Février 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Quel impact a l'économie chinoise

sur sa population?

LUO YUANJUN

Un constat alarmant dans deux domaines qui concernent de près la population : l'alimentation et l'habitation. Fort heureusement, le gouvernement a décidé de mettre en place rapidement des mesures correctives.

L'atterrissage en douceur de l'économie signifie le ralentissement d'une économie en surchauffe vers un taux de croissance plus modéré. En apparence, cela semble être un redressement macroéconomique qui concerne l'État, sans relation avec les gens ordinaires. Or, une surchauffe de l'économie exerce un fardeau sur la vie quotidienne de la population, alors que le ralentissement contrôlé peut lui apporter un avantage réel.

Ces dernières années, la hausse des prix de céréales n'a pas apporté d'avantages économiques aux paysans. Pourtant, elle a influencé de façon défavorable la vie de millions de familles à revenu moyen ou bas. Cette hausse des prix des céréales a réduit également le revenu des travailleurs paysans.  Depuis le redressement macroéconomique effectué fin 2004 par le gouvernement, le prix des céréales a commencé à baisser. L'an 2005 sera une année clé pendant laquelle l'économie chinoise atterrira en douceur.

L'alimentation

La hausse des prix de l'alimentation a caractérisé la vie économique en 2004. Selon les chiffres publiés par le Bureau d'État des statistiques de Chine le 13 septembre 2004, le prix de céréales aurait augmenté de 31,8 %, le prix de l'huile, de 22,5 %, la volaille et ses produits, de 23,5 %, les oeufs, de 30,3 %, les produits aquatiques, de 15,6 %, les légumes, de 5,8 % le mois précédent. De toute évidence, des augmentations de cette ampleur sont alarmantes, quelle que soit la norme à partir de laquelle on les juge.

Ces dernières années, comme le prix des produits agricoles a été bas et que les coûts de production ont augmenté sans arrêt, les paysans ont enregistré des pertes. Dans certains secteurs, des paysans ont quitté la terre à la recherche d'un autre gagne-pain. À cette situation se sont ajoutées des catastrophes naturelles, et la production de céréales a été réduite durant des années consécutives; afin de garder l'équilibre, on a donc dû s'appuyer sur les stocks pour l'approvisionnement en céréales. Le prix des céréales a ainsi augmenté continuellement, ce qui a entraîné la hausse des prix à la consommation et a accru la pression inflationniste.

Pour encourager les paysans à rester sur la terre, le gouvernement a pris des mesures de réduction fiscale et d'augmentation des subventions; à travers ces mesures, la situation s'est améliorée. Il n'y a pas si longtemps, les paysans étaient disposés à payer quelqu'un d'autre pour cultiver leurs parcelles de terre et à profiter de leurs  récoltes, tandis qu'eux allaient à la ville pour travailler dans le secteur non agricole. Beaucoup sont maintenant revenus à leur terre.

Comme le confirme un paysan de la province de l'Anhui, les hausses du prix des céréales rapportaient beaucoup plus aux négociants qu'aux paysans. Il demande : " Comment les paysans peuvent-ils prendre le dessus sur les négociants, alors que leur plus grand accès à l'information du marché les rend tellement plus perspicaces que nous ne pourrions jamais oser espérer l'être? Si le gouvernement veut nous en donner les bénéfices, à nous les paysans, la manière la plus efficace est de verser une subvention directe. "

Parallèlement, les hausses du prix des céréales ont asséné un dur coup aux citoyens à faible revenu. Vers la fin de 2003, le nombre de résidants urbains assurant leur subsistance d'une allocation du gouvernement a grimpé à 22,468 millions. Pour ces habitants urbains à faible revenu, la hausse du prix des céréales a eu un effet désastreux. Le 1er juillet 2004, afin de maintenir le statu quo et d'alléger la situation difficile de ces gens, le gouvernement municipal de Beijing a mis en application des politiques d'assistance sur des articles particuliers, tout en maintenant l'allocation mensuelle de minimum vital de 290 yuans par personne.

Les travailleurs paysans embauchés pour du travail temporaire se sont encore moins bien tirés d'affaire que les résidants urbains à faible revenu. En 1993, à Guangzhou, Bao Richang avait trouvé un travail de garde de sécurité offrant un salaire mensuel de 600 yuans. Il considérait ce salaire comme juste pour ce travail propre, pas trop exigeant et régulier. En 2003, son fils Bao Ming est venu le rejoindre de sa ville natale. Toutefois, il a refusé le travail de garde de sécurité que Bao Richang avait convenu pour lui au même salaire de 600 yuans. Et il explique ainsi son refus : " Il y a dix ans, un repas coûtait seulement deux yuans, alors qu'il en coûte cinq yuans aujourd'hui. Combien me resterait-il sur ces 600 yuans? Je ne serais pas mieux qu'à cultiver la terre à la maison. "

