08/2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Si le « bleu et blanc » nous était conté…

HUO JIANYING

Dès le XIVe siècle, les porcelaines chinoises qui parvenaient dans les cours princières étaient considérées comme des trésors. Mais les grands « bleu et blanc » que vantent les experts sont encore aujourd’hui le symbole de la porcelaine chinoise.

Vase portant des motifs de vague et de dragon, dynastie des Yuan. Pot avec peinture de personnages, dynastie des Qing. Vase plat à motif de pêches, dynastie des Qing.

Il y a deux ans, à une enchère Doyle à New York, une porcelaine chinoise appartenant à la célèbre catégorie bleu et blanc a éclipsé ses rivales de la Chine antique et a décroché des prix élevés. Un vase plat en porcelaine du même type de la dynastie des Yuan (1271-1368), mesurant 37,7 centimètres de haut et orné de motifs de vagues, de nuages et de dragons, a été la pièce la plus courue lors de cette enchère. Le prix d'évaluation de quelque 500 000 à 750 000 $US, fixé par le commissaire-priseur étatsunien, a été dépassé très rapidement, et un marché a été conclu pour 5,8315 millions $US. Pourtant, l’embouchure de ce vase avait été réparée et on remarquait des fissures des deux côtés…

Depuis longtemps, en raison de leur rareté, les bleu et blanc de la dynastie des Yuan obtiennent de bons prix dans les marchés d’enchères chinois et internationaux, et ces dernières années, leurs prix ont enregistré une escalade rapide. On dit que, dans le monde, il n’y a que sept exemplaires de vases comme celui qui a été vendu aux enchères Doyle à New York, et six d'entre eux font partie de collections de musées. L'enchère Doyle était donc la seule chance qu’avait un collecteur privé de mettre la main sur cette possession rare.

Les bleu et blanc de la dynastie des Ming (1368-1644) qui ont été vendus aux enchères Doyle à New York ont également obtenu des prix exceptionnels. Un pot à motifs de phénix du règne Xuande (1426-1435) a fait grimper les enchères à 511 500 $US, et un bol à motifs de fruits de la même période, à 483 500 $US. Un homme d'affaires chinois de la ville de Ningbo du Zhejiang a remporté la mise pour cinq bleu et blanc, dont un vase à motif floral qu’il a décroché à 321 100 $US, et un pot de treize centimètres de haut à motifs de raisins du règne Xuande, au prix de 253 900 $US.

À cette enchère, le volume total des transactions s’est élevé à 12 millions $US, ce qui est considérable pour un commissaire-priseur relativement jeune et de faible importance comme Doyle. Cette performance exceptionnelle prouve le vif attrait artistique et la valeur de collection des célèbres bleu et blanc.

Mise à jour de nos connaissances sur son origine

Le bleu et blanc est une variété magnifique de porcelaine chinoise, et celle-ci comprend des chefs-d'œuvre de grand prix et des articles bon marché d’usage courant. La porcelaine a été popularisée après le XVIIe siècle, et elle est toujours un article de table courant dans les familles chinoises d’aujourd'hui. Mais il y a beaucoup d'études à faire sur l’origine exacte de cette variété, bien que les découvertes scientifiques et archéologiques aient constamment mis à jour nos connaissances à son sujet.

On croyait généralement que le bleu et blanc a commencé durant la dynastie des Ming, jusqu'à ce qu’apparaisse un vase de ce type, daté clairement de 1351 (pendant la dynastie des Yuan), lors d’une enchère en Grande-Bretagne en 1929. Plus tard, une excavation effectuée dans un four antique à Jingdezhen a révélé davantage de fragments de bleu et blanc remontant aux Yuan, ce qui prouvait l'existence de la porcelaine durant cette dynastie et que Jingdezhen était son site de production. Au fur et à mesure que des bleu et blanc des Yuan étaient déterrés, les gens ont été étonnés de constater que ces objets présentaient une exécution très raffinée pour ce qui est de la forme, du pigment bleu, de la glaçure, des motifs décoratifs et des techniques de cuisson. Les archéologues ont aussi commencé à rechercher leurs prototypes ou des articles représentant des étapes antérieures de leur développement.

