Qikou,
un ancien
bourg au fin fond du plateau de lœss
ZHANG XUEYING
Paysages naturels et paysages humains sont au
rendez-vous et vous feront remonter dans le temps.
  
APPELÉ le " premier bourg sur le fleuve Jaune sinueux ", depuis le
XVIIe siècle, le bourg de Qikou a toujours été animé et prospère
comme port terrestre et naval sur le cours moyen de ce fleuve. On disait que cet endroit était couvert d'or. La société Mobile
et Kong Xiangxi, le magnat financier de Shanghai de cette époque,
y avaient établi une succursale. Or, à partir des années 1940, ce
petit bourg a connu le déclin. Aujourd'hui, toutefois, il possède
encore le plus un grand marché aux confins des provinces du Shaanxi
et du Shanxi.
De Beijing, en une nuit de train vous
arrivez d'abord à Taiyuan, chef-lieu de la province du Shanxi. De
là, en autocar, vous atteindrez le bourg de Qikou en six heures.
Lors de notre visite, nous avons logé à l'hôtel Huanghe, situé
tout près du fleuve Jaune. C'est l'hôtel le plus propre et le plus
confortable du bourg. Une tour se dresse sur son toit, et de là-haut,
on peut admirer le vaste fleuve Jaune et le paysage désolant du
plateau de lœss. Comme les autres habitants du petit bourg, Chen
Youfu, le patron de l'hôtel, est sympathique et hospitalier. Autrefois,
selon lui, cette tour ne servait pas à contempler le fleuve. Les
patrons des boutiques, fort avisés, l'utilisaient pour observer
la quantité des marchandises sur le quai; ils pouvaient ainsi calculer
d'avance le prix qui serait profitable. Adossé à la montagne, le
bâtiment a cinq étages. Avec 40 habitations troglodytes et 33 chambres,
c'est le plus grand hôtel du bourg.
Grâce aux efforts de Chen Youfu, trois
étages ont aujourd'hui été remis à neuf. Les seuls à habiter dans
ce bâtiment sont Chen, 44 ans, sa femme, et ses beaux-parents octogénaires.
Leurs trois enfants font des études dans un pensionnat en ville
et ils ne rentrent que rarement à la maison. Chen, au caractère
décidé et honnête, s'occupe des affaires du ménage, tandis que sa
femme, franche et résolue, travaille à l'extérieur. Cet hôtel a
déjà reçu le vice premier ministre du Conseil des affaires d'État,
de même que des touristes étatsuniens, français, italiens et japonais.
À l'époque où les films de style western étaient en vogue, cet hôtel
a été utilisé comme plateau de tournage. Il est aussi un haut lieu
des étudiants de l'Institut des beaux-arts et de la photographie.
Lorsque, il y a sept ans, Chen Youfu
a acquis ce bâtiment à très bas prix, son intention n'était que
de profiter d'un logement plus vaste; il n'avait pas pensé que ce
bâtiment deviendrait un jour très précieux. D'ailleurs, le projet
de protection des maisons anciennes du petit bourg, élaboré par
le gouvernement provincial, a eu pour conséquence d'augmenter la
valeur de cet hôtel. À partir de 2003, avec l'accroissement du nombre
de touristes dans le bourg, Chen a commencé à équiper cet hôtel
des installations modernes : douche, chasse d'eau, chauffage, lits
confortables, etc. Riche d'une expérience de plusieurs années, Chen
estime que les gens venus des grandes villes, qui ont l'habitude
d'utiliser des installations modernes, sont l'avenir et l'espoir
de l'hôtel.
Chen est issu d'une riche famille de
commerçants, et son arrière-grand-père avait déjà commencé à vendre
des parcelles de terre comme gagne-pain, et son grand-père a lui-même
été obligé de travailler pour la famille de son cousin. Dans les
années 1940, au moment de la réforme du système de la propriété
foncière, les biens de cette famille ont été partagés, et le père
de Chen a reçu la terre et des logements. Pendant la révolution
culturelle des années 1960 et 1970, les trésors de famille du cousin
de Chen ont été saisis; des meubles, des peintures et des vieilles
photos de l'époque des Ming et des Qing ont été brûlées. Les ancêtres
du bourg se sont éteints un à un, et il y a de moins en moins de
jeunes qui s'intéressent à l'histoire. Aujourd'hui, il n'y a que
les grottes, les boutiques et les rues dallées en bon état qui sont
encore le témoignage de l'histoire.
