MAI 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Une nouvelle coordonnée dans les relations entre les deux rives du détroit

LU RUCAI

M. Wang Zaixi,vice-directeur du Bureau des affaires de Taiwan du Conseil des affaires d’État, lors d’une conférence de presse tenue le 5 mars dernier sur la Loi antisécession.

À la fin de 2004, le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale (APN) a marqué le début de l’élaboration de la Loi antisécession. Elle a été ratifiée à une très large majorité lors de la troisième session de la Xe APN, tenue en mars 2005. Cette loi représente la volonté commune du peuple chinois de sauvegarder la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine.

Développement des pourparlers entre les deux rives

À la fin de 1987, les autorités de Taiwan ont levé l'interdiction des visites dans la partie continentale de Chine, mettant un terme à l'éloignement de la mère patrie que vivait Taiwan depuis près de 30 ans. Depuis lors, il y a eu une augmentation continue des échanges de ressources humaines, économiques et culturelles. Afin de résoudre les problèmes qui ont surgi au cours des échanges entre les deux rives du détroit, les autorités de Taiwan ont modifié leur politique d’« aucun contact, aucune concession et aucune négociation ». Le 21 novembre 1990, la Fondation pour les échanges entre les deux rives du détroit (FED) a été fondée et autorisée par le gouvernement pour agir en tant qu'organisation non gouvernementale intermédiaire, chargée de traiter les affaires civiles de part et d’autre du détroit de Taiwan. Le 16 décembre 1991, l'Association pour les relations entre les deux rives du détroit de Taiwan (ARRDT) a été fondée par le Bureau des affaires de Taiwan du Conseil des affaires d’État et le Bureau de travail sur Taiwan du Comité central du Parti communiste chinois, dans le but de tenir des réunions courantes avec la FED. Il était énoncé que toutes les négociations et tous les accords entre la FED et l’ARRDT devaient être menés sous l’égide du principe d’« une seule Chine ».

Pendant les pourparlers de 1992 entre l'ARRDT et la FED, la partie taïwanaise avait convenu que les deux rives du détroit devaient adhérer au principe d’« une seule Chine » et qu’une réunification pacifique devait être cherchée, mais les deux parties ont failli à conclure un accord sur la formulation écrite du principe d’« une seule Chine ». La huitième ébauche de la FED énonce : « Au cours du processus de recherche de la réunification nationale, les deux rives du détroit adhèrent au principe d’“une seule Chine”, mais leur compréhension de la signification d’une seule Chine diffère. » Elle a avancé la proposition suivante : « Chaque partie exprimera sa propre position verbalement, dans un contexte acceptable pour les deux parties. » L’ARRDT a élaboré les points principaux de sa formulation non écrite, c’est-à-dire que les deux rives du détroit adhèrent au principe d’« une seule Chine » et tendent vers la réunification nationale, mais la signification politique de l’expression « une seule Chine » n’allait pas surgir des pourparlers entre les deux rives du détroit. C'est le « Consensus de 1992 » qui a exercé une influence de grande portée sur les relations entre les deux rives du détroit.

Toutefois, à cause de la « théorie des deux États » de Lee Teng-hui, le « Consensus de 1992 » n’a pas encouragé les échanges entre les deux rives dans la bonne direction. Quand Chen Shui-bian a été réélu en 2004, il a renié les cinq « non » : « non à une déclaration d’indépendance; non au changement de “titre national”; non à la “théorie des deux États de Lee Teng-hui” au sein de la Constitution; non à un référendum pour changer le statu quo; non à l’abolition concernant le Conseil national d'unification ou les Directives pour l'unification nationale », qui avaient été énoncés dans son discours inaugural en 2000. Les autorités de Taiwan ont alors lancé leur « campagne de rectification du nom » qui proposait que le nom des organismes gouvernementaux, incluant celui des bureaux de représentation d’outre-mer et des ambassades, de même que celui des entreprises d'État, soit changé de « République de Chine (RDC) » en « Taiwan », ainsi que celui des universités et collèges taïwanais qui comportait le mot « Chine » ou le mot « chinois » dans leur titre. Ceci dévoilait l’intention manifeste des autorités de Taiwan de « désiniser » et de promouvoir le concept d’« un pays de part et d’autre des deux rives ». D'ailleurs, elles ont fixé un « échéancier pour réaliser l'indépendance de Taiwan », établissant de ce fait un plan d’action pour réaliser « l'indépendance légale de Taiwan » par des moyens constitutionnels.

