Janvier 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Les meubles antiques chinois

ont de nouveau la cote

ZHANG XUEYING

 

Les meubles antiques chinois ne sont plus considérés comme des « vieilleries » dont on veut se débarrasser, mais en dépit de l’engouement dont ils profitent, ils doivent affronter de nouveaux problèmes.

Au début des années 1990, les Smith avaient décidé de donner une armoire des Qing (1644-1911) à une amie chinoise en guise de cadeau de noce. Après l’avoir consultée, celle-ci leur répondit qu’elle préférerait une armoire de style occidental, car selon elle, cette armoire aurait davantage de classe. Finalement, au grand bonheur de la future mariée, le couple lui a offert une armoire dernier cri. Toutefois, en une décennie environ, les meubles de style antique sont devenus le nec plus ultra du bon goût, de la richesse et du statut social. Aujourd’hui, l’armoire que les Smith avaient planifié d’offrir en cadeau est une marchandise rare et son prix a triplé.

En 1994, en seulement six mois, le prix d’une paire de fauteuils antiques en acajou, vendue au marché des antiquités de Tianjin, a grimpé d’une centaine de yuans environ à plus de mille yuans. En 1998, un paravent des Ming (1368-1644) en bois de rose a été adjugé chez Christie à New York pour 1,1 million $US; et en 2000, une paire de coffres en santal rouge des Qing s’est vendue à 3,98 millions de yuans lors d’une vente aux enchères à Tianjin. Au printemps 2003, un ensemble de 12 paravents en bois de santal rouge, avec panneaux garnis d’incrustations, de la période de Kangxi (1662-1722)  a été vendu pour la somme mirobolante de 25 millions de yuans à un homme d’affaires anonyme de Shanghai lors d’une enchère chez Christie.

Au cours de la dernière décennie, le marché des meubles antiques a connu une expansion sans précédent. À Beijing, Shanghai et Hangzhou, il est passé de quelques boutiques parsemées en des lieux différents à l’apparition de rues bordées de boutiques vendant des meubles antiques ou des reproductions de bonne valeur.

Le marché des meubles antiques a connu une nette expansion ces dernières années. Au début des années 1990, il n’y avait qu’environ dix sociétés vendant des meubles antiques à Beijing; aujourd’hui, on en compte 2 000. Étant donné que la concurrence s’avive, les bénéfices sur les meubles antiques diminuent. Au milieu des années 1990, les profits de la Beijing Huayi Antique Furniture, une société très connue, augmentaient à un rythme annuel moyen de 40 à 50 %; aujourd’hui, ce taux n’est que de 10 %. Aujourd’hui, les meubles vendus sont de nouveaux designs fabriqués avec du nouveau ou de l’ancien bois, et d’anciens designs construits avec du nouveau bois. Selon Luo Maisheng, directeur général adjoint de Huayi, de nos jours, il y a peu de meubles antiques originaux et d’essences rares, et on ne trouve nulle part des meubles des Ming et des Qing fabriqués avec des essences rares. On fabrique à la main de nouveaux meubles de style classique et on les vend de quatre à cinq fois le prix des meubles standard. Un artisan chevronné qui fabrique des meubles de style ancien peut gagner 8 000 yuans par mois, une somme qui dépasse de beaucoup ce que gagnent ses collègues moins spécialisés, et le salaire mensuel d’un maître artisan excède souvent 10 000 yuans.

Luo Maisheng a adopté diverses tactiques pour maîtriser la situation. Il fréquente assidûment les marchés de meubles antiques et envoie son personnel de vente dans les nouveaux complexes résidentiels pour dénicher de nouveaux clients. Il a également signé des accords de coopération avec diverses sociétés de décoration intérieure.

La société Huayi Antique Furniture a été fondée en 1990, et ses premiers clients étaient alors des résidents étrangers et des gens d’affaires de Taiwan, de Hongkong et de Macao. Par la suite, des personnes des milieux artistiques et culturels, les Chinois rentrés d’outre-mer et les nouveaux riches ont grossi sa clientèle locale.

