MAI 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Gu Changwei a toutes les raisons de pavaner…

ZHU LINYONG

 

    Scènes du film. Gu Changwei en compagnie des acteurs principaux du film.

« Peacock » est le premier film de Gu Changwei en tant que réalisateur, et ce film a remporté l’Ours d’argent aux récentes Berlinales. Bien que le film ne semble pas aussi coloré que son nom évocateur, l’œuvre est très différente de celles des réalisateurs de la cinquième génération et gagne la faveur.

La nostalgie est à l’honneur. Peacock est un film nostalgique que de nombreux critiques décrivent comme « une épopée illustrant le monde intérieur des Chinois ». Wang Shuo, un écrivain de Beijing, parle du film comme « le chant du cygne des réalisateurs de la cinquième génération ». Tian Zhuangzhuang, l’un d’eux, dit que Peacock est l’un des deux meilleurs films de 2004 avec Kekexili : Mountain Patrol.

Les débuts de Gu à la réalisation

Gu, un cinéaste nouvellement converti à la réalisation, déclare haut et fort qu’il ne tourne pas des films pour recevoir des prix, mais pour le plaisir des spectateurs. « Peacock est un film de qualité, et j’ai pleinement confiance en lui. Je n’ai besoin que d’un peu de chance », disait Gu, 46 ans, lors de l’entrevue qu’il accordait avant le festival du film de Berlin. Le film ne correspond pas aux points de vue stéréotypés des Occidentaux sur les Chinois et la société chinoise. C’est un film tourné à partir d’une perspective chinoise, et il traite d’un sujet facilement ignoré : la vie sans surprise des gens ordinaires », déclare Gu.

Le cinématographe de renommée mondiale collabore depuis la fin des années 1980 avec Zhang Yimou et Chen Kaige, notamment dans des films tels que Le sorgho rouge, King of the Children, Ju Dou, le sang du père et Adieu ma concubine.

Ému par le scénario du jeune écrivain Li Qiang, qui écrit surtout des textes inspirés de sa vie personnelle, Gu a commencé à préparer le tournage de son film en octobre 2002. Il a pris le rôle de réalisateur plutôt que de directeur photo, en espérant « découvrir si j’avais une chance de faire un film sur mes propres idées et d’améliorer mon potentiel de création ».

Le tournage de Peacock a été achevé en quatre mois, au début de 2003, à Anyang, dans la province centrale du Henan, lieu de naissance de Li Qiang. Mais ce n’est qu’en mai 2004 que la version finale a été complétée.

Délibérément, Gu considère que son film est un point de départ pour les réalisateurs de la cinquième génération dont les œuvres se caractérisent par des costumes et des décors brillants, des couleurs contrastées et un lourd message idéologique en filigrane.

« Lorsque je travaillais comme cinéaste, je me cassais la tête pour aider les réalisateurs à faire de leur film le meilleur qui soit. Maintenant, comme réalisateur, je veux faire un film qui s’harmonise avec mes propres valeurs esthétiques », déclare Gu.

Un réalisme omniprésent

Gu décrit le scénario du film avec une approche réaliste et réservée. Peacock raconte l’histoire de trois enfants d’une famille ordinaire qui habite dans une ville reculée post-industrielle de la Chine du Centre, dans les années 1970 et 1980. « C’est une investigation subtile de la condition humaine durant ces années de changement », révèle Gu.

Sans aucune scène spectaculaire et sans recourir à des techniques cinématographiques tape-à-l’œil, le film relate les histoires personnelles des trois enfants d’une manière factuelle. Les sons, la musique, les slogans et les bruits sont les principaux moyens permettant de recréer l’atmosphère de certaines périodes historiques comme la « révolution culturelle » (1966-1976).

« L’histoire se passe à une époque bien précise, mais son thème est universel. C’est un film sur le fait de grandir, sur les rêves et les idéaux des jeunes, certains qui se réalisent et certains qui s’effondrent. C’est aussi un film sur leurs regrets, leurs peines et leurs moments de joie. Les jeunes d’aujourd’hui vont s’identifier à cette histoire », explique Gu.

Le réalisateur a choisi une poignée de nouveaux acteurs pour les rôles principaux. Notons : Zhang Jingchu (la sœur), une diplômée de l’Académie du film de Beijing, peu connue des cinéphiles avant Peacock; Feng Le (l’aîné) et Lu Yulai (le cadet), fraîchement sortis de l’Académie centrale d’art dramatique. Gu donne libre cours au potentiel des plans-séquences. Règle générale, un film de 90 minutes contient environ 700 scènes. Mais ce film, qui dure 144 minutes, en contient moins de 300. Malgré cela « Les cinéphiles ne s’ennuieront pas en visionnant le film, car ces longs plans sont beaucoup plus informatifs et passionnants sur le plan visuel que la plupart de ceux dans beaucoup de films. », exprime Gu.

Celui-ci croit que l’utilisation de plans-séquences ajoute également quelque chose à la puissance d’un film réaliste. « Laisser la vie se dérouler aussi naturellement que possible, c’est l’effet idéal que je recherchais dans mon film. »

Gu est très satisfait des résultats de son labeur. Il croit que le film peut attirer bon nombre de cinéphiles, bien que sa distribution ne comporte pas de vedettes, de séquences de kung-fu ni d’effets spéciaux par ordinateur. Visionner ce film, c’est comme regarder l’album photo d’une famille chinoise ordinaire, ont déclaré certains critiques de cinéma.

« Peacock est un film touchant et sensible qui émeut, avoue Gu; que vous soyez réaliste, idéaliste ou pragmatique, vous trouverez des traces de vos propres années de jeunesse dans les personnages chaleureux de mon film. Les spectateurs ne seront pas étonnés, mais plutôt émus. Je ne m’attends pas à ce qu’ils fondent en larmes dans le cinéma. Mais, plus tard, ils se souviendront encore et encore de certains moments du film », ajoute-t-il.

Gu ne cherche pas à expliquer le film dans ses moindres détails ou la signification de certaines scènes. Pour lui, ce qui compte, c’est que les spectateurs visionnent d’abord le fil et l’évaluent ensuite. (Article d’abord paru en anglais dans le « China Daily »)