  
Le village de Lijiashan
Si on traverse la rivière Qiushui, à
l'ouest du bourg de Qikou, et que l'on marche pendant une heure
le long de la route qui serpente près de la montagne, on arrive
dans le village de Lijiashan, dans la vallée. Les maisons de ce
village sont les demeures troglodytes les mieux conservées du bourg
de Qikou.
Lijiashan est un petit village. D'après
les géomanciens, ce village, entouré de montagnes et en face d'une
rivière, épouse bien le relief de l'endroit. C'est un lieu heureux
et riche. Les maisons réparties en neuf étages se dispersent sur
le versant de la montagne. Lijiashan compte plus de 800 personnes,
dont la plupart portent le nom de famille Li. La prospérité du bourg
de Qikou d'antan a entraîné le développement du village de Lijiashan.
Beaucoup de villageois y ont fait du commerce et y ont travaillé.
Selon les registres, à cette époque-là, des commerçants venus du
village avaient ouvert des boutiques dans le bourg. D'après la coutume
locale, la femme ne devait pas travailler dans la boutique de son
mari, par crainte de dissiper la richesse. Elle devait rester au
village. Ayant gagné de l'argent, ces commerçants n'ont pas oublié
de construire des maisons à l'aspect imposant. La résidence de Dongcaizhu
(riche de l'Est) et la résidence de Xicaizhu (riche de l'Ouest)
sont les constructions les plus connues du village.
La résidence de Dongcaizhu, construite
en 1866, est une maison à deux étages. La porte de la cour est richement
ornée. Sur les chambranles de la porte, les sculptures relatant
l'histoire de la licorne chinoise, animal légendaire, sont particulièrement
remarquables. Dongcaizhu espérait que le bonheur de sa famille se
perpétue. Ce qui est surprenant, c'est que les sculptures ont encore
un aspect bien vivant et parfait. Le maître de cette maison habite
déjà à la ville, et la porte de la maison est bien close. On dit
que Xicaizhu a prospéré lorsque Dongcaizhu a connu le déclin. Le
point le plus important de cette résidence est son étable qui rappelle
l'histoire de la caravane de chameaux de la famille Li. Li Quansheng
et Li Haiping, son cousin, sont les maîtres de cette résidence d'aujourd'hui.
  
L'histoire typique d'une famille Li
Li Quansheng a appris l'histoire de la
décadence de sa famille auprès des vieillards de l'endroit; celle-ci
a eu lieu au milieu du XIXe siècle. En effet, un parent a ruiné
la réputation commerciale de sa famille et dès lors, la vie de cette
dernière a changé. Elle a dû assurer sa subsistance en cultivant
des jujubiers, ce qui rapportait à sa famille un peu de ressources
financières. Depuis les huit ans que Li Quansheng cultive des jujubiers,
c'est en 2004 qu'il a obtenu la meilleure récolte. Peu de pluie
à l'époque de la fructification et peu d'insectes.
Depuis l'ouverture et la réforme de la
Chine en 1980, des jeunes hommes ont quitté le village pour aller
travailler dans d'autres endroits. Li Quansheng, prudent de nature,
n'avait jamais pensé à partir. Il se sentait rassuré en possédant
la terre et la maison. Il excelle dans le maniement des instruments
de musique, et Yang Yanmei, sa femme, est aussi une chanteuse connue
dans cette région. Elle a gagné un prix lors du premier concours
des chanteurs paysans organisé par la province. Chaque année, ce
couple gagne quelque 1 000 ou 2 000 yuans en participant aux cérémonies
de mariage et de funérailles. C'est l'une des sources d'argent de
la famille. Il loue aussi une partie de sa maison aux étudiants
peintres. À cela s'ajoute aussi le revenu de la culture des jujubiers.
Grosso modo, il gagne presque 5 000 yuans chaque année. Il était
un homme satisfait.
Mais depuis 2003, il ne peut plus tenir
bon. Son fils cadet, qui fait des études dans la meilleure école
du district, doit passer l'examen d'entrée à l'université. Pour
payer ses frais d'études, il doit gagner plus d'argent, même au
prix de vendre les espaces troglodytes de sa maison. Son fils est
l'espoir de sa famille, la terre et les jujubiers le sont aussi.
Pourtant, une averse a détruit les jujubiers qui étaient en train
de fructifier, rendant la situation sans issue. Pendant la saison
morte, il doit donc se rendre dans le district pour travailler comme
cuisinier, et il y gagne plus de 1 000 yuans par mois. Presque tous
les jeunes hommes du village sont partis pour travailler en ville
et s'y sont même installés. Il reste seulement des femmes et des
enfants dans le village. Certaines demeures troglodytes se sont
écroulées à cause du vent dans la montagne. Le fils cadet de Li
Quansheng n'éprouve aucun attachement à la terre de lœss où ses
aïeux ont vécu, car son seul espoir est d'entrer dans une université
et de trouver un emploi dans la grande ville.
