Quatre ponts
célèbres de
la Chine
antique
HUO
JIANYING
  
Récemment,
l'homme vient de signer un autre exploit d'ingénierie auquel on
accole tous les superlatifs : le viaduc de Millau. Il y a longtemps,
des Chinois de talent s'adonnaient aussi à la conception d'ouvrages
qui sont passés à l'histoire.
 
LES quatre ponts de la Chine antique,
que tous reconnaissent comme des chefs-d'œuvre de construction,
sont les ponts Lugou, Zhaozhou, Guangji et Luoyang. Mais parler
de ces ponts magnifiques, c'est aussi évoquer les ingénieurs de
grande valeur qui les ont construits.
Le pont Lugou (aussi appelé Marco
Polo)
  
Construit sous la dynastie des Jin (1115-1234),
le pont Lugou enjambe la rivière Yongding sur une distance de 266
m, preuve éloquente de la cote d'alerte que fixait cette rivière.
La façon dont le pont est construit met bien en valeur son architecture,
sa structure et ses superbes sculptures.
Aujourd'hui, lorsqu'on admire ce pont
splendide, on ne peut ignorer certains faits historiques ni s'empêcher
d'évoquer Marco Polo. Au XIIIe siècle, ce dernier a quitté sa ville
natale, Venise, et a atteint la Chine pour la première fois. Ce
grand voyageur italien y a d'ailleurs laissé sa marque à bien des
endroits.
Marco Polo est rentré à Venise en 1295,
après un périple de 24 ans qui l'avait conduit, avec son père Nicolo
et son oncle Maffeo, à travers l'Asie centrale jusqu'à la Chine
et Beijing (alors Khanbalik). C'est trois ans plus tard, en 1298,
qu'il a dicté en français le récit de ses voyages.
Marco Polo a raconté ce qu'il avait vu
ou ce dont il avait entendu parler. Il a livré des anecdotes et
a insisté sur la vie quotidienne des peuples visités et leur religion,
de même que sur les combats qu'ils se livraient. Il a noté aussi
les activités économiques des pays traversés, a décrit leur faune
et leur flore, de même que l'allure de leurs villes ...
Certains de ses récits de voyage sont des œuvres riches d'informations
touristiques, dont Itinéraire par le Proche Orient, l'Asie Mineure
et l'Asie centrale vers Cathay; Séjour dans l'empire de Cathay;
et Itinéraire par la voie maritime de l'Asie du Sud-Est, et par
l'Inde jusqu'en Asie Mineure. Ces récits ont aidé les Occidentaux
à mieux connaître la Chine et d'autres pays de l'Orient.
En cours de ses voyages, lorsqu'il a
arrêté ses pas sur les rives de la rivière Yongding, il a été ébahi
par le raffinement de la construction du pont Lugou. Ainsi, dans
son Livre des merveilles, il a écrit : " Un joli pont enjambe
la rivière Yongding. Son mode de construction le met bien en valeur.
À vrai dire, son architecture, sa structure et ses superbes sculptures,
rarement vues, sont inégalées dans le monde. "
Depuis toujours, la rivière Yongding,
située en banlieue ouest de Beijing, déverse ses eaux dans la région
de Beijing et provoque des inondations. D'après les statistiques,
de la dynastie des Jin (1115-1234) jusqu'en 1949, la digue de cette
rivière s'est rompue 140 fois en 834 ans; d'ailleurs, seulement
sous le règne des Qing (1644-1911), elle l'a fait 68 fois en 268
ans, soit une inondation tous les quatre ans. En 1626, sixième année
du règne de l'empereur Tianqi des Ming, la rivière Yongding a débordé
et s'est engouffrée par l'ouest de la ville, a suivi le canal impérial
et a fait sauter les cinq écluses en direction du district de Tongzhou;
sur son passage, elle a donc submergé quantité d'habitations. En
1890, sous le règne de l'empereur Guangxu des Qing, la rivière a
débordé encore une fois et a submergé l'est, le nord et le sud de
Beijing; elle a encore une fois détruit beaucoup de bâtiments. On
comprend donc pourquoi on a toujours porté attention à cette rivière.
C'est en 1189 que l'empereur Shizong des Jin a donné l'ordre de
construire le premier pont de pierre. Le travail a été achevé trois
ans plus tard, soit en 1192, et on lui a donné son premier nom officiel
: Guangli. Le pont a 266 m de long et comprend onze arches en pierre
sur pilotis de cyprès. De chaque côté de la chaussée court une balustrade
comprenant 140 colonnettes surmontées de près de 500 lions, tous
différents. À l'extrémité de chaque balustrade, on a disposé des
éléphants de pierre semblant soutenir le pont. Aux extrémités du
pont, des pavillons, jadis couverts de tuiles jaunes, protègent
des stèles impériales. L'une commémore la restauration de 1698,
l'autre porte l'inscription " La lune du matin sur le Lugou
Qiao ". Sous la dynastie des Jin, ce paysage avait été classé
parmi les huit sites de Yanjing (ancien nom de la ville de Beijing).
Après plus de 800 ans, ce pont est toujours en bon état. À l'aube,
sous la lune, le beau paysage du pont dessine un contraste qui charme
les yeux.
Le pont de Zhaozhou
 
