MAI 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Des changements qui s’amorcent à la base

ZHANG XUEYING

Une réflexion sur certains changements au sein de la société chinoise et sur les facteurs essentiels à l’édification d’une société harmonieuse, objectif annoncé récemment par le premier ministre Wen Jiabao.

Une élection générale dans un village du Henan. Comptage des votes sous le contrôle des villageois. Les villageois de Baitai, du district Yuhuan du Zhejiang, prennent part au vote.

DEPUIS vingt ans, la croissance économique rapide a permis à la Chine de se hisser au quatrième rang mondial pour le commerce extérieur et d’être la sixième puissance économique mondiale. Cependant, étant donné que la réforme du système politique accuse du retard par rapport à la réforme économique, de nouveaux problèmes sociaux ont fait leur apparition. Pour les résoudre, le gouvernement chinois a proposé de nouveaux concepts politiques : « Édifier une société démocratique et de droit, une société équitable et juste, fiable et amicale, stable et ordonnée, de même qu’un pays dans lequel l’homme et la nature vivent en harmonie. » Différents domaines de la société ont connu des changements colossaux, et les 900 millions de paysans et de travailleurs migrants constatent les avantages de ces changements.

Rendre le pouvoir politique au peuple

Dans la Chine d’aujourd’hui, un processus institutionnalisé et normalisé d’élection démocratique est en train de se développer à la base, tant dans les campagnes que dans les villes. Selon le ministère des Affaires civiles, 300 000 comités de villageois tiendront une élection cette année.

En 2004, Gao Xianming, délégué de l’Assemblée populaire nationale et chef de son village depuis 29 ans, a affronté un nouveau problème : s’il voulait rester à son poste, il devait remporter l’élection. La loi organique sur les comités de villageois, nouvellement promulguée, souligne en effet que l’élection du chef de village doit passer par une élection générale et que la signature d’au moins dix personnes est nécessaire pour proposer un candidat. De plus, afin d’éviter que certains tirent les ficelles, la loi énonce qu’il est interdit à l’organisation de proposer un candidat. Dans le village de Zanli où demeure Gao Xianming, plus de 400 ménages ont proposé deux candidats : Gao Xianming est l’un d’eux.

Le village de Zanli est situé dans le département tibétain autonome de Garzê, une région reculée dans la province du Sichuan. C’est un village prospère, réputé pour sa production maraîchère. Les marchands de légumes venus d’aussi loin que le Tibet et la province du Qinghai viennent s’y approvisionner.

« La participation des villageois aux élections joue un rôle décisif dans l’édification d’un système démocratique dans les campagnes chinoises », a déclaré le professeur He Baogang, de l’université de Tasmanie, en Australie, qui effectue des recherches sur le système électif dans les campagnes de la Chine. « Les intérêts économiques ont grandement suscité l’enthousiasme des villageois à participer à l’élection locale. Plus un village est prospère, plus grand est l’enthousiasme des paysans à participer, car l’élection sous-tend d’importants avantages économiques. »

Finalement, Gao Xianming a été élu avec 98 % des voix. « Grâce à son travail sérieux et terre-à-terre, à son sens des affaires et à son éthique, Gao a remporté cette élection », a dit un membre de l’assemblée populaire provinciale qui connaît bien les conditions locales du village de Zanli. Gao travaille d’arrache-pied à sauvegarder les intérêts des villageois et a gagné la popularité et le respect de sa communauté.

 « Auparavant, la promotion des fonctionnaires se faisait par désignation. Par conséquent, les fonctionnaires n’étaient redevables qu’aux autorités supérieures, parfois, au détriment des intérêts du peuple. À présent, les intérêts économiques ont incité les paysans à défendre leurs propres intérêts, et l’élection directe des villageois est de plus en plus normalisée et institutionnalisée, déclare He Baogang.

L’union des travailleurs paysans

Pendant toute l’année 2004, les régions économiquement développées comme le delta de la rivière des Perles et le delta du fleuve Yangtsé ont connu une pénurie de travailleurs migrants, voire des grèves. Le manque de main-d’œuvre a eu des effets négatifs sur la production de bon nombre d’usines. Certaines entreprises du delta de la rivière des Perles ont dû refuser des bons de commande  et certaines ont même songé à déplacer leur usine à l’intérieur du pays.  Des gouvernements locaux ont même joint leurs efforts à ceux de certaines entreprises pour embaucher des travailleurs à l’extérieur.