Dans les années 1970, on a signalé que plus de 20 fragments de bleu et blanc de la dynastie des Tang (618-907) avaient été déterrés dans un site d'excavation à Yangzhou du Jiangsu. Davantage de rapports ont suivi peu après, notamment la découverte, dans un four des Tang situé dans le district de Gongyi du Henan, de fragments de porcelaine de la fin des Tang avec peintures bleues sous couverte blanche. Les études prouvent que ces fragments appartenaient à la même catégorie que ceux trouvés à Yangzhou. Par conséquent, les chercheurs ont conclu que Gongyi était le site de production des bleu et blanc des Tang.

Parallèlement, on a également découvert des bleu et blanc de la dynastie des Song. En 1975, l'excavation du stupa Jinsha, dans le district de Longquan du Zhejiang, a révélé 13 fragments de bleu et blanc. Étant donné qu’une stèle déterrée dans les fondations du stupa fait remonter la construction de ce dernier à la « première année du règne Xianchun » (1265), on a donc conclu que les fragments remontaient à la dynastie des Song (960-1279).

Les essais ont prouvé que ces fragments des porcelaines des dynasties des Tang et des Song contenaient du cobalt –ce qui donne une tonalité bleuâtre spéciale– mais leur teinte lustrée, leur glaçure transparente et la texture de leur corps étaient de moindre qualité que ceux de la dynastie des Yuan. Ceci indique que les fragments des porcelaines des Tang et des Song possédaient les caractéristiques de base des bleu et blanc –un corps blanc, une glaçure blanche transparente et des peintures bleues sous couverte– ce qui fait croire aux chercheurs que ces porcelaines ont représenté une étape du développement des bleu et blanc.

La croyance courante est que la porcelaine de la dynastie des Tang a atteint sa maturité technique sous les Yuan et a été en vogue sous les Ming.

Témoin d'une anecdote historique

La dynastie des Ming est connue comme « l’âge d'or » du bleu et blanc, en particulier pendant le règne Yongle (1403-1425) de l’empereur Zhu Di et le règne Xuande (1426-1435) de l'empereur Zhu Zhanji. Ces deux périodes ont été l'apogée de la dynastie des Ming, marquée par un Trésor impérial suffisant, un développement culturel florissant, une fabrication avancée et un commerce extérieur animé. L'industrie de la porcelaine était l'épine dorsale du commerce extérieur de la Chine des Ming, et les célèbres bleu et blanc y ont joué un rôle dominant, car leur prix à l'exportation était deux fois plus élevé que celui d'autres porcelaines. Cette situation favorable a propulsé encore davantage le développement de la fabrication porcelainière; le rendement et la variété des produits ont atteint un niveau sans précédent.

L'empereur Zhu Zhanji était surnommé « Fils du Ciel pacifique ». Il a été plus chanceux que son grand-père, l'empereur Zhu Di, dont la plus grande partie du règne a eu lieu pendant une période mouvementée et turbulente : répression de troubles intérieurs, lutte contre les envahisseurs étrangers, relocalisation de la capitale, reconstruction d’un pays déchiré par la guerre et lancement d’une mission internationale de navigation dirigée par Zheng He afin d’ouvrir le commerce avec les pays étrangers. Il est mort en route lors d’une expédition vers le nord. Cependant, ses efforts de pionnier ont laissé une ère de paix à ses descendants

Zhu Zhanji (1397-1435) est devenu empereur à l'âge de 28 ans, quand son père est décédé, un an seulement après avoir accédé au trône. Alors qu’il était enfant, Zhu Zhanji avait gagné la faveur de son grand-père Zhu Di qui l’emmenait souvent en tournées d'inspection et dans des expéditions militaires, supervisait ses études et lui enseignait les compétences nécessaires pour régner. Selon les registres historiques de la dynastie des Ming, Zhu Zhanji a été un empereur compétent, et son modèle de travail a ressemblé à celui de son grand-père.

Zhu Zhanji était versé en calligraphie, en peinture et en poésie. Plus de trente de ses œuvres artistiques et une anthologie de ses poèmes ont survécu à ce jour. Il était également un fin connaisseur en céramique. Durant les dix années de son règne, la production chinoise de la porcelaine bleu et blanc a atteint son apogée, et le « bleu et blanc de Xuande » sert maintenant d’exemple pour les céramistes et est considéré comme une œuvre d'art de grande valeur par les collectionneurs.