Tout est en train de changer dans le
village. Les villageois peuvent utiliser l'eau courante sans avoir
besoin de faire une demi-heure de marche pour chercher de l'eau
dans la vallée. L'élévation du niveau de vie a réduit les activités
de commémoration des aïeux. Cependant en 2002, plus de 70 membres
de la grande famille Li ont rassemblé des fonds pour construire
un temple des ancêtres dans le meilleur endroit de la montagne.
Les aïeux sont les intermédiaires entre eux et la nature.
  
Annexe 1 :
Le petit bourg de Qikou, adossé
au mont Wohu, fait face au fleuve Jaune. Il est constitué
d'une rue principale, le long du fleuve Jaune, et de la rivière
Qiushui et de treize ruelles verticales. La rue principale,
large de 4 à 5 m, est bordée d'un côté de boutiques construites
au pied de la montagne, et de l'autre, coule le fleuve Jaune
houleux. La rue est surélevée de 5 ou 6 mètres par rapport
au niveau du fleuve. Pour la sécurité, on a construit une
murette basse en bordure de la rue, et il y a des quais à
intervalle au bord du fleuve. Dans le bourg, la plupart des
architectures sont des maisons à cour carrée et des maisons
troglodytes. Sur le versant assez escarpé de la montagne,
les grottes sont creusées en plusieurs étages, six étages
au plus. En les regardant au loin, on découvre un charme rustique
et grandiose.
À l'époque où le transport n'était
pas développé, le fleuve Jaune qui coulait en bas du bourg
de Qikou était une grande artère économique qui reliait la
Chine du Nord-Ouest et la Chine du Nord. Mais parfois, les
bateaux de marchandises subissaient des accidents dans le
cours d'eau qui coulait au-dessous du bourg, ce qui a permis
à ce dernier de devenir le terminus du transport fluvial du
cours supérieur et moyen du fleuve Jaune. On était obligé
de décharger le bateau de marchandises et de reprendre son
chemin par voie terrestre. À cause de cela, à la fin de la
dynastie des Ming et du début de la dynastie des Qing, les
familles Chen, Li, Cui et Cheng sont devenues de riches commerçants.
Le développement rapide de l'économie
enregistré durant la période des empereurs Kangxi et Qianlong
a fait prospérer le bourg de Qikou. En tant que centre commercial
et de transit pour le transport fluvial et terrestre, un grand
nombre de bateaux de marchandises ont mouillé dans ses quais.
Mais aujourd'hui, on ne fait que se rappeler cette scène impressionnante.
Les commerçants du bourg s'occupaient principalement des affaires
liées aux céréales, à l'huile, au sel, à la fourrure, aux
plantes médicinales et à la banque. Toutes sortes de marchandises,
produites au Nord-Ouest, étaient transportées par voie fluviale,
et à partir de ce bourg, transportées à dos de cheval et de
chameau dans tout le pays, alors que la soie, le thé, le vin,
les cigarettes, ainsi que les articles d'usage courant, en
partaient pour le Nord-Ouest. On dit qu'à cette époque-là,
plus de 2 000 manutentionnaires travaillaient aux quais, et
que plus de 1 000 chevaux et chameaux transportaient des marchandises.
À l'époque de sa prospérité, le
bourg comptait 380 sociétés, et son envergure s'est agrandie.
La rue principale, en forme de " L ", s'étirait
sur 2,5 km et était divisée en trois parties. Le bord de la
rivière Qiushui en formait la première et la deuxième; la
première partie était occupée par le restaurant, le bar et
l'hôtel, et la deuxième était destinée à la vente de la soierie
et des articles d'usage courant. De grandes sociétés se réunissaient
dans la troisième partie de la rue longeant le fleuve Jaune.
Pourtant, tout cela a été détruit
en 1938. Pendant la Résistance contre le Japon, l'armée japonaise
a attaqué le bourg de Qikou, et son économie et sa construction
ont été sabotées. Beaucoup de commerçants ont quitté le bourg
pour fuir la guerre, et ils ne sont jamais revenus.
Une calamité naturelle vient toujours
avec un malheur humain. À partir des années 1930 et jusqu'aux
années 1950, certaines rues ont été détruites par les crues
du fleuve et de la rivière, et il n'est resté que la moitié
de la rue principale. Après la fondation de la Chine nouvelle,
la stabilité de courte durée a rapporté au bourg une nouvelle
prospérité, mais peu de temps après, l'État a commencé à pratiquer
l'économie planifiée et le monopole d'État sur les achats
et les ventes des céréales et du tissu en coton. Depuis lors,
le commerce du bourg a décliné peu à peu.
