MAI 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

L’argent au service du patrimoine

LOUISE CADIEUX

Mme Chen Laiwa est une femme d’affaires dont le nom a paru dans les deux derniers classements des « riches et célèbres » du magazine « Forbes ». En soi, c’est déjà un exploit. Mais pour elle, le plus important, c’est le Musée du santal rouge auquel elle a consacré 24 millions $US… et toute sa vie.

 

On a beau vivre à Beijing depuis dix ans, cette ville a tant à offrir qu’il semble toujours y avoir des endroits intéressants qui avaient échappé à l’attention. C’est le cas du Musée du santal rouge de Chine, un musée privé que je viens de découvrir. Et quand on lit sur les affiches du musée ou dans sa brochure les dédicaces et commentaires de sommités qui ont pris un plaisir évident à découvrir cet endroit, on n’est pas peu fier de pouvoir vérifier si leurs éloges correspondent aux goûts du commun des mortels…

Un musée édifié avec passion

Un travail de patience.

« Le santal rouge, c’est toute ma vie », a déclaré un jour Chen Laiwa à un journaliste qui l’interviewait. Descendante de la famille impériale mandchoue (la dynastie des Qing qui a régné de 1644 à 1911), Chen a passé son enfance au palais d’Été de Beijing. Presque tout le mobilier qui l’entourait alors était fabriqué en santal rouge, appelé zitan en chinois. Depuis lors, le santal a occupé une place centrale dans sa vie, au point de se transformer en passion. Dès les années 1970, à Hongkong, elle a commencé à dépenser temps, énergie et argent à collectionner les bois précieux (acajou, ébène, santal de Cochinchine et bien entendu, santal rouge). Puis, après l’ouverture de la Chine, elle a déménagé toute sa collection de santal rouge à Beijing et s’y est installée. Par la suite, toujours à la recherche du santal rouge de son enfance, elle a ouvert de petits ateliers en banlieue de Beijing et cherché les meilleurs artisans qui pourraient repeupler son univers des pièces de mobilier qu’elle avait découvertes dans son enfance. Pourquoi donc? Parce que « chaque pièce incarne l’ingéniosité et le talent artistique séculaires des Chinois, et je ne veux pas que ce patrimoine se perde », dit-elle. Sa passion et sa recherche de la perfection, qu’elle a tenté d’insuffler à ces artisans, ont tellement impressionné les conservateurs du Palais impérial qu’elle et ses collègues ont obtenu la permission d’examiner de très près les trésors conservés au musée pour que ses artisans puissent les reproduire en santal rouge.

C’est avec cette idée en tête qu’au fil des ans Chen Laiwa a employé environ un millier de paysans-artisans, venus d’un peu partout au pays. Avec leur savoir-faire, ces derniers ont créé des centaines de pièces d’ameublement et d’éléments de décoration traditionnels. Elle-même a bien souvent mis la main à la pâte, tantôt en esquissant les modèles sur papier, tantôt en gravant ou en cirant le bois. Il faut dire que ce bois mérite une attention particulière, car c’est une essence précieuse −on l’appelle le joyau du bois− qui ne pousse que dans les régions tropicales. Il est renommé pour sa densité, sa couleur riche et son odeur bien particulière. Aujourd’hui, le travail de passion de Chen Laiwa et de ses artisans est présenté dans un musée de quatre étages qui a ouvert ses portes au public en 1999. Cependant, c’est un musée en évolution, car on s’y adonne toujours à sculpter, à ciseler, à assembler (toujours selon le principe traditionnel des tenons et mortaises qui a fait la renommée des meubles chinois) et à peaufiner des pièces qui exigent parfois des années de travail. À leur tour, ces objets d’art viendront augmenter la collection du musée. 

Une visite tout en Oh! et en Ah!

J’avoue qu’il est facile de s’exclamer quand on se promène dans les différentes salles de ce musée. En effet, selon les dires mêmes de M. Wang Shixiang, renommé pour ses recherches sur l’histoire de la culture chinoise ancienne, surtout sur l’ameublement des Ming et des Qing : « Pour ce qui est de la quantité et de la concentration d’ameublement en santal rouge, aucun autre endroit ne peut rivaliser avec ce musée ». Paravents, trônes, fauteuils, chaises, tables, armoires, cabinets, niches de bouddha, lits, objets décoratifs, tous suscitent l’admiration, tantôt pour l’ampleur du travail qu’ils ont exigé, tantôt pour la finesse du travail de sculpture. Sans compter que c’est un merveilleux voyage dans l’histoire de l’ameublement de cette époque, car on peut y voir diverses dispositions intérieures comme celle d’une salle de séjour traditionnelle et d’une chambre nuptiale. Certains meubles m’ont frappée par leur ingéniosité : un coffre à bijoux à 108 tiroirs, une armoire à claire voix pour conserver les bibelots précieux ou les livres, permettant la circulation de l’air, mais empêchant les animaux de s’y introduire (elle se nomme à juste titre l’« armoire du chat enragé! »), un fauteuil pliant au design très new-look pour son époque. Il y a aussi les immenses reproductions, toutes construites à la façon traditionnelle : la tour d’angle du Palais impérial, un siheyuan, le portique du temple du Dragon du printemps, la salle Qinian du temple du Ciel… et la liste pourrait s’allonger.

L’une des gloires du musée, c’est l’ensemble de douze murs écrans, inspirés de la célèbre peinture Qingming shanghe tu de Zhang Zeduan de la dynastie des Song, qui est un panorama de la vie sur les rives de la rivière Bian. Cette peinture illustre plus de 500 personnes de tous les milieux et fournit maints détails sur la vie urbaine de cette époque. Zhu Jiajin, célèbre historien et chercheur du Palais impérial, a fait remarquer que cet ensemble de murs écrans a su intégrer l’art pictural traditionnel et l’art sculptural. Quant à moi, je me suis extasiée devant un objet de santal finement sculpté, relatant avec maints détails l’histoire du Pèlerinage vers l’Ouest. On ne peut que se demander comment les artisans ont pu reproduire ces scènes avec tant de dextérité. Pour en apprendre davantage, il suffit de s’attarder dans une des sections du musée : des artisans y sont à l’œuvre et répondent gentiment à nos questions.

Les honneurs ne manquent pas non plus à ce musée. En mai 2004, le musée du Louvre a décidé d’ajouter la reproduction de la salle Qinian à sa collection; le mois suivant, ce musée s’est vu conférer le titre de l’un des dix meilleurs musées privés de Chine; et cette année, les objets les plus représentatifs seront présentés à l’expo universelle d’Aichi au Japon.

Et si vous désirez vous procurer un petit souvenir de cette visite mémorable, le musée possède une boutique de souvenirs. Je vous conseille un petit coussin rembourré de copeaux de bois de santal odoriférant qu’on dit être bon pour la peau.. L’utile à l’agréable, quoi!

Informations utiles

Adresse : 9, Xinglongxijie, arrondissement Chaoyang, Beijing 100025

Tél. :86-10 85767320  85791443

Télécopieur : 86-10 85762669

Site Web : www.redsandalwood.com