À une quarantaine de kilomètres au sud-est
de Shijiazhuang se trouve la ville de Zhaoxian (anciennement Zhaozhou).
À trois kilomètres au sud de la ville, sur la rivière Xiaoshui,
se dresse le pont de Zhaozhou (Zhaozhou qiao), d'une longueur de
50,82 m; on le nomme aussi pont de la Grande Pierre (Dashi qiao)
ou pont du Passage sûr (Anji qiao).
Ce pont est remarquable par l'audace de sa conception technique
et l'élégance de ses lignes. Selon les dires des gens, il serait
l'une des trois merveilles du Hebei, avec le lion de Cangzhou et
la statue de Bodhisattva Guanyin à Zhengding. La légende raconte
que Lu Ban, artisan génial de l'époque des Royaumes combattants,
aurait construit ce pont en une seule nuit. Cette même légende prétend
aussi qu'au matin, l'un des Huit Immortels se serait présenté avec
un acolyte pour mettre le pont à l'épreuve. Il aurait été à dos
de mule et, pour faire beaucoup de poids, il aurait dissimulé le
soleil et la lune dans son sac; quant à son acolyte, il aurait poussé
une charrette contenant les cinq montagnes sacrées de la Chine.
Le pont aurait résisté, mais Lu Ban aurait été obligé de le soutenir,
si bien que l'empreinte de ses mains serait restée visible sous
la voûte. Encore aujourd'hui, on montre les traces laissées sur
le pont par les sabots de la mule et l'une des roues de la charrette.
En fait, le pont a été construit sous
la dynastie des Sui, entre 605 et 617. À cette époque, de grands
travaux avaient été entrepris pour améliorer les voies de communication
dans l'empire, c'est-à-dire pour concrétiser sa réunification politique
alors toute récente. Du constructeur du pont, nous ne connaissons
que le nom : Li Chun. Son art lui a permis de concilier admirablement
les exigences les plus contradictoires. En effet, il fallait tout
d'abord que le pont soit le moins voûté possible, pour que les chars
de l'armée impériale puissent le franchir sans peine. Par ailleurs,
il fallait aussi que, même en le voûtant moins, il ne prête toujours
pas flanc aux crues redoutables de la rivière. De plus, l'ouvrage
devait être à la fois léger, à cause de l'arche unique surbaissée
(d'une portée de 37,37 m et d'une hauteur de 7,2 m). Par son ouvrage,
Li Chun a résolu la question de la solidité et celle des communications
routières. En construisant deux couples de petites arches secondaires
aux deux extrémités du pont, il a diminué la vulnérabilité du pont
aux crues, allégé la construction et donné à l'ensemble une élégance
consommée. L'arche principale se compose de 28 arches parallèles
accolées les unes aux autres. La cohésion de leurs éléments est
renforcée par un système de chevilles de fer. En concevant le pont
de Zhaozhou, Li Chun a créé un type de pont plat très imité par
la suite, parce qu'il est particulièrement bien adapté aux exigences
de la Chine du Nord, pays de plaines où les transports s'effectuent
par voie terrestre (contrairement à la Chine du Sud, où les transports
se font traditionnellement par voie d'eau et où les ponts, pour
laisser passer les jonques, doivent être arqués).
Depuis sa construction jusqu'à nos jours,
le pont de Zhaozhou a été en service sans interruption. Il a été
réparé à cinq reprises, dont une fois vers 1900, puis de nouveau
avec beaucoup de soin, de 1955 à 1958. En 1953, on a retrouvé plusieurs
parties de la première balustrade du pont dans le lit de la rivière.
Elles portaient de magnifiques bas-reliefs de l'époque de la dynastie
des Sui, lesquels illustrent des dragons hautement stylisés et d'autres
animaux. Le pont est classé monument historique.
En 1991, un ingénieur des États-Unis,
spécialiste en travaux publics, a acquis la conviction que le pont
de Zhaozhou est le douzième vestige historique des " Travaux
publics internationaux ". Il a offert une médaille en cuivre
portant la gravure " Li Chun " en chinois et en anglais;
il a aussi fait ériger une stèle commémorative tout près du pont.
Cet ingénieur a ainsi attesté qu'en matière de travaux publics,
le pont de Zhaozhou se place au même rang que les pyramides d'Égypte,
le canal de Panama, la tour Eiffel, etc.
Le pont Guangji
Située dans la province du Guangdong, la ville de Chao'an se trouve
au nord-ouest de Shantou, sur la rive droite de la rivière Han;
les deux villes sont reliées par bateau. Chao'an était un centre
commercial prospère. À proximité de la ville, près de la porte de
l'Est, on peut voir le célèbre pont Guangji (Guangji qiao) -aussi
appelé pont Xiangzi (Xiangzi qiao)-, qui fut construit au XIIe siècle
sous la dynastie des Song (960-1279). Plus de 200 ans après sa construction,
on a allongé les deux extrémités riveraines pour y construire des
habitations et des pavillons. De plus, le pont mobile, qui fut construit
plus tard au milieu de la rivière, a constitué alors un nouvel exploit
technologique dans la construction des ponts. Du haut de la colline
Hulushan, située à proximité d'un petit lac dans le nord-est de
la ville, on a une très belle vue des environs.
Le pont de Luoyang