En aucun cas « un ordre de mobilisation de guerre »

Du déclenchement du processus législatif, le 25 décembre 2004, jusqu’à la promulgation de la Loi antisécession, il n’aura fallu que trois mois, mais c'est une question qui était depuis longtemps à l'étude dans les milieux universitaires chinois qui se spécialisent dans les affaires de Taiwan. Zhu Weidong, chercheur réputé de l'Institut de recherche sur la question de Taiwan relevant de l'Académie des sciences sociales de Chine, a déclaré : « À la conférence sur les relations entre les deux rives du détroit, tenue en 1991 à l’Institut de recherche sur la question de Taiwan, les experts chinois et étrangers ont proposé de normaliser le travail sur la réunification dans un cadre légal. » À la suite de la « théorie des deux États », proposée par Lee Teng-hui en 1999, les chercheurs de l'institut ont proposé de promulguer une loi sur la réunification.

Comme Zhu l’a fait remarquer, cette loi n’est d’aucune façon « un ordre de mobilisation de guerre ». Au contraire, c’est une loi qui favorisera la réunification pacifique, et elle maintiendra le statu quo plutôt que de le modifier. Son objectif précis est de s'opposer et de faire échec à toute tentative des sécessionnistes de Taiwan de séparer Taiwan de la Chine au nom de l’« indépendance de Taiwan », et de maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taiwan. Jia Qinglin, président du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), a élaboré davantage sur la formulation de la Loi antisécession, en disant : « La Loi antisécession respectera le principe de base de la “réunification pacifique” et celui d'“un pays, deux systèmes”; codifiera les politiques élaborées depuis les vingt dernières années par notre Parti et notre gouvernement et orientées vers une solution pacifique de la question de Taiwan; elle incarnera la position constante de la Chine voulant exprimer la plus grande sincérité possible dans ses efforts tous azimuts en vue d’ une réunification pacifique. »

Cette loi a été formulée, en vertu de la Constitution, dans l’objectif de s'opposer et de faire échec à toute tentative des sécessionnistes de séparer Taiwan de la Chine au nom de l’« indépendance de Taiwan »; de promouvoir la réunification nationale de manière pacifique; de maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taiwan; de préserver la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Chine; et de sauvegarder les intérêts fondamentaux de la nation chinoise.

La première partie –« ne jamais hésiter à respecter le principe d’“une seule Chine” »– des Directives en quatre points sur les relations entre les deux rives du détroit, fixées par le président Hu Jintao pendant les réunions de 2005 de l’APN et de la CCPPC, déclare : « Nous accueillons tous les efforts déployés par des individus ou des partis politiques de Taiwan en vue de reconnaître le principe d’“une seule Chine” ». Quel que soit l'individu ou le parti politique, nous sommes disposés à parler avec cet interlocuteur sur la question du développement des relations entre les deux rives du détroit et de la promotion de la réunification pacifique, peu importe ce qu'il a dit ou fait dans le passé, dans la mesure où il reconnaît le principe d’“une seule Chine” et le “Consensus de 1992”. » Le président Hu a également déclaré : « La Chine ne renoncera jamais à ses efforts de recherche de réunification pacifique […] ne dérogera jamais du principe de placer son espoir dans le peuple de Taiwan ». Il a poursuivi en disant que la Chine « ne fera jamais de compromis dans son opposition aux activités sécessionnistes en vue de “l’indépendance de Taiwan” ». Le président a ensuite exprimé : « Nous ferons correctement et avec le plus grand effort tout ce qui peut être salutaire aux compatriotes de Taiwan et propice à la promotion des échanges entre les deux rives du détroit, au maintien de la paix dans la région du détroit de Taiwan et à la réunification pacifique de la mère patrie. C'est notre engagement solennel envers les larges masses de nos compatriotes de Taiwan. »

Promouvoir des échanges continus de part et d’autre du détroit de Taiwan

La loi manifeste la volonté commune de tout le peuple chinois de sauvegarder la souveraineté d'État et l'intégrité territoriale de la Chine, et de ne jamais permettre l’« indépendance de Taiwan. » Tant qu’il y a un rayon d'espoir pour la réunification pacifique, nous ferons l'impossible pour la réaliser. C'est l'esprit sur lequel se base la Loi antisécession.