Selon une enquête récente du Syndicat provincial de la province du Shanxi, les travailleurs paysans du Shanxi sont embauchés surtout pour effectuer des travaux manuels dangereux ou durs, tel que dans les mines ou la construction. Leurs salaires mensuels sont bas : 8,6 % d'entre eux gagnent moins de 300 yuans par mois, 24,3 % entre 300 et 500 yuans, le salaire minimum en 2004 . En 1978, le coefficient d'Engel des familles paysannes était de 67,7 %, et celui des familles urbaines, de 57,5 %. En 2003, les proportions se sont réduites à 45,6 % et 37,1 %, au moment où la consommation des Chinois, surtout ceux des villes, a effectué la transition du simple niveau de subsistance pour la nourriture et le vêtement vers le luxe.

Selon une enquête effectuée au Henan, au premier semestre de 2004, le niveau de consommation des habitants a augmenté de 5,6 % par rapport à celui de la même période de l'année précédente. Cette hausse est causée par une dépense plus grande pour l'alimentation que pour les produits non alimentaires. Étant donné que les prix des aliments ont augmenté, la consommation des citadins s'est orientée davantage vers les dépenses liées aux nécessités courantes, ce qui a fait augmenter le coefficient d'Engel et imposer un fardeau plus lourd aux familles à faible revenu.

L'augmentation des prix des produits agricoles, causée par les baisses continues des rendements agricoles au pays et des prix plus élevés du marché international, a entraîné la hausse des produits de consommation et posé une plus grande menace inflationniste. Afin de réaliser un atterrissage en douceur de l'économie et contrer la hausse des prix en 2005, le gouvernement chinois doit procéder à un redressement économique d'ensemble.

Habitation

La surchauffe des investissements dans l'immobilier constitue l'un des facteurs principaux de la surchauffe de l'économie. Si on ne peut garantir le droit à l'habitation des gens à revenu faible ou moyen, le gouvernement chinois devra faire face à des problèmes sociaux sérieux. En octobre 2004, la hausse des taux d'intérêt annoncée par la Banque centrale de Chine, la première fois, en neuf ans, a réfréné quelque peu l'investissement immobilier. Beaucoup de citoyens chinois espèrent qu'en 2005, le prix de l'habitation redeviendra raisonnable.

Hou Jun, 34 ans, travaille dans un bureau du gouvernement. Elle est toujours célibataire parce qu'elle n'a pas été capable d'économiser suffisamment d'argent à partir de son salaire mensuel de 2 500 yuans pour acheter son propre logement. Originellement, elle avait arrêté son choix sur des appartements situés dans la banlieue ouest de la ville et dont le prix était de 4 000 yuans/m2, mais à la deuxième étape de commercialisation du projet, le prix des appartements avait grimpé à 6 000 yuans/m2, ce qui était bien au-delà de ses moyens. Elle ne sait plus quoi faire. Les projets d'habitation de ce type sont beaucoup trop chers, et elle est réticente à prendre part à la cohue pour l'obtention d'appartements à prix modique subventionnés par le gouvernement.

En revanche, les gens mieux nantis sont favorables aux prix élevés qui ont cours sur le marché de l'immobilier. Lors d'un colloque à Nanjing, l'économiste Wang Jian a révélé des prévisions audacieuses dans un discours qu'il prononçait pour l'occasion : " De manière prudente, on peut dire que dans dix ans, le prix des logements dans les grandes villes comme Beijing, Shanghai et Nanjing aura triplé; de manière optimiste, il aura quintuplé. " Un entrepreneur a alors rétorqué : " Je suis heureux d'entendre ces paroles si encourageantes, mais je regrette de n'avoir pas pu voir le vent venir, j'aurais acheté davantage de maisons." Les gens moins favorisés ne partagent pas la même opinion.

Par exemple, si Hou Jun veut acheter un logement de 80 m2 à 6 000 yuans/m2, cela veut dire mettre de côté 10 000 yuans par année pendant 50 ans. Sans aucun doute, les prix actuels des logements sont trop élevés par rapport au revenu des habitants.

Les prix élevés dans le secteur immobilier sont causés par trois facteurs principaux. Le premier touche la croyance traditionnelle voulant qu'en ce qui concerne les avoirs familiaux, l'immobilier soit le meilleur investissement, car les actions boursières peuvent se dévaluer, mais la brique et le mortier ne le feront pas, bien au contraire. Deuxièmement, sur le plan de la mise en marché, l'urbanisation accélérée de la Chine a fait augmenter la demande pour l'habitation, et la promotion immobilière galopante qu'effectuent les promoteurs dans les médias a favorisé la hausse des prix dans le marché. Finalement, le troisième et le pire facteur touche les récents rapports publiés selon lesquels certains organismes d'investissement étrangers auraient injecté " de manière cachée " de fortes sommes d'argent dans le marché chinois de l'immobilier, engendrant ainsi une bulle immobilière en Chine. Le rapport conclut que le développement sain du marché immobilier chinois aurait donc été influencé par cet organisme étranger dont l'intention était de créer une bulle immobilière représentant des retombées fort lucratives.