Un rapport d’enquête du ministère de la Sécurité sociale et du Travail a révélé les raisons de cette pénurie de main-d'œuvre : longue période de stagnation du niveau salarial, manque de garanties des droits et intérêts de la main-d’œuvre, demande croissante en matière de main-d’œuvre et changement du mode de croissance.

En réalité, les travailleurs migrants souffrent depuis longtemps d’une protection inadéquate de leurs droits, mais la pénurie des travailleurs paysans a constitué un choc pour tout le monde. Selon les statistiques, parmi les travailleurs des secteurs secondaire et tertiaire, les travailleurs paysans représentent environ 46 %. Ces prochaines années, le nombre des travailleurs ruraux qui chercheront du travail dans les villes chinoises augmentera en moyenne de 5 millions par an.

Contrairement à ceux de la génération précédente, les travailleurs paysans d’aujourd’hui ont une meilleure éducation et un meilleur accès à la technologie, notamment les téléphones portables, de sorte qu’ils sont plus conscients de leurs droits et de la manière de les défendre. Selon les études de Lu Xueyi, le niveau d’instruction de la nouvelle génération de travailleurs paysans est plus élevé que celui des paysans qui sont restés dans leur village. Aujourd’hui, bon nombre de ces travailleurs sont des diplômés d’école secondaire ou d’écoles offrant des cours professionnels. Ils vont dans les villes pour y trouver non seulement un emploi, mais aussi les droits politiques, économiques et sociaux qui y correspondent. Ils ont formé des groupes d’intérêt et se regroupent pour assurer la protection de leurs droits.

Le phénomène de la « pénurie des travailleurs paysans » a engendré une augmentation des salaires qui leur sont versés dans les régions du delta de la rivière des Perles, de Suzhou, de Wuxi et de Hangzhou. Sous la pression de cette pénurie, les provinces du Zhejiang, du Guangdong et du Shandong ont rajusté à la hausse le niveau du salaire minimum. Dans certains endroits, des négociations salariales se font sous l’intervention du gouvernement local, et à la suite du développement des syndicats et des organisations autonome, des négociations collectives de salaire ont lieu.

« Auparavant, il était fréquent de voir un fonctionnaire servir d’intermédiaire dans une affaire concernant un travailleur paysan, plutôt que de travailler à l’intérêt de l’ensemble des travailleurs paysans. En effet, ce rôle n’est pas celui du gouvernement », dit Sun Liping, un sociologue de l’université Qinghua. « Les syndicats doivent agir au nom d’un certain groupe, puisque les individus n’ont pas toujours la capacité de négocier eux-mêmes. Une organisation peut négocier de manière continue, de sorte que les conflits se résolvent au fur et à mesure qu’ils apparaissent.»

À l’automne 2004, les travailleurs paysans ont obtenu la permission de joindre les rangs d’un syndicat. En même temps, la Fédération nationale des syndicats de Chine a proposé au gouvernement d’émettre un décret permettant de garantir les salaires des travailleurs paysans. Elle a demandé que le département du contrôle du travail applique la loi strictement, et elle a ordonné aux entreprises non seulement de payer les salaires en souffrance, mais de payer une compensation financière; elle a proposé encore de modifier le droit pénal, de manière à ce que les gens d’affaires qui retardent de beaucoup le paiement des salaires puissent être tenus criminellement responsables.

En novembre 2004, le Conseil des affaires d’État a promulgué les Règlements de contrôle sur la sécurité du travail et a publié des règlements sur le salaire minimum et les contrats collectifs

« L’année dernière, la série d’incidents divers qui ont touché les droits et intérêts des travailleurs paysans, peut être expliquée comme le résultat d’une économie de marché imparfaite », a exprimé Li Shuguang, professeur de l’Université des sciences politiques et du droit de Chine. « En tant qu’édificateur de cette économie de marché, que doit faire le gouvernement? Continuer d’émettre des ordres administratifs comme au temps de l’économie planifiée ou se retirer peu à peu du marché tout en coordonnant les intérêts des différents groupes? La façon dont ce problème sera réglé est la clé pour construire une véritable société harmonieuse ».                    

Un policier remet le Manuel de protection des droits travailleurs migrants. Interdire le marché de la main-d’œuvre illégale. Foire de l’emploi, ouverte spécialement aux travailleurs migrants et organisée par le gouvernement.