Le premier ministre Wen Jiabao a déclaré que la Loi antisécession ne vise pas les compatriotes de Taiwan, mais a pour objectif de s'opposer et de faire échec aux activités sécessionnistes en vue de l’« indépendance de Taiwan ». Il a déclaré : « Ce n'est pas une loi pour la guerre, mais pour la réunification pacifique de la mère patrie ». Et de poursuivre : « Ce n'est pas une loi destinée à changer le statu quo par lequel les deux rives du détroit de Taiwan appartiennent à une seule Chine, mais une loi favorisant la paix et la stabilité de part et d’autre du détroit de Taiwan. » Le premier ministre Wen a fait remarquer que la Loi antisécession énonce clairement son objectif de promouvoir les échanges entre les peuples de part et d’autre du détroit de Taiwan. Elle encouragera et facilitera la coopération économique, les trois « liaisons directes » et les échanges dans les domaines de l'éducation, de la science et technologie, de la culture et autres. La Loi énonce également que les droits et intérêts des gens d'affaires de Taiwan qui résident dans la partie continentale seront protégés. À propos du genre de mesures qui devraient être prises pour promouvoir les échanges entre les deux rives du détroit, le premier ministre a indiqué que la Chine tendra à régulariser dès que possible les vols nolisés directs de passagers, en service entre les deux rives du détroit durant les fêtes et les vacances, et qu’il faudra des mesures pour faire augmenter les ventes de produits agricoles de Taiwan, surtout ceux de la partie centre-sud de Taiwan, dans la partie continentale. Le premier ministre a également déclaré que la Chine chercherait à reprendre les discussions et à résoudre la question de l’exportation de la main-d’œuvre de la partie continentale vers l'industrie de la pêche de Taiwan.

Lin Yifu, membre de comité national de la CCPPC, économiste renommé et originaire de Taiwan, a déclaré que la promulgation de la Loi antisécession rend les politiques plus transparentes et claires, et dans ce contexte, elle est une aide en prévision d’un geste. C’est pourquoi la Loi constitue un grand avantage pour les échanges économiques entre les deux rives du détroit.

Contexte :

Trois liaisons directes de part et d’autre du détroit de Taiwan

Après l'adoption de la politique de réforme et d’ouverture de la Chine, le gouvernement chinois a modifié sa politique concernant la résolution du problème de Taiwan. Au jour de l’An 1979, le Comité permanent de la Ve APN a publié son message aux compatriotes de Taiwan et a dit : « Nous espérons que les services de transport et les services postaux seront mis en place entre les deux rives dans un bref délai, afin que les compatriotes des deux rives puissent plus facilement avoir des contacts directs, s’écrire, visiter des parents et des amis, voyager et échanger des visites réciproques, de même que procéder à des échanges scientifiques, culturels, sportifs et technologiques. » Le Comité permanent a proposé, pour la première fois, des liaisons postales, commerciales et de transport entre les deux rives du détroit. Par la suite, les membres concernés du ministère du Commerce extérieur et de la Coopération économique de Chine, du ministère des Postes et Télécommunications de Chine, du ministère des Communications de Chine et de la CAAC ont prononcé des discours, avancé une série de suggestions concrètes concernant les liaisons postales, commerciales et de transport en ligne directe entre les deux rives du détroit et proposé des préparatifs appropriés. En 1981, Ye Jianying, président du Comité permanent de l’APN, a élaboré davantage sur la politique de la partie continentale concernant la réalisation de la réunification pacifique avec Taiwan et les échanges entre les deux rives du détroit, notamment en ce qui concerne la mise en place rapide de services postaux, commerciaux, aériens, et d'expédition en ligne directe, de part et d‘autre du détroit. Cette politique permettra aux résidants des deux rives de voyager de part et d’autre du détroit pour rendre visite à leurs parents. Dans le cadre de cette politique, les échanges universitaires, culturels et sportifs seront également encouragés. Par la suite, on a appelé cette politique les « trois liaisons directes. »

