937-1945), coûté 35 millions de vies et infligé des pertes économiques de 600 milliards $US, est ignorée par les manuels d'histoire japonais. En comparaison de la question des manuels, la visite du premier ministre japonais au temple Yasukuni a soulevé la vive indignation et l’opposition de la Chine, de la R. de Corée (Corée du Sud), de la RPD de Corée (Corée du Nord) et d'autres pays asiatiques qui ont été envahis par le Japon. D’une nation qui nie des faits historiques, les gens ne peuvent pas dire qu'elle a fait son examen de conscience ou qu’elle s’est repentie d’avoir lancé une guerre d’agression. Au contraire, elle élude ses responsabilités historiques.

Certains spécialistes chinois soutiennent que l'attitude du Japon envers la guerre a quelque chose à voir avec le procès des criminels de guerre de Tokyo. Tang Zhongnan, président de la Société chinoise d'histoire du Japon, a précisé que le procès du tribunal militaire de l'Extrême-Orient a eu des manques considérables. Dans le procès de Tokyo, seulement sept criminels de guerre de classe A ont été condamnés à mort, et en 1953, tous les autres criminels de guerre ont été libérés; par la suite, ceux-ci ont joué des rôles décisifs dans l'arène politique japonaise. Bian Xiuyue, agrégé supérieur de recherche de l'Institut d'histoire chinoise moderne de l'Académie des sciences sociales de Chine, déclare qu’au Japon, les forces de droite d'avant-guerre et les forces de droite d'après-guerre ont la même origine. Voilà pourquoi le Japon d'après-guerre ne reconnaît jamais ses responsabilités de guerre et refuse d’offrir des excuses aux Asiatiques, notamment aux Chinois.

Considérer l'histoire comme un miroir et envisager l’avenir

Dans la culture chinoise, l'harmonie est toujours hautement estimée. Comme l’énonce un proverbe chinois : « L’harmonie profite aux deux parties, et le mal nuit aux deux. » C'est un bon principe pour guider les relations sino-japonaises. Depuis la normalisation des relations diplomatiques sino-japonaises, les relations entre les deux pays se sont grandement déployées. En 2004, le commerce bilatéral a approché les 170 milliards $US, et plus de 4 millions de personnes des deux pays échangent des visites.

En avril dernier, lors d'une réunion avec le président Toyohiko Yamanouchi du Kyoto News, le conseiller d’État Tang Jiaxuan a précisé que la guerre d'agression lancée par les militaristes japonais a fait souffrir quantité de Chinois, mais que le peuple japonais a aussi été victime de cette guerre. Depuis plusieurs années, le gouvernement chinois a éduqué les gens en se basant sur cet esprit. Perpétuer l'amitié avec le peuple japonais de génération en génération est le plus grand désir du gouvernement et du peuple chinois.