Selon les registres non officiels, Zhu Zhanji aimait les combats de grillons. Par exemple, le conte Les grillons, tiré de Contes extraordinaires du pavillon du loisir (Liaozhai zhiyi), un classique de la dynastie des Qing écrit par Pu Songling, relate : « Pendant le règne Xuande, les combats de grillons étaient à la mode au palais impérial, et des grillons étaient prélevés des masses. » En 1993, l'Institut de recherche archéologique de Jingdezhen a déterré beaucoup de fragments de porcelaine bleu et blanc lors d’une excavation à l'emplacement d'un four impérial de la dynastie des Ming. Par la suite, ces fragments ont été reconstitués en 21 pots à grillons. Les archéologues ont conclu qu'ils étaient des pièces de qualité moindre qui auraient été cassées et enterrées par le four.

Ces dernières années, des pots bien préservés de grillons de Xuande sont souvent apparus aux enchères. En 2004, un pot à grillons bleu et blanc de Xuande avec motif d'aigles et d'oies sauvages a été vendu aux enchères à Xiamen. Après 30 tours d’enchères, le prix de base de 500 000 yuans a grimpé à un prix final de deux millions de yuans (environ 240 000 $US). Aucun autre four impérial d'autres dynasties ou périodes n'a produit de pots à grillons. Le Xuande des Ming était la seule exception. Ce fait appuie les contes populaires selon lesquels Zhu Zhanji était souvent désigné sous le nom d’« empereur aux grillons ».

Innovation et développement

La cour impériale des Qing a également prêté attention à son industrie céramique, et ses fours officiels ont copié la porcelaine bleu et blanc des Ming -principalement celle du règne Xuande- des débuts. Au cours de la production de cette porcelaine, le plus gros problème est l'utilisation du pigment qui lui donne une teinte unique. La matière employée pendant le règne Xuande, connu comme le « bleu de cobalt », a été importé par Zheng He pendant l'un de ses voyages en mer. Cette matière d’importation limitée a été employée jusqu’au milieu de la dynastie des Ming, alors que les pigments locaux l’ont remplacée.

Le bleu de cobalt produit une teinte bleu verdâtre brillante et profonde et qui possède habituellement des effets de demi-teinte, comme les nuances d'encre sur le papier xuan dans la peinture chinoise traditionnelle. La cour des Qing a continué la production officielle de la porcelaine bleu et blanc à l'ancien four impérial des Ming de Jingdezhen, en imitant le travail et les techniques qui y étaient disponibles, mais pas le bleu de cobalt. Cependant, le but de l'imitateur était de se servir des techniques à maturité pour développer sa propre industrie porcelainière plutôt que de produire de fausses antiquités.

La production de la porcelaine bleu et blanc impériale a atteint un nouveau sommet pendant les règnes de Kangxi, de Yongzheng et de Qianlong des Qing. Le four a pris un soin méticuleux à choisir et à traiter le pigment bleu et à produire des objets exquis. Ce pigment provenait du Zhejiang et du Yunnan, mais il était raffiné et traité à plusieurs reprises jusqu'à l’obtention d’un bleu lumineux et brillant. On dit que la porcelaine bleu et blanc impériale produite pendant le règne de Kangxi avait des motifs bleus offrant jusqu’à sept ou neuf dégradés. Indépendamment du pigment qui produisait ces dégradés, des talents en peinture étaient également essentiels pour créer un tel effet. La peinture sur porcelaine a employé une méthode de « division de l'eau », qui provenait du lavis à l’encre traditionnel qui divisait l'encre en cinq nuances. Le pigment bleu était mélangé à de l'eau dans différentes nuances de couleur, puis appliqué aux moules selon l’effet désiré. Le résultat ressemblait à une peinture traditionnelle au lavis à l’encre.

La porcelaine bleu et blanc des Qing a également approfondi la pratique des Ming de peindre du bleu sur un corps uniquement blanc, en mettant au point une glaçure veinée à craquelures et une glaçure bleu jaunâtre et des motifs blancs sur des corps bleuâtres. Ces variations ont considérablement prolongé l'utilité de cette porcelaine.

Les fours des « bleu et blanc » populaires ont connu un grand développement durant la dynastie des Qing. Bien que ces fours aient existé durant les Ming, ils produisaient principalement de la céramique de luxe pour l'exportation. Ce n’est que durant la dynastie des Qing que la porcelaine bleu et blanc a fait son apparition dans la vie quotidienne des gens du commun. La plupart des articles de ce type que l’on voit aujourd'hui dans les marchés d’antiquités ou dans des collections privées ont été produits par les fours privés de la dynastie des Qing, mais leur fabrication n'est en rien inférieure à celle des fours officiels.