JUIN 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

« Chine double face »

 

Daniel Cogez est journaliste, écrivain et conférencier et travaille en Chine depuis bon nombre d’années. Il est originaire de Douai, dans le nord de la France, Sa première publication, des nouvelles, remonte à 1977. Depuis lors, une dizaine de publications ont suivi, notamment des romans et des récits de voyage. « Chine double face » est son œuvre la plus récente parue aux Éditions en langues étrangères.

Dalian : des vieux tramways et des espaces protégés

Une pizza à déguster avec humour.

J’ai séjourné trop peu de temps pour pouvoir faire une bonne description de ce grand port du Liaoning. J’évoquerai seulement quelques souvenirs personnels.

Ainsi, les rues et places n’ont pas une dénomination précise, mais sont désignées par des chiffres. Ceux-ci en chinois sonnaient bien à mes oreilles : quand j’entendais la rue Qi Qi (77), je pensais à une chanson de Tino Rossi « Oh ! ma Chi Chi ! » et bien entendu la place San Ba (38) me renvoyait automatiquement à la danse de la samba. En outre, cette place est une plaque tournante pour les tramways. Héritages du passé, anachroniques, mais fidèles au poste, les vieux tramways en bois circulent encore à travers les avenues modernes de Dalian.

Les vieux tramways de jadis au pied des immeubles modernes.

À l’extérieur de cette ville, dans des zones protégées, les touristes peuvent visiter une magnifique réserve d’oiseaux où se côtoient des flamants roses élégants, des grues en tous genres et des perroquets très savants. Ailleurs dans un Marineland, ils peuvent assister au spectacle dont les animateurs sont les dauphins acrobates, les otaries facétieuses et l’impressionnant lion de mer. Au commandement, tous ces animaux marins exécutent des numéros de voltige ou d’adresse qui font la joie des petits et des grands massés autour d’un bassin.

 

 

Tianjin la métropole ignorée

Peu d’étrangers connaissent Tianjin, une ville dont le statut est celui d’une « municipalité relevant du gouvernement central », c’est-à-dire une ville-territoire comme Beijing, Shanghaï et Chongqing. En discutant lors d’un séminaire avec un jeune Français, docteur ès lettres, j’avais été effaré : « Tianjin, c’est où? » avait-il demandé. Ce jeune diplômé ressemblait à un cuistre, car il ignorait totalement que cette ville avait donné son nom à un traité signé en 1858 et qu’il s’y était déroulé des épisodes historiques importants, certes humiliants pour l’empire chinois puisqu’il s’agissait des concessions, mais d’une grande répercussion pour les relations avec l’étranger et en particulier avec la France. J’étais bien renseigné à ce sujet non seulement par les livres d’histoire, mais aussi parce que deux proches de ma famille y avaient séjourné, l’un en 1909, le brigadier Émile Clément, amoureux de ma grand-mère et l’autre en 1929, le cousin Givert; je détenais des lettres datées et signées, expédiées de cette ville ce qui me rattachait d’une certaine façon à celle-ci.

La rue Machang dao et ses tours neuves.

Tianjin conservait à travers les rues bordant le Hai He de nombreux témoignages de l’architecture coloniale. Huit concessions avaient laissé leurs empreintes soit sous forme de bâtiments publics, banques ou établissement postal, soit sous la forme de gracieuses villas nichées dans les jardins. Il était curieux de voir en terre chinoise des bâtiments importés directement d’Occident. Le siège du parti communiste dans Jiefang Beilu, avec sa façade maniérée en briques roses et ses colonnades blanches, avait un petit air méditerranéen. La Banque de Chine des temps modernes étalait sa façade grise et ses lourdes colonnes à chapiteau dorique dans la même rue. L’Institut des Langues étrangères où j’ai enseigné le français avait été bâti à l’initiative de jésuites français dans un style composite gréco-latin. Les murs de briques jaunes et les colonnes de son péristyle donnaient au bâtiment principal un aspect original dont la direction de l’Institut s’enorgueillissait. On venait souvent y tourner des films évoquant « l’époque coloniale »...

Des squelettes de dinosaures reconstitués en taille réelle.

En 1923 ces bâtiments abritaient une école des « Hautes études commerciales » dont les cours étaient dispensés en français et en chinois sous l’égide des bons pères jésuites. Des savants français y installèrent également un musée de paléontologie sous le nom de Musée Hoang-ho Bai-ho. Ce musée fermé au public depuis la fondation de la République populaire de Chine excitait l’imagination des étudiants et surtout de quelques étudiantes. On y voyait rôder d’après elles le « fantôme de la femme blanche ».

C’est à Tianjin que j’ai vu l’atmosphère la plus folle s’emparer d’une ville chinoise à l’occasion de la fête du printemps. C’était en 1998 : pendant une semaine, les feux d’artifice ont éclaté partout dans la ville. Le ciel n’était plus qu’un embrasement multicolore et le crépitement incessant des pétards retentissait de nuit comme de jour. Si les mauvais esprits n’étaient pas chassés, c’était à désespérer!

Mais à Tianjin comme à Beijing, un urbanisme débridé a sévi en seulement trois ans. Les acacias qui bordaient les avenues et dispensaient une ombre salutaire durant les périodes très chaudes de l’été ont été sacrifiés à Machang dao et Binjiang dao et les petites échoppes des marchands ambulants ont été chassées. Des statues au charme discutable ont été installées et des avenues aux trottoirs bien propres ont été ouvertes soit aux piétons comme la rue Bingjiang dao soit à la circulation. Des bus déguisés en tramways rétro circulent dans ces avenues.

Une fureur de démolition et de construction s’est emparée de la ville et parfois des immeubles de vingt étages dressent leurs structures métalliques béantes faute de pouvoir être achevés. Tianjin perdrait peu à peu son charme provincial si les urbanistes dans leur rage à faire du neuf et du moderne n’avaient oublié de charmantes villas qui dorment dans l’ombre de petites rues peu fréquentées de part et d’autre du Hai He.D’après la revue « La Chine au présent » (décembre 2003) il est prévu de construire un quartier français près du Hai He sur une surface de 600 hectares.

Ce quartier comprendra un espace musical à ciel ouvert, un restaurant de cuisine française, un centre de loisirs permettant d’admirer les représentations du Moulin rouge, un parc à la française, un jardin botanique, un pont en arc de style français etc.

Je souhaite que mon pays y fasse valoir le talent de ses architectes