Le célèbre pont de Luoyang (Luoyang qiao) -aussi appelé pont Wan'an
(Wan'an qiao)- se trouve à proximité du district de Hai'anjiang,
au nord-est de Quanzhou, dans la province du Fujian. Il a été construit
sous la dynastie des Song, entre 1053 et 1059. Son large tablier
repose sur 47 piles et permet de franchir le bras de mer Luoyang.
Cai Xiang (1012-1067), calligraphe renommé et bon fonctionnaire
sous cette dynastie, a assumé la responsabilité de la construction
de ce grand pont.
Ce grand homme s'était toujours montré
passionné par les études dès son jeune âge. Devenu fonctionnaire,
il était diligent et consciencieux dans son travail. Il est retourné
plus tard dans sa ville natale de Quanzhou et y a assumé les fonctions
de gouverneur de commanderie.
Quanzhou est une ville portuaire depuis
l'Antiquité. C'est immédiatement après avoir traversé Quanzhou que
le fleuve Luoyang se jette dans la mer. Autrefois, à l'embouchure
de ce fleuve, on y avait transporté l'embarcadère Wan'an pour permettre
l'embarquement des voyageurs et des marchandises des deux rives.
Toutefois, les bacs subissaient souvent des avaries en raison des
tempêtes et des marées. Pour conjurer ces malheurs, Cai Xiang était
résolu à construire un tablier reposant sur des piles, lequel permettrait
de franchir le bras de mer Luoyang; ce grand pont d'une longueur
de 1, 2 km et d'une largeur de 5 m fut ainsi construit sur 47 piles.
Des deux côtés, 500 balustrades, sept pavillons et neuf tours jouent
aussi un rôle ornemental. Les deux rives du fleuve ont été aménagées
en espaces verts.
Un an après la construction du pont de
Luoyang, Cai Xiang fut rappelé par l'empereur à Bianliang (aujourd'hui
Kaifeng du Henan). Une inscription de 153 caractères chinois sur
une stèle indique bien la date d'inauguration du pont, ses dimensions
et le nom des responsables. En respectant l'opinion de M. Cai, les
habitants de Quanzhou n'y ont pas inscrit son nom, mais la construction
de son temple révèle les exploits immortels qu'il a accomplis dans
la construction de ce pont.

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