La politique des trois liaisons directes, proposée par le gouvernement chinois, n'a reçu aucune réponse de la part des autorités de Taiwan jusqu'en 2000, alors qu’elles ont diminué sa portée à « trois mini liaisons » de transport direct et de libre déplacement entre Kinmen, Matsu et les secteurs côtiers de la province du Fujian. Le 1er janvier 2001, l'expédition directe a débuté entre les ports côtiers de Xiamen et de Mawei du Fujian et ceux de Kinmen et Matsu de Taiwan. Étant donné que les autorités de Taiwan avaient approuvé l’entrée des bateaux de Taiwan dans la partie continentale chinoise seulement par Kinmen et Matsu, il était interdit aux bateaux de la partie continentale d'amarrer à l'un ou l'autre de ces endroits. Cependant, ceci signifiait un véritable transport maritime dans une direction. Bien que des services commerciaux et postaux indirects et bidirectionnels eussent été exploités (via un troisième lieu), on était toujours bien loin des « trois liaisons directes » préconisées par le gouvernement chinois.

Au Nouvel An chinois 2005, les vols nolisés aller-retour de part et d’autre du détroit, qui ont eu lieu du 29 janvier au 20 février, ont attiré l’attention mondiale. Actuellement, six routes aériennes de Taiwan et six routes aériennes de la partie continentale ont offert un total de 48 vols nolisés aller-retour, transportant 10767 hommes d'affaires taïwanais travaillant dans la partie continentale vers leur résidence et les ramenant par la suite. Première liaison aérienne directe de part et d’autre du détroit de Taiwan en 56 ans, celle-ci a représenté un grand pas en avant par rapport aux vols nolisés de la fête du Printemps 2003 qui comportaient 16 vols nolisés indirects, offerts sur six routes aériennes de Taiwan, et qui avaient transporté aller-retour 2 600 hommes d'affaires de Taiwan basés dans la partie continentale.

Liens économiques et commerciaux 

À la fin des années 1970, le commerce de transit entre la partie continentale et Taiwan a repris avec l'adoption de la politique de réforme et d'ouverture, ce qui a considérablement dégelé les relations entre les deux rives du détroit. En raison des limitations imposées par les autorités de Taiwan, le volume des échanges n'a pas excédé un milliard $US avant le milieu des années 1980. En 1987, après que les autorités de Taiwan eurent levé leur interdiction sur les visites dans la partie continentale chinoise, les relations entre les deux rives du détroit se sont améliorées, et grâce au développement économique rapide de la partie continentale, le commerce indirect et le volume du commerce entre les deux rives du détroit se sont rapidement développés. Le Conseil des affaires de la partie continentale (de Taiwan) estime que la croissance continue du volume du commerce entre les deux rives du détroit a excédé 5 milliards $US en 1990, 10 milliards en 1992, 20 milliards en 1995 et 30 milliards en 2000. Le commerce entre les deux rives du détroit s'est développé plus rapidement ces deux dernières années, selon des statistiques de l'Académie des sciences sociales de Chine. En 2003, le volume total du commerce entre les deux rives du détroit a excédé 50 milliards $US, et en 2004, il a atteint 78,3 milliards, ce qui équivaut au volume total du commerce entre Taiwan et l'Europe, et représente un cinquième de plus que le total du volume du commerce extérieur de Taiwan. Les experts estiment qu'en 2006, le volume total du commerce entre les deux rives du détroit dépassera 100 milliards $US, et que l'interdépendance économique entre Taiwan et la partie continentale s’approfondira au cours du processus. Jusqu’en août 2004, les exportations de Taiwan vers la partie continentale et Hongkong, qui sert de canal commercial à bon nombre des exportations de Taiwan vers la Chine, ont représenté environ 36,7 % des exportations totales de Taiwan, et que Taiwan a retiré de la partie continentale une balance commerciale favorable de 50 milliards $US. Depuis 2001, la partie continentale de Chine a surpassé les États-Unis au titre de plus importante destination de l'exportation de Taiwan.