La plupart des meubles des Smith proviennent de la société Huayi. Leur pièce préférée est un lit en bois, magnifiquement sculpté, de la dynastie des Qing. Ils l’avaient acheté pour 600 yuans en 1993, mais quatre ans plus tard, ils ont vu un lit semblable, avec des motifs sculptés de dragon et de phénix, datant de la même période, qui se vendait à 37 000 yuans.

Comme beaucoup de résidents d’outre-mer, le couple a fait des modifications au lit antique pour le rendre plus fonctionnel. Ces deux amateurs ont modifié une armoire chinoise de style traditionnel en y installant des barres, des séparations et des tiroirs; ils ont aussi trouvé une ancienne armoire de cuisine qui est devenue le rangement idéal pour les chaussures; ils conservent leurs reçus et leurs menues babioles dans une ancienne armoire à médicaments; et ils suspendent leurs tasses dans un treillis de fenêtre joliment gravé.

Comme elle a aidé un autre client étranger à adapter une armoire de style chinois en un cellier de style occidental, Zhang Huanrong, directrice générale de la Beijing Shangzhiyu Culture Company donne son opinion en toute connaissance de cause. « La plupart des clients d’outre-mer effectuent des modifications aux meubles antiques pour les rendre lus pratiques, alors que les clients chinois aiment conserver l’apparence originale de ces meubles », dit-elle.

Après avoir travaillé comme reporter pour l’industrie du meuble pendant cinq ans, à la fin de 2002, Zhang Huanrong a fondé une société de meubles et de porcelaines antiques. Contrairement à Huayi, sa société met l’accent sur l’individualité. Elle achète des meubles antiques, fabrique des reproductions et modifie également des pièces originales, dont un banc qui était au départ une vieille mangeoire. Afin d’accroître les canaux de vente, elle a invité des experts du Musée impérial à donner des conférences aux adeptes d’antiquités. Elle a également signé un contrat de sept ans avec le Musée impérial qui lui permet de fabriquer des reproductions de sa collection d’objets rares, à la condition que les administrateurs du musée effectuent un contrôle de la quantité et de la qualité, désignent les fabricants et forment les travailleurs. « Le Musée impérial emploie un grand nombre d’artisans chevronnés et hautement qualifiés, mais il n’a aucun apprenti. Ma stratégie va combler ce vide et attirer l’attention des collectionneurs. Les bénéfices tirés de la vente de ces objets lors d’enchères serviront à l’achat de pièces encore plus rares », dit Zhang. Elle est persuadée qu’il est efficace d’appliquer des techniques modernes de peinture et de fabrication pour faire des reproductions. Elle négocie actuellement avec des agents hollandais et suédois sur le développement de marchés d’outre-mer.

La contrefaçon est l’un des plus gros problèmes au sein de l’industrie chinoise de l’ameublement. Une fois qu’une pièce est fabriquée sur mesure, sa valeur est souvent diminuée par l’arrivée dans le marché d’une grande quantité de versions modifiées ou « d’imitations parfaites ». « Les sociétés étrangères d’ameublement répugnent à participer aux expositions chinoises d’ameublement parce qu’elles courent le risque que leurs produits soient copiés avant même qu’ils soient entrés dans le marché », soupire Zhang.

Les grosses entreprises effectuent souvent des demandes de brevet pour leurs designs, mais certaines sociétés admettent que la nature de l’industrie de l’ameublement annule la fonction protectrice des brevets. Ces demandes exigent temps et argent, et au cours du processus, des flots d’imitations surgissent, ce qui annule tout le concept.

Selon Luo Maisheng, on ne peut faire cesser la reproduction. La seule façon de survivre, d’empêcher les concurrents de dérober les designs et de rester un pas en avant est de faire la promotion de créations distinctives.