Situé dans la région de Lüliang,
province du Shanxi, le bourg de Qikou est séparé du district
de Wubao de la province du Shaanxi par le fleuve Jaune. Le
bourg de Qikou se trouve à 230 km de la ville de Taiyuan,
chef-lieu de la province du Shanxi, et à 48 km de la ville
de Lishi, chef-lieu de la région de Lüliang.
Transport : Vous pouvez
partir ou bien de la ville de Taiyuan, ou bien du district
de Linxian. Chaque jour, un autocar part à 5 h30 du bourg
vers Taiyuan et en revient à 12h30. Le trajet dure six heures
et le prix d'un billet est de 40 yuans. Vous pouvez aussi
vous rendre à ville de Lishi et descendre à la gare de l'Ouest
pour changer d'autocar. Jusqu'à 16 h, chaque jour, il y a
un autocar pour la ville de Lishi à chaque demi-heure. Le
trajet dure quatre heures et le prix du billet est de 40 yuans.
Chaque jour, à la gare de Lishi, il y a plusieurs autocars
pour le bourg de Qikou. Le trajet dure deux heures et le prix
d'un billet est de 8 yuans. Vous pouvez aussi vous rendre
en voiture en partant de la route Jinci, province du Shanxi,
et en prenant l'autoroute Taiyuan Fenshui ou la route nationale
nº 307 pour aller au bourg de Qikou. Le tronçon du district
de Zhongyang et le tronçon de la route montagneuse Lishi-Qikou
de la route nationale nº 307 sont dangereux. Il vaut mieux
conduire prudemment.
Hébergement :
Hôtel Huanghe : au choix,
de 5 yuans à 125 yuans par lit. Le prix de la nourriture varie
selon la qualité et la quantité. Directeur : Liu Zhenjin.
Tél. : 0358-4466008
Hôtel Guzhen, situé à l'est
du bourg de Qikou. Cet hôtel est équipé de kang (lit en adobes)
et de chauffage, et les WC sont à ciel ouvert. 5 yuans par
personne.
Foyer de Huanghe, situé
au centre du bourg. Il reçoit principalement les étudiants.
Le Foyer, dont le patron est un homme originaire de la ville
de Taiyuan, est fermé en hiver.
Auberge Changxing, située
au centre du bourg. Elle fournit des chambres ordinaires et
des chambres avec kang, et le chauffage. 30 yuans par personne.
Directeur : Li Shixi. Tél. : 0358-4466092
Sites touristiques : l'ancien
bourg et les sites naturels environnants.
Village de Xiwan : Une fois
que vous êtes arrivé dans le bourg, les maisons constituent
l'attrait principal, dont la résidence de la famille Chen.
C'est un groupe de constructions caractéristiques constituées
de trente cours en enfilade reliées par de petites portes.
On peut visiter toute la maison en entrant par n'importe quelle
porte. Près de la résidence de la famille Chen, il y a aussi
les maisons de Gaojiaping, de Zhaoxianzhen et de Sunjiaguo
qui méritent d'être visitées.
Le temple Heilong : C'est
une architecture à cour carrée. Dans la salle principale,
on offre des sacrifices au roi Dragon, aux divinités du Vent
et du Fleuve. À l'époque, les commerçants avaient fait construire
ce temple avec l'argent rassemblé afin d'implorer la sécurité
du transport fluvial et la prospérité du commerce. On donne
aussi des représentations théâtrales dans le temple Heilong.
On dit que l'acoustique est exceptionnelle dans ce temple.
À très grande distance, même de l'autre côté du fleuve, dans
la province du Shaanxi, on peut entendre le chant de l'artiste.
Autrefois, pendant la fête, les gens s'y réunissaient pour
assister à des représentations de théâtre. Les loges des deux
côtés de la scène étaient réservées aux commerçants riches.
Vous pouvez visiter cet ancien
bourg en toutes saisons, surtout à l'automne, au moment de
la récolte des jujubes. À la mi-septembre, chaque année, vous
pouvez assister aux activités folkloriques du festival touristique.
Zhang Shuyuan, un artiste aveugle donne des représentations
intéressantes. Vous pouvez admirer le paysage du fleuve Jaune
ou vous rendre dans la province du Shaanxi en bateau à moteur
ou en vedette. La dégustation du jujube, spécialité du bourg,
et l'achat de pierres du fleuve Jaune, un souvenir local,
ajouteront sûrement beaucoup d'intérêt à ce voyage agréable.
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