Règle générale, un secteur ayant une croissance saine et stable n'est pas le témoin d'un afflux d'investissement social dans une courte période de temps, car une telle situation indique une chance accrue de fluctuations au sein du secteur. À la fin de novembre 2004, l'Institut de recherche économique de la Commission d'État pour le développement et la réforme a publié un rapport intitulé : Ajuster la politique monétaire et alléger le resserrement des fonds. Le rapport révèle que plus de 100 milliards $US de capitaux flottants venant de l'étranger sont entrés sur le continent chinois. Il déclare : " Au premier semestre de 2004, la dette étrangère a augmenté de 16 %, pour atteindre plus de 200 milliards $US, et 50 % de celle-ci est une dette à court terme d'une nature semblable à ces capitaux flottants. " Selon les statistiques, l'immobilier est un pôle pour ces capitaux flottants étrangers.

Depuis cinq ans, Hangzhou se classe au troisième rang pour ce qui est de la hausse du prix du logement parmi 19 villes et municipalités relevant des autorités provinciales et préfectorales. Dès 1999, le marché immobilier de Hangzhou a connu une augmentation des investissements et des ventes, et les consommateurs locaux ont continué à manifester un fort pouvoir d'achat. Le taux de croissance des prix a été de 30 % ces cinq dernières années.

Pour refroidir la surchauffe immobilière, le premier janvier 2004, la municipalité de Hangzhou a commencé à percevoir 20 % de taxe d'affaires sur l'achat de logements de seconde main. Cependant, cette politique a pris fin le 1er septembre suivant. Paradoxalement, cette taxe encourageait la hausse des prix, car les vendeurs remboursaient sous la table le montant de la taxe aux acheteurs.

Le cas de Hangzhou démontre la nécessité d'un atterrissage en douceur. L'économie du marché est une économie organique, au sein de laquelle la mise en place de certaines politiques ponctuelles n'arrive pas à résoudre des problèmes particuliers. Il faut réaliser un atterrissage en douceur de l'économie pour contenir la surchauffe économique d'ensemble.

Actuellement, 72 % des citadins possèdent leur logement, et beaucoup de gens estiment qu'une baisse des prix immobiliers engendrerait des pertes, surtout pour ceux qui ont emprunté de l'argent à la banque. Mais, règle générale, tous comprennent que les prix des biens immobiliers doivent être refrénés, surtout lorsqu'on songe que Hongkong a été l'épicentre de la crise financière en Asie.

Comme le dit le docteur Yin Zhongli de l'Académie des sciences sociales de Chine : "À court terme, la spéculation immobilière peut vraiment stimuler la croissance économique, mais à long terme, cette stimulation ressemble beaucoup à un découvert et ne peut créer une véritable prospérité économique." 

Document

Les sept périodes de surchauffe économique depuis

la fondation de la Chine nouvelle

Depuis la fondation de la Chine nouvelle, le pays a connu sept surchauffes économiques et chacune d'elles a entraîné de fortes pertes. Avant la réforme et l'ouverture, il y en a eu trois : le taux de croissance économique a atteint 21,3 % en 1958, 18,3 % en 1964 et 19,4 %1970. Ces trois surchauffes ont toutes engendré une croissance économique négative. Prenant l'exemple des fluctuations de 1958 à 1962, à la suite d'un pic de croissance en 1958, l'économie chinoise a enregistré une croissance négative pendant trois années (1960-1962), avec un taux de croissance de moins 29,7 % en 1961, un écart de croissance de 51,7 %. La première période de surchauffe a retardé de sept ans le développement de l'économie chinoise, et ce n'est qu'en 1964 que la Chine a pu retrouver le niveau économique enregistré en 1957. Lors des quatre autres surchauffes, les pics de taux de croissance ont été plus faibles que les trois autres, mais ils se sont aussi maintenus à un niveau élevé : 11,7 % en 1978, 15,2 % en 1984, 11,6 % en 1987 et 14,2 % en 1992. Une croissance négative n'a pas suivi, mais des baisses ont été inévitables. La réponse du gouvernement a été tardive lors de ces quatre surchauffes, et les mesures, trop draconiennes. Ce n'est qu'en 1993 qu'un atterrissage en douceur a été réalisé.